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Aaron O'Hara

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MessageSujet: Retour à la case départ   Retour à la case départ Icon_minitimeMer 23 Déc - 19:27

Décembre 2020 – Gare routière de Glendale

Tap tap tap…
Je resserre mes doigts sur le volant pour stopper leur mouvement incessant. Pianoter ne calme pas mes nerfs, ne calme pas l’âme de l’adolescent qui a décidé de prendre ma place. C’est stupide mais je ne réussis pas à réduire la boule de stress qui s’est immiscée à l’intérieur, juste là, dans ma gorge que je racle bruyamment pour essayer de me donner contenance. Dix ans ou presque, comme une éternité mais aussi comme si c’était hier…

On pourrait croire que le temps atténue tous les souvenirs, les enrobe d’une bulle un peu floue, un peu douillette aussi, pour adoucir les contours de ceux qui sont trop tranchants et apaiser les trop passionnés. Pourtant, c’est inlassablement la même rengaine qui vient siffler au creux de mon oreille : les drames de la vie restent toujours aussi assourdissants. Le temps passe mais ne réussit pas à les émousser. À chaque réapparition de mon ancienne vie, c’est l’ouragan, la tempête qui me secoue dans tous les sens. Chacune de mes erreurs me revient en pleine face, éclaboussant chacune de mes blessures pourtant cicatrisées depuis longtemps. Les autres ne se rendent pas toujours compte de ce que ça me fait de revoir ces visages, de revivre toujours aussi ces pans du passé. Mais elle, elle saura. Pas parce qu’elle me connaît, pas parce qu’elle saura lire dans mon regard. Parce qu’elle lira directement dans ma tête.

J’inspire… Bloque ma respiration. Relâche. Je sors les clés du contact et enfile ma veste avant de descendre de la voiture, le bus ne va pas tarder à arriver. Esteban lui a-t-il seulement dit que c’est moi qui viens la chercher ? J’ose espérer que oui. Je me dirige vers l’entrée de la gare sans m’arrêter devant le panneau d’affiche : je sais où arrive le bus qui lie Glendale à l’aéroport. J’avise un banc et m’y pose, les mains dans les poches pour maîtriser mes doigts. Malins, c’est à ma jambe qu’ils passent le relai, ma jambe qui s’agite sans que je ne tente même de la calmer. À quoi bon.

Tout ce que m’a dit Esteban d’Emy ces dernières années est « Elle va bien, loin de tout, dans sa vie tout ce qu’il y a de plus normale. » Jusqu’à la semaine dernière. Esteban a passé des semaines à aider Jess, un jeune empathe en pleine exploration de sa capacité, à maîtriser son pouvoir et les émotions des autres. Mais il se heurte à pas mal de murs avec lui. Au détour d’une conversation, il m’a dit : « T’inquiète O’Hara, j’ai trouvé du renfort sur ce coup. Emy débarque dans quelques jours pour me filer un coup de main. » Maintenant, je suis sur ce banc, à attendre un autre souvenir de ce passé qui ne veut pas me lâcher la grappe. Elle est de ces gens qui ont quitté ma vie d’un coup, quand tout s’est pété la gueule, de ces gens qui ont laissé un vide que rien ne peut combler. De ces gens qui étaient là dans les pires moments, avec qui j’ai traversé les pires épreuves de ma vie, avec qui je me suis construit et puis… Pouf. Plus rien. Notre nature nous a poussés à tous nous séparer, à diviser nos routes pour mieux vivre. Ou survivre, pour la plupart. J’envie parfois ceux qui sont partis pour vivre, qui ont réussi à saisir cette occasion de tout plaquer pour recommencer. Je n’ai pas su le faire, je ne le regrette pas parce que je n’ai plus su quoi vivre d’autre que cette vie depuis le jour où mes parents sont morts. Et j’envie les autres, ceux qui ont su et qui le peuvent encore. Mais si même ceux-là sont incapables de dire non quand on les appelle, alors existe-il seulement l’un d’entre nous capable d’être totalement libre ? J’en doute.

Les yeux rivés sur le sol, le crissement du bus arrivant à destination que je n’ai pas vu me fait sursauter. Je me lève, les mains toujours dans les poches, le regard à présent vissé sur la porte avant du bus. Un flot de personnes en descend puis une silhouette familière apparaît et, malgré la tension, je ne peux m’empêcher de sourire. Elle n’a pas changé. Elle a tellement changé. Elle est là.

« Salut Morgan. »
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Emy Rosenbach

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MessageSujet: Re: Retour à la case départ   Retour à la case départ Icon_minitimeMer 23 Déc - 22:25

Emy jeta un coup d'oeil pour la quatrième fois à son téléphone. Elle avait bien envoyé l'heure de son arrivée à Esteban mais celui-ci ne répondait plus depuis deux bonnes heures ce qui commençait à l'inquiéter. A vrai dire, elle n'était pas vraiment inquiète à cause du silence d'Esteban. Plus le voyage avançait, plus l'angoisse et l'inquiétude montaient.

Cela avait commencé lorsqu'Arne l'avait déposée à l'aéroport et lui avait souhaité bonne chance pour son entretien après l'avoir embrassée sur la joue. Elle avait alors eu terriblement honte de lui mentir. Bien sûr, elle ne lui avait jamais parlé de sa capacité, de ce qu'elle avait vécu lors de ses études à l'UCLA et de ce qui l'avait poussée à rejoindre l'université de Berlin pour terminer son cursus, mais ils étaient partenaires. Davantage partenaires au travail et dans l'organisation de leur vie familiale que romantiquement, mais tout de même. Emy avait toujours été une piètre menteuse et n'était pas prête d'y remédier.

Ensuite, elle avait eu quinze heures d'avion pour laisser l'angoisse et l'incertitude s'installer progressivement comme une masse gluante au plus profond d'elle-même. Elle avait pris soin de tout laisser derrière elle. Elle n'était plus l'étudiante sûre d'elle qui participait à des missions de sauvetage et embrassait des garçons pour se sentir moins seule avec ses millions de pensées. Désormais, elle était adulte, mature, mariée, allait à des collectes de fonds le samedi soir en portant des robes de couturier. De ce côté-là, rien à regretter. Il n'y avait qu'avec Esteban qu'elle était restée en contact parce qu'elle le connaissait assez pour savoir qu'il n'y avait aucun risque. Aucun risque qu'il ne vende la mèche, aucun risque qu'il ne débarque en emmenant avec lui ses millions de soucis, aucun risque qu'il ne la juge. Et puis, elle n'avait pas eu le cœur de disparaître sans laisser aucune trace ; elle avait bien assez souffert de la mort de Wyatt et de Nathan pour infliger cela à autrui.
Alors, pourquoi ? Pourquoi avait-elle sauté sur l'occasion lorsqu'Esteban lui avait parlé du jeune empathe avec qui il se heurtait à un mur ? Pourquoi avait-elle menti si aisément à Arne pour se rendre à Los Angeles ? Pourquoi prenait-elle le risque de voir s'effondrer sa nouvelle vie ?
L'adrénaline peut-être. L'envie d'être utile. Le questionnement perpétuel à propos des mutants, de Genome, de Genetic et de l'Agence. Et si elle cessait de se mentir à elle-même, parce que Los Angeles, les gens qui y étaient et tout ses souvenirs étaient une partie d'elle qu'elle ne pourrait jamais effacer. Elle les gardait profondément enfouis au fond d'elle mais ils étaient bien présents. Ils l'avaient construite, avaient fait d'elle ce qu'elle était devenue.

C'était une fois dans le bus que l'anxiété était montée à son paroxysme. Elle avait effectué quelques exercices de relaxation, caressé le bracelet en coton que Kris avait noué à son poignet quelques mois auparavant et pris son mal en patience. Il lui tardait de revoir Esteban.

Lorsque le bus s'arrêta enfin à Glendale, elle se précipita à l'extérieur comme si sa vie en dépendait, sac à l'épaule et écharpe coincée sous le bras. Ce n'était pas Esteban qui l'attendait. Elle aurait dû s'y attendre. Putain de traitre.

« Salut Morgan. »

Il lui fallu une longue minute pour assimiler l'information. Pourtant, elle avait eu plus de seize heures pour s'y préparer durant le voyage, ainsi qu'une grosse semaine de préparatifs. Quoi qu'elle ait pu faire auparavant, tout était balayé en une fraction de seconde. Il était là, en chair et en os, devant elle, les mains dans les poches, le regard aussi vif qu'à l'accoutumé.
« Salut O'Hara. » L'inquiétude s'évapora aussitôt et elle lui offrit un sourire chaleureux. Elle avait eu peur, avant tout, qu'il ne veuille pas la voir, qu'il ne soit plus en vie, qu'il n'aille pas bien, qu'il lui en veuille. Elle s'en rendait compte désormais. « C'est Rosenbach maintenant, mais je réponds toujours à Morgan, même moi j'ai du mal à m'y faire » continua-t-elle en levant sa main où brillaient une alliance en or blanc et une bague de fiançailles scintillantes. « J'avais prévu d'offrir une bouteille de super bière allemande à Esteban, mais il ne l'aura pas rien que pour le fait de ne pas m'avoir prévenue que tu étais mon chauffeur. » Les mots sortaient de sa bouche avec fluidité, comme s'ils s'étaient quittés la veille. Ou comme s'ils ne s'étaient jamais quittés en fin de compte. Elle posa son sac au sol, s'avança vers lui et l'enlaça : « Tu m'as manqué. Je sais, je pue, j'ai passé quinze heures dans un avion mais pitié, attends une minute pour m'en faire la remarque ! »
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Aaron O'Hara

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MessageSujet: Re: Retour à la case départ   Retour à la case départ Icon_minitimeDim 27 Déc - 14:32

Rosenbach… Les yeux rivés sur la bague, je me dis que certains ont réussi à vivre et non simplement survivre. Qu’Emy est de ceux qui ont su prendre leur revanche sur la vie et s’extraire de ce monde dans lequel je continue à m’empêtrer parce que je ne sais rien faire d’autre. Elle est de ceux qui le méritent, qui ont pu réclamer ce droit à la vie, à la joie, au bonheur. Je me satisfais de ce que j’ai parce que je l’ai choisi, enfin, c’est ce que je pense. Mais le choix nous est-il vraiment donné ? Un léger accès de jalousie m’étreint, j’envie Emy durant une fraction de seconde d’avoir pu sortir de cet enfer et recommencer. Même si c’était ce que je voulais, j’en serais incapable, incapable de m’autoriser de vivre alors que je reste persuadé que cela m’empêcherait d’expier ce que je considère comme mes péchés. Péché d’orgueil et de colère, principalement, ceux responsables à mes yeux des malheurs de beaucoup de mes proches. Vrai ou non, je ne peux ôter cette culpabilité de mon âme.

Alors qu’elle m’enlace, que les barrières invisibles tombent entre nous, je retrouve le creux de son épaule où je ne m’empêche pas d’appuyer ma tête. Ce contact m’a manqué, mon amie m’a manqué. Ses yeux pétillants, son sourire contagieux, la douceur des émotions qu’elle sait transmettre aussi bien qu’elle sait lire en moi. Elle m’a manqué. Je ne la relâche pas, pas tout de suite. Je la serre un peu plus, comme pour suspendre le temps, pour laisser et instant durer encore un peu, tant que les souvenirs qui m’assaillent sont les bons, les doux, ceux qui font du bien. Je le sais, les autres afflueront bien vite, trop vite, sans être invités, comme toujours. Alors j’attends avant de rompre cette étreinte. Ces moments suspendus sont tout ce qu’il nous reste. « Tu sens toujours la vie Emy. » je murmure à son oreille, encore heureux pour quelques secondes.

Je la libère alors, brisant la magie, cette bulle de confort qui fait du bien, mais je souris toujours. « Votre carrosse vous attend Mme Rosenbach, prêt à fendre l’asphalte jusqu’à Eden… » Je suspends ma phrase, bien vite rattrapé par une sensation désagréable de plongeon vers l’abîme. Comme l’impression de remonter le temps vers ces souvenirs moins agréables. Sera-t-elle de ceux qui croient retrouver Genome en mettant les pieds à Eden ? De ceux qui revivent le pire de nos vies en retrouvant des visages connus, en cherchant surtout les visages qui ne réapparaîtront jamais ? Car c’est bien là le plus dur, espérer y voir ceux qui ne sont plus, ceux qui n’ont pas eu notre chance. Le voile un peu trop sombre qui a pris place sur mon visage, j’essaie de le chasser par un sourire de façade. « Sauf si Madame souhaite faire un petit circuit ludique en retrouvant un petit bout de plage ou des rues animées qui auraient pu lui manquer durant toutes ces années. » Nous avons tout le temps du monde pour flâner si c’est ce qu’elle souhaite. Si elle pense pouvoir ne faire revivre que le bon sans laisser entrer le mauvais dans le flot des souvenirs de sa vie d’avant. « Votre chauffeur est à votre service. » Joignant le geste à la parole, je ramasse son sac toujours au sol et le lance sur mon dos, prêt à faire le tour du monde avec elle.
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Emy Rosenbach

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MessageSujet: Re: Retour à la case départ   Retour à la case départ Icon_minitimeJeu 31 Déc - 17:06

Sentir la vie, il en avait de bonnes lui... Comment arrivait-il à faire en sorte de transformer une blague stupide sur l'état de l'hygiène corporelle de la jeune femme en une constatation empreinte de gravité et de nostalgie. Emy sentit son coeur se serrer à cette remarque. Elle n'avait pas eu pour habitude ces dernières années d'enlacer ses fantômes. Il lui semblait grave. Elle aurait bien fait une comparaison avec la dernière fois qu'elle l'avait vu, avant de partir, mais il lui avait été impossible de retrouver leur dernier moment ensemble avant l'effondrement de Genome. Dans son esprit, elle l'avait imaginé différemment. Grandi. Mais il était resté le même, si on omettait les quelques rides qui commençaient à poindre sur leurs visages.

Ils restèrent un moment figés, ainsi enlacés, puis Aaron recula, le sourire aux lèvres. « Votre carrosse vous attend Mme Rosenbach, prêt à fendre l’asphalte jusqu’à Eden… » Eden ? Les sourcils d'Emy se froncèrent une fraction de seconde. Elle essaya en vain de se remémorer l'intégralité des messages qu'elle avait échangés avec Esteban mais ne parvenait pas à se souvenir d'un lieu nommé Eden. A vrai dire, ils avaient été extrêmement bons pour échanger des messages de dix mots maximum. Etude terminée, ai prévu de boire pour célébrer. Tout va bien ici, bois pour moi. Mariée, tu y crois-toi ? Il est aveugle ? Sourd ? Toujours vivant ? RAS ici.
Non, décidément, rien sur Eden. A vrai dire, elle avait un peu honte. Elle n'avait pas tenu à prendre des nouvelles de qui que ce soit, à s'impliquer, à connaître les détails de la vie de ses amis. Un bref état des lieux de leur santé avait été amplement suffisant. Elle devait se rattraper.


Pendant qu'Aaron lui proposait de faire un tour à la plage ou dans le centre de Los Angeles, attrapant son sac au passage, elle se ressaisit et le coupa :  « A vrai dire, j'ai un aveu à te faire. Et j'en suis d'avance affreusement désolée. » Comment pouvait-on dire, avec des termes simples "j'ai été une affreuse petite égoïste et je ne tenais pas à savoir ce que tu devenais ces dix dernières années. Avec un rire nerveux, elle passa une main dans ses cheveux et avoua :  « Je ne sais pas du tout ce qu'est Eden. Comme tu peux le constater, j'avais vraiment coupé le maximum de mes liens avec Los Angeles et... » Misère. Se l'entendre dire était encore pire que ce qu'elle pensait. Pour dissiper sa gêne, elle s'installa en voiture et boucla sa ceinture de sécurité. Cela aurait été dommage qu'il la laisse sur le bord de la route alors qu'elle avait fait autant de route.  « Je sais, c'est vraiment pas terrible. Mais il n'empêche que je suis ravie d'être ici. Pas pour Los Angeles et la plage, pas pour les vingt degrés de choc thermique que je viens de prendre mais pour Esteban et pour toi. Ne pas avoir pris de nouvelles de vos parts, ne pas avoir appelé, ne pas avoir... » Elle soupira bruyamment. C'était hallucinant. A chaque fois qu'elle était avec lui, elle redevenait cette adolescente incertaine qui attendait son approbation, qui s'excusait, et qui peinait à faire une phrase cohérente. Elle tenta de se convaincre que ce n'était que la fatigue, mais elle en doutait. Et elle ne mentait pas. Les premiers mois avaient été les plus difficiles. Elle se réveillait en sursaut la nuit en appelant Kensie, Esteban, Wyatt ou lui. Elle voyait parfois le visage de Nathan, mais celui-ci devenait de plus en plus flou avec les années. Elle avait dû installer un logiciel "anti-ex" pour qu'il l'empêche d'avoir accès aux réseaux sociaux ou aux informations de ses anciens amis. Elle leur avait écrit des lettres, qu'elle avait fichu à la poubelle avant d'emménager avec Arne. Elle n'avait pas de petite boite remplie de tout ses souvenirs, mais son coeur regorgeait encore de milliers de souvenirs qu'elle ne parviendrait jamais à effacer. « Bref, pour la faire un peu plus courte, vous m'avez manqué, plus que tu ne pourrais même l'imaginer. Alors, je voudrais que tu roules vers Eden, que je puisse prendre une douche et mettre des vêtements en adéquation avec votre météo et que tu me montres tout ce que j'ai loupé. Si tu veux bien. »
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Aaron O'Hara

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MessageSujet: Re: Retour à la case départ   Retour à la case départ Icon_minitimeSam 2 Jan - 9:30

Je mets le contact et la radio d’informations se lance, décrivant un bilan minable pour cette année 2020. Sans la moindre once de culpabilité, je me dis que, pour une fois, il y a un peu de bon dans cette année de merde : le retour de visages aimés dans ma vie. C’est égoïste parce que je sais ce que signifie de revoir ces personnes parties depuis dix ans mais je n’y peux rien, ça me met du baume au cœur. Je change de fréquence pour de la musique tout en démarrant, le monde est assez naze pour ne pas en rajouter une couche, pas tout de suite.

« Eden c’est la maison. » Une pause. Je crois que je ne l’ai jamais dit à voix haute. Depuis quand n’ai-je pas eu de maison ? Je veux dire, un lieu où je me sens chez moi, apaisé rien qu’en y arrivant, au moins pour une poignée de secondes ? Depuis la mort de mes parents, sûrement. Genome, c’était la maison mais avec plus de gravité. Eden, c’est la maison. « C’est là où on vit avec Sha et Esteban et… C’est un peu devenu un village en fait. » La petite cabane dans les bois s’est multipliée à la vitesse de l’éclair et de trois les premiers mois nous sommes passés à bien une quarantaine de lits, une quinzaine de valises posées de façon permanente aussi. « Au début c’était une cabane où on s’est cachés en attendant que la tempête passe… » Une cabane où je comptais bien finir ma vie en ermite à l’époque. « Puis tu connais Esteban, il a commencé à ramener du monde. Shannon a accroché des rideaux et… » Je suis devenu bûcheron. J’ai coupé du bois encore et encore, monté des murs, agrandi tout ça…  « Eden est devenu un refuge pour ceux qui ne savent pas où aller. » Une putain de colonie de vacances pour mutants dont Shannon fait office de directrice, Esteban de mono cool et moi de concierge à qui on refile le sale boulot. Et ça me va. « C’est Sha qui a baptisé le lieu comme ça. Son humour est toujours le même. » C’est la maison.

La voie rapide s’étend déjà devant nous lorsque je finis mes explications. La culpabilité d’Emy me fait mal, surtout parce qu’elle n’a pas lieu d’être. J’ai envie de prendre sa main pour la stopper mais je me contente de la laisser sur le volant. « Tout le monde a coupé le contact Emy. » je souffle ça avec douceur. « Tout le monde a dû se préserver, se cacher ou partir, se sauver à défaut de pouvoir sauver le monde entier. Personne n’a eu le choix et c’était tout ce qu’il y avait à faire. L’absence de nouvelles a toujours été bon signe au final. » Recevoir des appels a toujours signifié que quelque chose n’allait pas. Tous ceux qui nous ont contactés l’ont fait par détresse, par nécessité, par peur. Ceux qui ont pu se reconstruire ne devaient pas revenir en arrière, pour rien au monde. Je regarde vers elle de temps en temps, espérant voir ses traits se détendre un peu. Moins d’une heure de route nous attend. Je n’ose pas lui dire qu’elle n’aura pas vraiment besoin de changer de tenue, Eden est en altitude, sous la neige actuellement, je ne dis rien pour lui laisser la possibilité de s’émerveiller devant le paysage changeant au cours du trajet.

« Tu m’as manqué Emy. Vraiment. Et ne pas avoir de tes nouvelles a été signe que tu allais bien et c’est tout ce qui comptait. » Mes doigts se resserrent autour du volant. « Je regrette qu’Esteban t’ait forcée à revenir ici. Je suis heureux de te voir mais te demander de remettre les pieds dans ce merdier c’est… » Emy a évolué, elle vit, elle profite de tout ce que la vie a de bon à offrir et Esteban lui a donné l’occasion de se remettre en danger. Pourquoi ? Pourquoi a-t-il fallu qu’il lui demande de venir ? Et pourquoi n’a-t-elle pas su dire non ? Esteban n’est pas pourtant pas du genre à mettre les autres dans une situation complexe volontairement. Pourquoi aujourd’hui ? Sauf si c’est elle qui a saisi l’occasion de… Sommes-nous tous condamnés à foncer tête baissée dans cette vie non-enviable parce que nous ne savons pas vivre autrement ?
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Emy Rosenbach

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MessageSujet: Re: Retour à la case départ   Retour à la case départ Icon_minitimeSam 2 Jan - 19:16

Emy dévisagea son ami pendant qu'il lui expliquait la façon dont Eden avait été construit : d'une simple cabane qui faisait office de bouée de sauvetage à un réel village. Elle fut prise d'un fou rire incontrôlable ; il lui revenait en mémoire une soirée, celle juste avant le sauvetage de Shannon à Blue Lake. Aaron et elle étaient allés dans un bar et avaient largement entamé une bouteille de tequila. Emy ne savait plus vraiment pourquoi, mais elle lui avait dit qu'elle le voyait vivant dans les bois, avec un chien et des enfants.

« Tu te souviens de la soirée avant Blue Lake? » expliqua-t-elle entre deux fous rire. « Je t'avais dire que je te voyais dans le futur vivant dans la forêt avec un chien et des enfants. Mince alors, il ne te manque plus que le chien. Je devrais peut-être ajouter la prémonition à la liste de mes capacités spéciales ! »

C'était assez satisfaisant de savoir qu'il avait été assez entouré pour ne pas se laisser couler. Shannon et Esteban avaient été là pour lui et l'avaient empêché de fuir le monde, de tout laisser derrière lui. Elle leur en était infiniment reconnaissante d'avoir entrepris ce qu'elle n'avait même pas imaginé. Ils lui avaient rendu une famille, une maison, un endroit sûr. Etait-il vraiment sûr d'ailleurs ? Elle n'osait demander ce qu'il en était pour Genetic depuis l'effondrement de Genome. Elle avait pris la fuite tellement rapidement qu'elle ne savait rien de ce qui s'était passé ensuite ni de l'état actuel des choses. Et ce n'était vraiment pas le bon moment pour lui demander si un des sbires de Genetic allait leur tomber dessus.

« Tout le monde a coupé le contact Emy. » Cette remarque lui fit encore plus mal que ce qu'elle pensait. Tout le monde. Elle n'aurait jamais pensé faire partie de ce tout le monde, pourtant, elle avait dû être une des premières à foutre le camp comme si sa vie en dépendait. A vrai dire, à ce moment-là, elle pensait vraiment que sa vie en dépendait. Mais il avait raison, elle allait bien. Très bien même. Elle n'avait eu besoin de rien ni de personne pour se reconstruire une vie. Fixant la route des yeux, elle chercha ce qu'elle pourrait bien lui dire, mais les mots lui manquèrent. Sous ses yeux, le paysage se transformait tandis qu'ils s'éloignaient de la plage. Il reprit une dernière fois la parole, les mains crispées sur le volant : « Tu m’as manqué Emy. Vraiment. Et ne pas avoir de tes nouvelles a été signe que tu allais bien et c’est tout ce qui comptait. Je regrette qu’Esteban t’ait forcée à revenir ici. Je suis heureux de te voir mais te demander de remettre les pieds dans ce merdier c’est… »

Elle leva un sourcil interrogateur et avisa ses mains crispées. Elle posa une main sur son genou et tenta de formuler ses pensées avec le plus de clarté possible. Pour qu'il n'y ait pas la moindre possibilité d'interpréter ce qu'elle voulait dire.

« Quand Esteban m'a envoyé un message pour me dire qu'il avait besoin de moi avec un mutant, je n'ai même pas réfléchi. C'était instinctif, on avait besoin de moi et j'avais envie de revenir. Ces dix dernières années, je ne suis revenue que deux fois aux Etats-Unis, à New-York pour voir mes parents.» Ses parents étaient venus très régulièrement à Berlin et vouaient une adoration sans borne à Kristin. Elle continua doucement tout en caressant son genou. « Tu te demandes pourquoi je suis revenue. Je comprends. Tu as peur parce que je suis là. Je comprends aussi. J'adore ma vie à Berlin, j'aime mon mari, j'aime Kristin. Il n'empêche que je suis une mutante, que je suis de Genome, que je suis votre amie. Et que s'il y avait eu la moindre chance qu'il y ait un souci, Esteban ne m'aurait pas appelée. Il n'y a aucun risque et il est grand temps que je réconcilie les deux parties de ma vie. Après, ça donne des adultes un peu skyzos, tu comprends...» blagua-t-elle en tentant de détendre l'atmosphère. « Je suis là pour trois semaines, j'ai obtenu ce gracieux accord de mon cher et tendre qui doit actuellement galérer pour s'occuper de sa fille alors je compte bien en profiter. »

Elle retira sa main et se concentra sur la route. Ils s'enfonçaient de plus en plus dans la montagne et il lui semblait qu'au loin, de la neige miroitait. « Eden est perdu dans les montagnes et il neige, c'est ça ? » soupira-t-elle. « Moi qui rêvais de bikinis et de cocktails.»
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Aaron O'Hara

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MessageSujet: Re: Retour à la case départ   Retour à la case départ Icon_minitimeDim 3 Jan - 18:12

Le contact de sa main sur ma jambe me décrispe instantanément, plus efficacement encore qu’une séance de méditation improvisée par Esteban – sa lubie de l’année dernière. La chaleur que me transmet la paume de sa main est salvatrice, elle m’apaise sans même que je ne m’en rende réellement compte. Mes doigts se desserrent tandis que je continue à me concentrer sur la route.

L’instinct comme justification, on y revient toujours à ce foutu instinct qui semble réunir les nôtres quand des événements peu agréables se préparent. Cette réflexion qui me poursuit depuis quelques années ne me plaît pas, me dire que nous nous rassemblons comme du bétail sentant le loup arriver à le don de m’angoisser. De quoi alimenter des tas d’articles de recherche sur le sujet… Enfin, à l’époque où j’étais encore dans le milieu, à l’époque où je croyais pouvoir encore vivre ma vie.
Dix ans et bam, à la moindre évocation du mot mutant, Emy est là. Comme nous tous. Je n’y vois qu’une certaine fatalité alors que c’est plutôt de l’entraide qui en ressort en réalité. J’ai perdu mon optimisme en plus de mon innocence lorsque le mot mutant est entré dans ma vie.

« …j'aime mon mari, j'aime Kristin... » Kristin ? Je lutte pour ne pas l’interroger du regard alors qu’elle continue sa tirade. J’essaie de contrôler l’expression de mon visage alors qu’une question commence à tourner en boucle dans ma tête, alors que l’apaisement furtif qu’elle m’a apporté s’évanouie d’un coup. Kristin.
Trois semaines. C’est bien long pour des vacances soudaines à l’autre bout du monde. C’est même jusqu’après Noël alors que… Alors que quoi ? Pourquoi a-t-elle sauté dans un avion pour le bout du monde en mettant sur pause une vie aussi chère et importante au premier coup de fil d’Esteban ? Pourquoi est-elle là ? Elle a bien failli réussir à me convaincre que sa présence n’est pas un problème, que la demande de mon acolyte est légitime, qu’elle fait ça en toute connaissance de cause, que venir s’enfermer pendant trois semaines à Eden n’est qu’une visite mignonne à de vieux copains…
Je mets un frein au flot de mes pensées. Emy ne dit plus rien, moi non plus. Sa main n’est plus au contact de mon jean, elle regarde par la fenêtre. Combien de secondes se sont écoulées ? De minutes peut-être ? Non, je ne me suis pas perdu aussi loin dans ma tête, pas aussi longtemps.

Elle comprend vers où nous allons. Je me ressaisis, me rappelant de ne pas sauter aux conclusions trop vite, de ne pas chercher à voir le côté sombre des choses. « Il y a un petit lac, si vraiment piquer une tête est nécessaire… Mais je ne te le conseille pas. » Je feins un sourire en tournant rapidement la tête vers elle avant de retourner mon regard vers la route. Je sors de la voie rapide pour emprunter le début de la route qui mène vers les sommets, bientôt les virages en lacets seront là.

Essayant de paraître détendu, je finis par poser ma question. « Kristin ? » Okay, la construction de phrases est une notion bien lointaine, là tout de suite. « C’est ta fille ? » Je me contente de ça, parce que j’ai retrouvé aussi vite que ce qu’elle a disparu ma capacité à former des phrases complètes, surtout des phrases tranchantes, un peu brusques, du genre de celles qui acculent la cible à quoi de pourquoi, pourquoi, pourquoi. Pourquoi venir dans ce qui pourrait être la gueule du loup alors qu’une enfant dépend d’elle ? Pourquoi avoir sauté dans un avion pour revenir à la case départ alors qu’il y a tellement plus important de son côté de l’Atlantique ? Je vais faire passer un sale quart d’heure à Esteban quand on sera tous les deux entre quatre murs…

Est-ce que ça me rappelle que mes parents ont été de ceux qui n’ont jamais raccroché alors qu’ils avaient deux vies qui dépendaient d’eux ? Que leur mort a précipité notre chute aux enfers avec Aby ? Que ma sœur en a payé le prix de sa propre vie ? C’est peut-être ça le problème, ça qui fait que mes doigts sont crispés sur le volant, ça qui fait que je ne retiens pas la phrase qui glisse entre mes lèvres : « Noël, c’est dans moins de trois semaines. »
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Emy Rosenbach

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MessageSujet: Re: Retour à la case départ   Retour à la case départ Icon_minitimeLun 4 Jan - 18:24

Aaron continua de l'entraîner vers les sommets enneigés. Emy n'était jamais allée dans cette partie de Los Angeles. Elle se rendait compte, avec le recul, que ses presque trois années passées dans la ville n'avait rien eues de conventionnelles et qu'elle n'avait pas pris le temps de s'offrir une petite visite des alentours. Elle avait eu mieux à faire, ou tout du moins, elle avait été occupée, mais tout de même. Une petite route bordée par la forêt s'offrit à eux et Emy se demanda à quel point Eden avait été construit en retrait du monde. Si proche et pourtant si loin.

Enfin, Aaron rompit le silence et demanda : « Kristin ? C’est ta fille ? ». Emy le connaissait assez pour noter l'air pseudo-détaché qu'il tentait de prendre pour lui poser cette question. Les questions d'Aaron étaient rarement anodines et celle-ci avait était posée avec un côté incisif que la jeune femme connaissait trop bien. Si ils suivaient le mode d'emploi habituel d'Aaron, quoi qu'un peu dépassé puisque daté de plus de dix ans, ils allaient passer par différentes étapes. Il posait une question qui entrainerait un jugement, Emy s'agacerait, Aaron culpabiliserait... Elle se demandait bien à propos de quoi il pouvait porter un jugement cette fois-ci, à propos de quelle partie de sa vie il pouvait bien culpabiliser, surtout concernant Kristin. Elle avait follement envie d'entrouvrir la porte qui cloisonnait son esprit avec celui de son ami, mais dans cette situation, c'était de la triche, elle en était consciente. Elle n'avait utilisé son pouvoir ces dix dernières années que pour son confort personnel ou pour vérifier la fiabilité des gens dont elle s'était entourée. Cela lui avait gâché en partie la demande en mariage d'Arne, mais tant pis.

« Kristin est la fille de mon conjoint, Arne. Elle avait 6 ans lorsque son père et moi nous sommes mis ensemble, elle va en avoir 12 maintenant. Sa mère ne fait pas partie du tableau, elle est partie à sa naissance. Je suis donc officiellement une affreuse belle-mère » s'esclaffa-t-elle. C'était devenu une blague récurrente entre Kristin et elle, cette appellation d'affreuse belle-mère. C'était même son pseudonyme officiel dans le téléphone de sa belle-fille. Arne et elle avaient été très attentifs à la façon dont Kristin pouvait percevoir et accueillir la relation qu'ils avaient établie, encore plus lorsqu'Emy avait emménagé avec eux puis épousé son père. Emy n'avait jamais tenu à être une vilaine belle-mère et elle en avait rapidement parlé avec Kristin, avec l'accord d'Arne, s'appuyant sur les nombreux contes qui avaient rythmé son enfance.

Perdue dans ses pensées, Emy fut prise par surprise lorsque Aaron atteint enfin la phase 2 du mode d'emploi : « Noël, c’est dans moins de trois semaines. » Il y a dix ans, Emy lui aurait répondu vertement de se mêler de son cul, aussi appétissant soit-il et qu'elle savait encore compter les jours et organiser son emploi du temps comme elle le souhaitait. Mais elle avait vieilli, avait appris à tempérer ses ardeurs quand elle n'était plus sûre d'en sortir victorieuse ; de nombreuses réunions d'équipes et des rencontres avec les professeurs de Kristin lui avaient appris à manœuvrer avec plus de finesse et surtout, à prendre du recul. Fréquenter Arne qui était un modèle de calme et de retenue y avait aussi été pour beaucoup.
Dans tous les cas, cela n'aiderait pas si Emy lui rentrait directement dans le lard, quoi qu'il méritait pour cette remarque déplacée un bon coup dans les parties. Elle prit alors le partie d'en rire et, après de longues secondes pour formuler ce qu'elle comptait dire dans sa tête, elle posa sa main sur le bras d'Aaron et s'écria, avec un air halluciné fortement comique : « Non. Attends, Noël est bientôt ? Mais on ne m'avait rien dit ? Je pensais qu'on était en juillet moi ! Demi-tour Superman, la vilaine belle-mère doit rentrer au bercail ! »

Ce n'était pas difficile de constater qu'Emy faisait de gros efforts pour aplanir la situation et tenter de dérider Aaron : en plus d'être une piètre chanteuse, elle était aussi une comédienne lamentable. Elle attendit qu'Aaron se tourne vers elle pour lui sourire de toutes ses dents et reprit : « Arne et Kristin sont partis passer Noël dans la famille d'Arne. Ensuite, elle est invitée par ses cousins à aller skier. On s'est fait un dîner au restaurant toutes les deux et je t'assure qu'elle ne se sent pas lésée. Je ne passe peut-être pas Noël avec eux cette année, mais j'ai été là pour sa démonstration de karaté, son récital de chant, aller la chercher à l'école et faire des après-midis pyjama lorsqu'elle a eu la grippe. Après, si tu as un manuel de parentalité exemplaire, je prends ! » Oups, elle ne pouvait vraiment pas s'en empêcher. Cela lui avait échappé et elle espérait qu'Aaron ne rebondirait pas trop dessus. « Je compte aussi louer une voiture et rendre visite à mes parents. J'ai aussi un entretien à l'hôpital de Los Angeles le 31. C'était un peu ma couverture pour disposer d'autant de temps. Pitié, laisse-moi profiter de mes vacances de célibataire Superman. Nul besoin de sauver le vieux médecin et la gamine, à défaut de la veuve et de l'orphelin. Tout le monde va très bien. »

Ils approchaient maintenant, Emy en était sûre. Les bords de route se couvraient de plus en plus de neige et Aaron avait monté légèrement le chauffage de la voiture. Finalement, elle n'aurait pas à ranger son écharpe de si tôt. « Et toi alors ? Une Loïs Lane en vue ? Un gamin biologique en plus de la dizaine d'Eden ? »
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MessageSujet: Re: Retour à la case départ   Retour à la case départ Icon_minitimeJeu 7 Jan - 18:26

J’suis vraiment trop con, je le sais, et je continue, je ne fais rien pour me soigner, je laisse mes lèvres déverser le venin avant même d’essayer de réfléchir calmement. Mais Emy, elle… Elle n’a pas changé. Elle trouve toujours le moyen de me surprendre, elle prend mes remarques et les piétine en douceur, les remet à la place qu’elles méritent avec des arguments imbattables. Elle a raison, j’ai tort, et elle a même l’amabilité de ne pas trop me ridiculiser, de se moquer de moi juste ce qu’il faut. Elle sait aussi qu’il m’en faut peu pour culpabiliser face à mes échecs, alors c’est sûrement plus facile que ce que je crois.

Elle m’offre des fragments de sa vie et un pincement au cœur me surprend, encore, comme à la vision de sa bague tout à l’heure. Elle mène la vie qu’on espérait tous pouvoir oser toucher du doigt sans jamais se laisser le droit d’y croire. Elle a construit au fil des années quelque chose de beau, elle a appris des erreurs qui ont jalonné notre passé et elle a magnifié toutes les horreurs qu’elle vécues. Je ne suis pas Superman mais elle, c’est une héroïne. Elle écrit les pages d’une histoire que je me délecte d’écouter même si je l’envie. Mais l’envie ne fait pas le poids face au fait que je suis heureux pour elle, heureux de l’écouter parler de sa vie, de cette gamine avec qui elle partage tant et qui met des étoiles dans ses yeux. Cette vie lui va bien.

Je devrais m’excuser mais je ne le fais pas. Pas parce que mon égo m’en empêche mais parce que je sais que ça n’est pas nécessaire, que je n’ai pas besoin de retirer mes paroles. Et, au pire, si elle ne s’en rend pas compte, elle peut très bien lire dans ma tête, je le mérite.

Alors que les virages se font plus étroits et que la route s’étrécit, annonçant la fin prochaine de la civilisation, deux petites questions anodines en apparences fusent. Si ça n’était pas Emy, j’aurais pu répondre comme on répond à une vieille connaissance, en disant que le temps n’est pas venu, ou que ma vie bien remplie met ces projets de côté… Mais c’est Emy. Non seulement elle peut fouiller dans ma tête mais, surtout, elle me connaît. Et puis une fois à Eden elle verra de quoi est réellement faite ma vie. « Il n’y a personne. » Pas de Loïs, pas de Superbabies. « Et c’est sûrement parce qu’il y a eu trop de monde, qu’il y a encore trop de gens. » Entendons-nous bien. Je ne parle pas de l’espace sous mes draps, même si ça aurait pu. « Je suis dans ce monde jusqu’au cou, pas comme avant, mais toujours trop impliqué. Je passe mon temps à arrondir des angles, à faire de la place, à chercher des solutions pour les autres et… » Et avec le temps, j’ai oublié. « Je m’oublie trop au profit du groupe, peut-être. » Je sais que ce n’est pas que ça. Je n’en parle juste jamais à voix haute. « Les gens prennent le pas sur le reste. C’est plus facile de laisser partir un membre d’une communauté plutôt qu’une personne à qui on donne la responsabilité de nous maintenir en vie. » C’est glauque. Bien plus que ce que j’ai réellement en tête. Comment expliquer que je ne suis plus capable de me laisser aller à placer une personne au-dessus du reste au risque aussi d’en faire pâtir l’engagement que je prends malgré moi auprès des gens à Eden ? Mes relations dans le passé ont toujours eu des conséquences désastreuses sur les événements et je n’ai plus la force de revivre ça.

« Des enfants, j’en ai une poignée par contre. » Je marque une pause. Pour la mise en scène. « On a quelques ados paumés à Eden, qui n’ont plus personne et qui ont besoin d’une figure parentale, de personnes capables d’encaisser comme le font d’ordinaire des parents. On joue pas mal ce rôle et c’est suffisant. » Parce qu’il est toujours hors de question pour moi d’avoir des enfants, de prendre le risque de transmettre mon gène ou, pire, d’abandonner des enfants qui ne l’auraient pas pour les préserver de cette vie-là. Plutôt épargner des vies innocentes.
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MessageSujet: Re: Retour à la case départ   Retour à la case départ Icon_minitimeMar 12 Jan - 18:42

Les relations étaient son moteur, son carburant, sa dynamite et sa kryptonite en même temps. Elle en avait besoin pour exister et avancer, mais chaque heurt avait des conséquences dévastatrices dont elle mettait longtemps à se remettre. Chaque homme qu'elle avait aimés avaient laissé sur elle une marque indélébile. Elles s'effaçaient avec les années, mais elles étaient toujours là. Esteban, Dylan, Aaron, puis Arne. C'était pour cette raison qu'elle était incapable de leur refuser quoi que ce soit, et sûrement aussi la raison qui l'avait poussée à prendre l'avion, bien plus que le jeune mutant perdu qu'elle devait aider. Malgré les années et l'expérience, elle continuait à faire passer les relations et l'être humain avant tout le reste. C'était pour cette raison qu'Emy écoutait sans broncher les propos d'Aaron lui racontant le néant que représentait sa vie sociale et sentimentale. Emy aurait presque préféré qu'une horde de Loïs Lane fasse la queue devant sa cabane plutôt que de constater qu'il vivait comme un reclus au milieu des bois.

Rien n'avait changé finalement dans la vie d'Aaron. Plus il racontait, plus il s'épanchait et plus Emy tentait de contenir le sourcil surpris qui menaçait de remonter. Elle l'avait quitté chef d'une organisation, toujours par monts et par vaux, tentant tant bien que mal de contenter tout le monde et d'aplanir les angles et elle le retrouvait dans la même situation, encore et toujours. Plus de décisions lourdes de conséquences à prendre mais de petites décisions qui influaient encore et toujours sur la vie d'un groupe de personnes. C'était aisé d'oublier les relations humaines, de les mettre de côté lorsque la vie d'autres personnes dépendaient de lui. Aaron, essence même du martyr qui s'ignore.

Tandis que la route défilait plus lentement sous ses yeux et que le soleil se couchait, Emy se mordait les lèvres. Elle avait bien envie de secouer Shannon et Esteban pour l'avoir laissé chouiner dans les bois plutôt que de lui mettre un coup au derrière qui lui aurait sûrement été salvateur. « Tu peux retirer le peut-être, tu t'oublies clairement trop au profit du groupe. Tu sais que les parents épanouis rendent les enfants épanouis non ? Je crois qu'il faut que papa sorte... Ca me donne clairement envie de t'emmener dans tous les bars de la ville pour que tu te trouves quelqu'un. Je suis sûre que je peux être un super copilote ! » souffla-t-elle entre deux éclats de rire en secouant ses boucles blondes.

Elle omit volontairement sa phrase sur les personnes qui partaient. Ils devaient être plusieurs. Finalement, c'était aussi difficile pour la personne qui part que pour celle qui reste. Holly avait dû partir aussi. Elle n'aborderait pas le sujet, déjà assez satisfaite qu'il se livre à elle sans qu'elle ait besoin de farfouiller dans sa tête. Elle aurait pu, cela aurait été plus facile, mais cela demandait une intimité ou un manque d'intimité et Aaron ne rentrait plus dans l'une ou l'autre de ces cases.

« Tu me bats clairement sur le plan des enfants. J'essaye de convaincre Arne d'en avoir un second mais on en peut pas dire que ce soit un grand succès. Ca me va bien de venir t'aider à pouponner des néo-mutants pour quelques temps. Ca me ramène à ma prime jeunesse, quand j'étais encore jeune et fraîche. » Petit pincement au coeur. Si elle l'abordait avec décontraction, les esquives d'Arne commençaient à impacter sérieusement son moral. Elle allait avoir trente-deux ans, Arne quarante-quatre et ils devaient s'y mettre rapidement sous peine d'être pris pour les grands-parents à la sortie de l'école. Kristin ne comblait pas tout à fait sa vie. Elle avait beau être incroyable, ce n'était pas sa fille et elle ne l'appelait pas maman. Elle voulait qu'on l'appelle maman. Ses hormones étaient décidément en folie en ce moment.

Aaron semblait ralentir et il sembla à Emy que l'intimité qu'ils avaient partagé dans la voiture allait bientôt se rompre. Difficile de dire s'ils allaient encore pouvoir être seuls et échanger de cette façon maintenant qu'ils étaient arrivés. Elle se sentait impatiente de découvrir ce nouvel univers mais aussi angoissée à l'idée que ce soit moins bien que ce qu'elle avait imaginé tout au long du chemin. Aaron était moins en forme que ce qu'elle avait imaginé, toujours aussi torturé... Peut-être que si elle n'était pas partie. Et si, et si, et si...

« Rassure-moi, y'a l'eau courante dans ton Eden ? L'électricité ? Internet ? » Des protections contre ces bâtards de Genetic ? « Non parce que je suis toujours aussi citadine que je l'étais... Y'a des ours ? »
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Aaron O'Hara

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MessageSujet: Re: Retour à la case départ   Retour à la case départ Icon_minitimeJeu 4 Fév - 20:02

Que papa sorte… Je ne me pose même pas la question, ou rarement. Ma vie est suffisamment remplie à Eden et je me complais dans cette routine, les liens que j’y ai trouvés comblent ce qui pourrait exister à côté. Cet endroit est mon projet, je l’ai construit même si ce qu’il devient m’échappe grâce à l’enthousiasme trop grand de Shannon et ça me va. C’est suffisant. Enfin, c’est ce que je crois. Pour le reste, parfois, quand je passe quelques jours à LA, j’oublie la réalité et me laisse aller à rêver un peu… Une nuit, jamais deux ou presque. Je n’en ai pas besoin, pas aujourd’hui, pas hier, peut-être pas demain. Ma vie me convient mais est-ce parce que je ne me projette pas ? Parce que je suis persuadé qu’une épée de Damoclès lévite constamment au-dessus de nos têtes et qu’elle m’empêche de penser plus loin que demain ? C’est une possibilité. Aussi étrange que soit ma routine, elle colle à mon état d’esprit, à cette sensation insidieuse de devoir rester quoi qu’il en coûte sur mes gardes et de m’attendre à tout perdre du jour au lendemain : autant posséder le moins possible.

Emy évolue, elle. Elle se projette, construit, vit. Puis elle revient ici, pour ses souvenirs, par nostalgie. Je suis toujours autant surpris de voir les anciens copains de galère revenir le sourire aux lèvres, et paradoxalement le regard à nouveau marqué par les souvenirs les plus durs. Est-ce un penchant masochiste qui nous est commun à tous ? Je préfère croire que c’est plus une envie de retrouver ces liens forts qui nous ont tous unis. Nous étions tous très différents, animés par diverses motivations et les épreuves communes nous avaient rapprochés comme jamais nous n’avions été proches des gens. Nous avions vécu l’inimaginable tous ensemble et ça avait donné naissance à quelque chose de fort. Mais ce quelque chose s’apparente aujourd’hui à une relation toxique, à une attirance irrépressible vers une vie qui nous a tant pris, tant fait mal. Et nous revenons. Moi je ne suis jamais parti. Des fois, je me dis que nous sommes coincés dans un cercle vicieux implacable, que le destin nous ramènera toujours vers la part sombre de la réalité… La lumière que dégage Emy depuis toujours me laisse tout de même l’espoir de croire que ce cercle n’existe pas et que le bonheur peut être à notre portée.

La température extérieure a chuté, le chauffage de la voiture tourne à plein-régime et la neige s’entasse sur les accotements. Clairement, le soleil et la plage, ce n’est pas le plan des vacances. Esteban aurait peut-être dû la prévenir. Ses questions me tirent un bon rire moqueur. « On vit reclus mais on a su apporter un minimum de confort à Eden, t’en fais pas. L’eau courante et l’électricité, c’est bon. Faut juste éviter de prendre des douches trop longues en ce moment parce qu’on a du monde. On vit dans des cabanes mais ça reste plus sympa que le QG de Genome : la lumière du soleil passe à travers les fenêtres. » Le vieil immeuble qui nous avait servi de refuge se voulait discret à l’époque, les fenêtres avaient été condamnées par des planches pour empêcher la lumière intérieure de filtrer, les murs avaient quelque chose de froid aussi malgré nos efforts… Eden ressemblait plutôt à un parc de vacances pour cadres usés par le rythme effréné de la ville. « Les ours, par contre… Ils sont là. Mais on a mis en place des moyens dissuasifs pour les empêcher de venir chercher de la nourriture dans nos bacs à compost. » Ouais, Eden, de loin, peut laisser penser qu’il s’agit d’un village écolo. « On n’en a pas vus à travers les fenêtres depuis au moins deux mois. » Un sourire moqueur s’affiche sur mon visage même si ce que je lui dis est totalement vrai. « C’est principalement Sha’ qui les fait fuir d’ailleurs, ils doivent sentir en elle le pire de leurs prédateurs. » Si Emy répète ça à Shannon, j’suis bon pour en entendre parler pendant des semaines mais je maintiens que ma théorie est tout à fait logique. « Tu ne seras pas seule dans ta cabane mais tu auras une chambre : on réserve les dortoirs pour les passages express. »
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