Après avoir tiré sur la jeune fille, Remington avait quand même eu la présence d’esprit de conduire Mary Jane à l’hôpital. Le trajet avait été rapide. C’était l’avantage de se déplacer en moto. Bien entendu, le rustre ne s’était pas attardé. Il s’était contenté de jetée l’adolescente à la porte des urgences en lui souhaitant « bonne souffrance ». *Merci Nemo ! C’est sympa*. En tout cas, elle s’en fichait pas mal maintenant car elle était enfin libre. Enfin pas tout à fait encore ! Pour cela, elle devait passer par la délivrance.

La jeune fille avait été prise rapidement en charge par un médecin urgentiste. Voyant l’état de ses vêtements, il ne lui posa pas mille questions. Il la fit conduire directement en salle de travail. Elle avait perdu les eaux chez Remington et les fortes contractions du début s’étaient calmées. Elle avait encore mal au ventre mais c’était supportable. Elle fut conduite directement en salle de travail. Une aide-soignante l’aida à se dévêtir et lui fit un brin de toilette. Ce n’était pas du luxe ! Le sang et le liquide amniotique collait un peu partout. Beuuuuuufk Après avoir enfilé un de ces magnifiques déshabillés jetables, on lui demanda de s’installer sur la table et de mette les pieds dans les étriers. Mais c’était quoi cette position ? N’y avait-il pas une autre façon de procéder ? Mais si bien sûr, il avait d’autres moyens. En guise de protestation, Mary Jane refusa de prendre la position adéquate.

- Non j’veux pas accoucher comme ça ! J’veux accoucher dans une piscine !

L’aide-soignante lui expliqua que ce n’était pas possible. Et avant tout, elle devait de faire ausculter pour voir où en était le travail. Ah oui ? Mais non ! La chipie refusait de se conformer aux règles.

- Et qui c’est qui va m’ausculter d’abord ?J’veux pas que ce soit un homme ! Si c’est un homme j’accouche pas ! Dit-elle sur un ton de défit.

Non mais, il ne manquerait plus qu’un homme examine son intimité sans son consentement. L’aide-soignante n’insista pas et quitta la pièce. Une sage-femme arriva quelques instants plus tard. Elle essaya d’expliquer à Mary Jane qu’il était indispensable qu’elle se laisse faire. Sans cela, il n’était pas possible de préparer la suite dans les meilleures conditions. La suite n’était pas des plus attrayantes. La chipie n’avait pas envie d’aller plus loin. Mais bon, elle n’avait pas le choix ! D’ailleurs, la nature la rappela à l’ordre par une sévère contraction.

- Aiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiieeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee !!!!!! Hurla-t-elle en se laissant tomber sur la table de travail.
- Ossssssssssscouuuuuuuuuuuuuuuuuuuurssssss, j’vais mouriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiir !!!!!!

Sans qu’elle en ait vraiment conscience, la sage-femme en profita pour ausculter l’adolescente. Le travail était déjà bien avancé. Il était trop tard pour pratiquer une péridurale.

- Vous voulez que je téléphone à votre famille pour que quelqu’un vienne vous assister ? Demanda la sage-femme d’une voix douce.

- NoooooooooooooooooooOOOooooon ! Répondit-elle en se tordant de douleur.

Maggie fixait la pendule accrochée dans la salle des infirmières. Chaque seconde la rapprochait un peu plus de sa trentième année. Tic, tac, tic, tac. Elle n’avait pas envie d’avoir trente ans. De changer de dizaine. Vingt neuf ans, c’était bien. Elle aimerait avoir toujours vingt neuf ans. Parce que là, la trentaine approchait et elle avait l’impression de ne rien avoir fait de sa vie. Si ce n’est fumer un nombre incalculable de cigarettes, boire des litres et des litres de whisky et collectionner les hommes. Pas de foyer accueillant pour elle, pas de cris d’enfant, ni de baiser chaleureux de mari. Non, rien de tout ça. Ah si, ça elle avait failli l’avoir. Si cet abruti de John n’était pas parti, elle l’aurait eu. Et elle l’avait laissé échapper une seconde fois, en laissant partir Ryan. A croire que le bonheur lui filait irrémédiablement entre les doigts. Comme l’eau d’une rivière.

La porte s’ouvrit à la volée, un médecin venait la chercher. Un cas urgent, un accidenté de la route. Ils n’ont qu’à rouler moins vite. Soupirant, elle se leva de sa chaise et suivi l’homme en blouse blanche. Bientôt, elle ne serait plus si blanche. Beurk, drôle de pensée. Maggie la chassa d’un mouvement vif de la tête. Les urgences ne lui plaisaient plus. Elle était là parce qu’elle le devait, plus parce qu’elle le voulait. Venir ici avec un gout de sable. Cela ne la passionnait plus autant qu’au début. Puis, le brancard arriva vers un à une vitesse hallucinante, manquant de les renverser elle et le médecin. Elle se laissa emportée par le tourbillon des urgences. C’était son quotidien, son affreux quotidien.

Lessivée, Maggie trainait des pieds pour aller s’allonger quelques minutes sur le lit destiné aux infirmiers de garde. Un lit à étage dans la salle de repos. Pour ça, il fallait passer dans le service de gynécologie. La rousse détestait passer par là. Elle n’aimait pas entendre les femmes hurler comme si on les dépeçaient vivantes. Elle serra la mâchoire. Ses yeux piquaient et elle peinait à garder les paupières ouvertes. Elle accéléra le pas quand elle s’arrêta net devant une porte. Purée mais cette voix. Elle la connaissait. Elle tendit l’oreille, forçant son cerveau embrumé par la fatigue à se mettre en route. Mary-Jane.

Sans s’annoncer, elle ouvrit la porte. Quand il était vu, un accouchement était encore plus horrible que simplement entendu. Elle réprima une grimace de dégout. La sage femme s’avança vers elle, visiblement fâchée.

« Qu’est-ce que tu viens foutre là, Margareth ? »
« J’la connais cette gamine. C’est la fille d’un ami à moi. »
« Et ton ami, il est où ? Sa fille accouche et il est aux abonnés absents ? »
« C’est compliqué. Mais j’crois que t’as mieux à faire que me poser des questions à la con, non ? »

Maggie désigna la pauvre Mary Jane qui s’époumonait, allongée dans une position ridicule. Son stratagème avait marché. La sage femme fit volte face, se détournant complètement d’elle. La rousse en profita pour s’approcher de l’adolescente. Elle prit un tabouret et se mit assise à côté de la table de travail. La pauvre gosse. Elle ne pouvait pas la laisser toute seule dans un moment pareil. Elle se força à sourire.

« On dit que la nuit, tout les chats sont gris. C’est débile. Parce que la nuit, ça change pas la couleur des chats. Simplement, il fait sombre, donc on les voit plus ou moins bien. T’es pas d’accord ? »

Okay, ça c’était complètement débile. Maggie cherchait juste un moyen de distraire MJ. Elle était trop jeune pour endurer un truc pareil et puis, vu la manière dont elle hurlait, cela devait faire affreusement mal.

« C’est bientôt fini. Ne t’inquiète pas. Tu veux que je prévienne ton père ? »

Alors que Mary Jane souffrait le martyr, Maggie fit irruption dans la salle de travail. Si elle n’était pas en train d’accoucher, l’adolescente lui aurait sauté au cou de joie, trop contente de la revoir. Depuis qu’elle avait été enlevée, elle n’avait pas de nouvelle de sa logeuse. Ca la rassurait de voir une tête familière. Oui, parce que accoucher en présence d’inconnus, ce n’était pas très sécurisant. De plus, si son don se déclenchait, il était préférable que ce soit avec quelqu’un en qui elle avait confiance. Ce que put dire Maggie à la sage-femme passa au-dessus de la tête de la future maman. Les douleurs étaient persistantes et envahissaient tout son être. Il fallait être maso pour souhaiter mettre au monde un enfant, non ? Siiiii ! Ce n’était pas humain de souffrir autant pour donner la vie ! Tout ça à cause de cette salope d’Eve qui avait croqué la pomme. C’est pas juste. Et la science dans tout ça, où était-elle ? Il y avait des moyens pour éviter les douleurs. Oui mais c’était trop tard. La sage-femme avait expliqué à l’adolescente qu’elle ne pouvait pas bénéficier d’une péridurale car le travail était trop avancé.

Voici que Maggie lui racontait une histoire de chats. Euh… Etait-ce le moment de dire n’importe quoi ? Pas vraiment. Si elle voulait distraire Mary Jane, ce n’était pas le bon moyen. Au contraire, ça l’énervait qu’elle la traite comme une gamine. La chipie saisit le bras de Maggie et le pressa avec force. Elle n’avait pas le cœur à rire.

- Arrête de dire des conneries ! Puttttttttainnnnnn, mais c’est quoi ces douleurs de merde…. j’en peux plus….

L’adolescente commençait à paniquer sérieusement. Maggie était là mais ce n’était pas suffisant. Elle avait besoin d’être réconforter, rassurer, apaiser. Qui mieux que Ryan pouvait le faire ? Personne. Il était où celui-là d’ailleurs ? Il lui avait promis qu’il serait à ses côtés lorsqu’elle accoucherait. Cela dit, l’accouchement n’était prévu à cette date. Il ne pouvait pas se douter qu’elle était à l’hôpital si personne ne le prévenait. En pensant au jeune homme, Mary Jane en oubliait presque les douleurs. A moins que ce ne soient les contradictions qui lui laissaient un petit moment de répit. Oufffff !

- Mon père, j’sais pas où il est. J’m’en fous de toute façon. Il est où Ryan ? Tu le sais toi hein ! Il m’avait promis qu’il viendrait. Faut l’app…

La future maman n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’une nouvelle contraction lui tordit les entrailles. Elle avait beau essayé de se concentrer et de respirer comme elle l’avait vu faire dans des reportages, rien n’y faisait. Les contractions s’enchaînaient, se faisaient de plus en plus présentes et augmentaient en intensité. Des larmes de douleur coulaient sur ses joues. Mary Jane commençait à s’épuiser. Elle n’en pouvait plus de souffrir autant. Si personne ne faisait rien, son cœur allait lâcher, c’était certain.

- J’vais mouriiiiiiiiiir. J’veux paaaaaaaaaas !... Maggiiiiiiiiiiie, fais quelque chose, s’il te plait... j’t’en priiiiiiiiiiiiiiiiiiiiie...

Maggie détestait cette partie de l’hôpital. La clinique de gynécologie et d’obstétrique. Il y avait trop de femmes enceintes au mètre carré, trop de bébés braillards et trop… Trop… Trop de blouses roses qui déambulaient dans les couloirs. Trop de tout ce dont elle avait peur se trimballait ici. D’habitude, elle ne s’attardait pas dans le coin. Mais là, ce n’était pas une personne lambda qui se trouvait allongée sur la table d’accouchement. C’était Mary Jane. Une jeune fille qu’elle avait promis d’héberger et qui c’était faite enlever. Chez elle, sous son propre toit. Ce sont ces raisons qui l’ont poussée, aujourd’hui, à pousser la porte de cette salle qu’elle évite comme la peste en temps normal. Puis, sans vraiment savoir pourquoi, elle avait balancé des idioties sans nom à Mary Jane dans le simple but de la détendre, pour ne plus entendre les hurlements affreux de l’adolescente qui lui vrillaient les tympans. On lui enfoncerait des rivets de chemin de fer dans les oreilles que cela ferait moins mal, elle en était certaine.

Arrêter de dire des conneries. Oui, pourquoi pas. Maggie pouvait le faire. Elle grimaça quand une énième contraction fit se tordre MJ de douleur. La rousse ne se doutait pas qu’un accouchement était aussi laid à voir. Assister des chirurgiens de bloc opératoire, voir du sang et des tripes ne lui faisait rien. Une naissance par contre… Eurk. Ca lui faisait dresser les poils et lui extirpait des frissons de dégout.

« Ces douleurs de merde comme tu dis, ce sont les contractions. » répondit la rousse en reprenant son sérieux et en essayant tant bien que mal de cacher sa répulsion.

Un prénom prononcé par l’adolescente coupa court à tout. Ryan. Il avait promis d’être là. Il promettait beaucoup de chose. Elle ferma les yeux, serra les poings et la mâchoire. Son corps tout en entier se raidit. Il fallait l’appeler. Un instant, elle songea à demander à la fille de l’accueil de le faire puis elle se dit que non, que ce n’était pas une bonne idée. Même s’ils étaient un peu en froid, Maggie voulait entendre la voix du biologiste. Non, elle en avait besoin. Elle posa sa main sur l’épaule de Mary Jane et se leva de son tabouret.

« Je vais l’appeler. Mais je vais également chercher à prévenir ton père ! N’oublies pas que tu es encore mineure Mary Jane. Il se doit d’être au courant, même si tu t’en fiches. »

Une boule au ventre, elle s’apprêtait à quitter la pièce que MJ lui demanda de faire quelque chose. Elle ne pouvait rien faire du tout, les bébés étaient aux antipodes de ses domaines de compétence. Elle se contenta de sourire et de prendre un ton de voix rassurant.

« Tu es entre de bonnes mains ici, ne t’inquiètes pas. Ca va aller. »

Sur ces paroles, elle fit volte face et se dirigea vers les vestiaires. Elle y attrapa son téléphone, une cigarette et son briquet. Le coup de fil s’annonçait aussi compliqué que l’accouchement en lui-même. Maggie n’était même pas sûre que Ryan réponde. Pas après ce qu’il s’était passé entre eux quelques semaines auparavant. Elle prit son courage à deux mains et chercha le numéro du biologiste dans son répertoire. Puis, elle alluma sa cigarette tandis que les tonalités retentissaient dans son oreille. Enfin, la voix grave de Ryan. Son cœur loupa un battement et elle manqua de s’étouffer avec la fumée de sa cigarette. Elle ne s’attendait vraiment pas à se qu’il décroche.

« Heu… » Elle ne savait vraiment pas par quoi commencer. Elle prit alors une grande inspiration et elle se redressa, s’appuyant contre le mur de l’hôpital. « Salut. J’appelle de la part de Mary Jane. Elle est en train d’accoucher en ce moment même et elle te réclame. Il parait que tu lui as promis d’être présent. »

La dernière phrase sonnait plus comme un reproche qu’autre chose. Ce n’est pas ce qu’elle voulait mais cela avait été plus fort qu’elle. Après avoir annoncé qu’il arrivait, Ryan raccrocha. Sans un mot de plus. Elle ravala ses larmes, sa rancune et sa tristesse avant d’écraser son mégot. Pour une fois, elle n’avait pas hâte qu’il arrive. Le voir sans lui parler, le toucher, sans qu’il sache tout ce qu’il représentait pour elle s’annonçait vraiment compliqué. Au dessus de ses forces.

En trainant des pieds, elle regagna la salle dans laquelle se trouvait l’adolescente. Elle s’approcha d’elle, s’installa sur le tabouret quitté quelques minutes avant, un vague sourire triste accroché aux lèvres.

« Il arrive. Je vais rester avec toi, que tu ne sois pas seule. Mais je m’en irai dès qu’il sera là, d’accord ? »

8 décembre 2010

La route était longue du Vermont à Los Angeles. Il l’avait déjà faite, avec Dusty. Il se rappelle avoir traversé les Etats Unis avec la belle, sur un coup de tête. Elle lui manquait, terriblement. Mais depuis qu’elle avait surpris Maggie en petite tenue chez lui et qu’elle lui avait annoncé sa grossesse Ryan n’avait reçu que quelques texto. De son côté il lui répondait, chaque fois, et lui envoyer quelques messages le matin. Il l’avait tenue au courant et il lui avait même envoyé une lettre du Vermont. L’avait-elle reçue ? Lue ? Faisait-elle le point ou bien voulait-elle juste l’oublier ? Autant de question que Ryan ressassait depuis qu’il était dans le Vermont.

Et les problèmes s’y accumulaient. En arrivant sur place, il avait trouvé un père adoptif effondré, une sœur qui n’était pas là, elle s’était échappée, et un grand frère et une grande sœur qui étaient absents pour le moment. Ils viendraient pour l’enterrement mais pour le reste ils ne pouvaient pas se libéré. Ryan, qui n’était pas très sociale, avait du mal à réconforter son père mais il l’avait trainé à gauche et à droite. L’enterrement fut surement ce qu’il y eut de plus dur à vivre. Mais Ryan avait fait des promesses et il devait repartir. Il avait une vie à L.A, une vie à reprendre et des promesses à tenir avant de s’oublier surtout. Néanmoins, avant de faire la route inverse, il fit le nécessaire pour que sa petite sœur soit recherchée.

Et la route du retour avait été longue. Pendant les 24h de trajet, son esprit était tourné vers son père à qui il envoyait souvent des sms, sa petite sœur, Dusty et Maggie, qui lui manquait aussi. C’était compliqué. Il était aux abords de la ville quand son téléphone sonna. Lui qui avait l’habitude de regarder le numéro ou le nom qui s’affichait, il était tellement dans ses pensées qu’il prit directement l’appel. C’est pourquoi il fut étonné lorsqu’il entendit la voix de Maggie. Si choqué, qu’il ne répondit rien, à part un « j’arrive » rapide.

Son cœur s’était serré en entendant sa voix. Il allait la voir, malgré lui. Il avait évité tout contact suite à leur dernière discussion et d’autant plus suite à la torture à laquelle John l’avait soumis. Elle ne devait pas savoir, il devait la préserver de tout ça. Il appuya sur le champignon se mettant à la limite des vitesses autorisées et fonça à l’hôpital. Sur place, il se gara un peu n’importe comment, il sauta de la voiture, courut à l’accueil des urgences demanda où accouchait la jeune fille asiatique. Bizarrement, on lui donna de suite la pièce, comme s’il était attendu où qu’il n’y avait qu’une seule jeune fille asiatique qui accouchait dans l’hôpital.

Il fonça donc vers la chambre et fit un arrêt dans un petit dérapage qui failli le faire percuter le mur.

« Mary Janeeeeeeeeee, je suis là ! »

Il avait vu Maggie mais l’avait totalement zappé. Il préférait éviter de provoquer de l’ambiguïté, surtout avec les tours tordus que John aurait pu mettre en place pour être sûr qu’ils ne s’approchent pas. Alors, avec un gros pincement au cœur, il l’ignora et se contenta d’aller prendre l’une des mains de sa petite protégée de l’autre côté du lit.

« Comment tu vas ? … Non je suis bêtes tu accouches donc tu as mal, tiens prends ma main. »

Mary Jane était jeune mais elle savait comment se passait un accouchement. Elle s’était documentée sur les grossesses multiples et avait regardé plusieurs reportages à la télévision. Elle aurait mieux fait d’éviter d’ailleurs. Elle avait reçu trop d’informations ; trop d’exemples étaient donnés. Les reporters évitaient de montrer des accouchements difficiles où les femmes souffraient le martyr. Si elles n’accouchaient pas comme une lettre à la poste, elles étaient sous péridurale ou sous anesthésie générale pour les césariennes, avec le sourire en prime. Par contre, ils passaient rapidement sur les femmes mourant en couche ou sur les enfants morts nés ; avec les technologies actuelles et les avancées médicales, il y en avait beaucoup moins qu’avant précisaient-ils. Oui mais, il y en avait toujours. Alors bon, il était normal que l’adolescente panique. Si elle avait posé la question sur les douleurs, ce n’était pas pour avoir une réponse mais parce qu’elle ne pensait pas que ça faisait souffrir autant.

- Merci Maggie, je sais qu’ce sont des contractions ! Dit-elle énervée par l’infirmière qui la prenait pour une ignorante.
- Mais ça fait trop maaaaal…. AaaaaAaaaaaah !

Et encore une violente contraction qui, une fois passée, lui laissa un peu de répit. Le temps de demander à Maggie d’appeler Ryan. La jeune femme voulait également appeler son père. Si ça lui faisait plaisir ! De toutes les façons, il serait très étonnant qu’il se déplace. Si ça se trouvait, il était à l’autre bout du monde. Peu importait, il n’avait jamais dit qu’il assisterait à la naissance, c’était Ryan qui lui avait promis. Il avait intérêt à venir sinon la chipie lui en voudrait toute sa vie. Sans attendre, Maggie sortit de la salle pour passer ses coups de fil. Mary Jane regarda le personnel soignant en se demandant si elle pouvait vraiment leur faire confiance. En même temps, elle n’avait pas le choix. Elle devait prendre son mal en patience ! Puréeeeeee, vivement la délivrance. C’était trop dur, trop violent, fatiguant, épuisant. Pendant un moment, l’adolescente perdit connaissance. Rien d’alarmant ! Sans doute une baisse de tension due à l’énergie qu’elle dépensait pour tenter de vaincre les douleurs. Dans un sens, c’était tant mieux ! Elle ne se rendait pas compte et le personnel médical avait la paix.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Ryan était auprès d’elle. Un sourire fatigué se dessina sur ses lèvres. Elle était sauvée ! Comment allait-elle ? Oh bah elle se portait comme un charme enfin ! Elle était à la cueillette aux champignons... Ca ne se voyait pas ? Non mais franchement, quelle idée de poser ce genre de questions toutes faites en pareilles circonstances. Heureusement, le jeune homme se rendit compte de sa stupidité. Mary Jane ne se fit pas prier pour prendre la main qu’il lui tendait.

- J’en... peux... pluuuus.. Répondit-elle dans un souffle.
- Ca va durer combien de temps, j’vais pas tenir le choc mouaaa ! C’est trop duuuuur. Ajouta-t-elle en grimaçant.

Une nouvelle contraction se profilait à l’horizon. Elle respira et expira profondément mais rien n’y fit. Sous l’effet de la douleur, elle enfonça de toutes ses forces ses ongles dans la main de Ryan en poussant un cri.

- AaaaaaaaaaaAAAAh…. Au s’cours ! Au s'cours ! Au s'cours... J’t’en prie Ryan, fais quelque chose, j’t’en priiiiiie.
La jeune fille se redressa à moitié comme elle le pouvait et s’agrippa désespérément au col du jeune homme.
- J’vais mourriiiiiiir…. j’veux paaaaas… Ryan ! Maggie ! Faites quelque cho..
Elle se laissa retomber sur la table de travail. L’épuisement prenait le dessus. A ce moment là, la sage-femme prit la parole en indiquant qu’il n’y en avait plus pour longtemps. Elle voyait arriver la tête d’un premier bébé.

« Va falloir pousser de toutes vos forces mademoiselle »

Non mais, c’était pas possible ça. Elle n’avait plus de force. En plus, elle avait peur au point de ne plus pouvoir sortir un son de sa bouche. D’un signe de tête, elle refusa de suivre les consignes. D’un air désespéré, elle regarda Ryan et Maggie en espérant qu’une solution lui serait donnée.

Assise à côté de Mary Jane, Maggie grimaçait à s’en faire mal à la mâchoire. Quoi de plus affreux qu’un accouchement ? Entre l’adolescente en sueur, les cris horribles qu’elle poussait et les deux bisounours roses chargées de l’aider à expulser les bébés, la rousse ne savait plus où donner de la tête. Ou non, à ne plus donner de la tête. Elle pourrait tout simplement fermer les yeux ou quitter la pièce mais ce ne serait pas sympa pour la fille Holster. Elle avait promis à Dunney de veiller sur sa progéniture le temps de sa cavale forcée. Mais c’était sans compter sur son incompétence à gérer les gosses, elle se l’était faite enlever. Elle n’allait pas l’abandonner le jour de son accouchement. Pourtant, ce n’était vraiment pas l’envie que lui manquait. Surtout qu’aujourd’hui, c’était aussi son anniversaire.

Et en plus, elle savait que Ryan allait arriver d’un moment à l’autre. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, Maggie n’avait pas franchement envie de le voir. Leur dernier entretien s’était plutôt mal déroulé et elle savait que s’ils s’adressaient la parole, ça finirait en règlement de compte. Et cela lui vrillait le cœur aussi surement que les cris de Mary Jane agressaient ses tympans. Elle ne voulait pas s’engueuler avec lui, elle ne pouvait pas. C’était au dessus de ses forces. Elle allait ouvrir la bouche pour tenter d’articuler un mot d’encouragement à Mary Jane quand quelqu’un pénétra dans la salle en dérapant. Un bref sourire puis une tronche de six pieds de longs. Elle soupira, s’écartant presque instinctivement de la table de travail alors que Ryan prenait place à côté de MJ. Maggie trouva alors refuge sur un tabouret à l’autre bout de la salle, prêt de la fenêtre. Elle fixait dehors, essayant de se faire oublier. Cela ne devrait être trop compliqué, Ryan n’avait même pas daigné la regarder en entrant. C’était fourbe. Et cruel. Il n’imaginait pas à quel point un tel comportement venant de lui avait le pouvoir de la tuer.

Plus MJ hurlait, plus elle avait envie de lui ordonner de se taire. Mais non… Elle ne pouvait pas. Elle n’arrivait déjà pas à regarder la scène. Et puis, cela risquait de fâcher le biologiste. Finalement, inspirer la colère n’était il pas mieux que l’indifférence ? Bof… Elle n’avait pas envie de tester. Maggie s’accorda un regard quand la sage femme lui dit de pousser, que le travail était bientôt terminé.

« Encore un petit effort, Mademoiselle. Je vois le premier bébé. »

Quoi ? Premier bébé ? Cela voulait donc dire qu’il y en avait au moins un deuxième. Génial. Premier accouchement, une grossesse multiple. Maggie se sentait vraiment mais alors vraiment mal à l’aise. La faute à l’atmosphère, aux cris du nourrisson qui s’envolaient déjà dans la pièce, à Ryan qui était aussi froid qu’un iceberg. Elle l’avait pourtant connu autrement plus bouillant. Une sage femme voulut lui mettre le premier bébé dans les bras, la rousse s’esquiva. Elle croisa les bras et se leva.

« Franchement, non… Les bébés, c’est pas mon truc. Mais donnez le au jeune homme, il sera ravi. »

Un sourire forcé, un coup d’œil à Ryan alors que la sage femme s’approchait déjà de lui. Maggie soupira et retomba sur son tabouret. Elle avait été particulièrement mesquine sur ce coup là et elle n’arrivait pas à s’en vouloir. Elle retourna dans la contemplation du paysage quand le cri du second bébé retentit dans la salle. Mary Jane était enfin libérée. Et elle aussi par la même occasion.

Joyeux Anniversaire Maggie. Tu passes merveilleusement bien le cap de la trentaine…

A temps, malgré toute la route qu’il venait de faire il était arrivé à temps ! Un vrai miracle. Il n’avait jamais oublié cette promesse faite à Mary Jane lors de leur entrevue chez Maggie, mais pas mal d’événements avaient eu lieu entre temps, et il avait failli louper cet événement, l’accouchement de sa petite protégée. Mais heureusement, tout s’était bien goupillé. Le plus étrange avait été d’être appelé par Maggie, la femme qu’il aimait depuis si longtemps, mais avec laquelle il s’agissait d’un amour impossible. La femme qui avait un fiancé qui avait torturé Ryan assez gravement pour qu’il soit marqué à vie sur tout son corps.

Enfin, il était là, près de Mary Jane, comme il le lui avait promis et rien que pour cela il était fier de lui. Pour une fois. Il avait vite donné la main à l’adolescente. Grave erreur, à ne jamais commettre avec une femme sur le point d’accoucher. Les ongles, ça fait mal, très mal ! Puis voilà qu’elle le prenait par le col. C’est dingue ce qu’une femme dans sa situation peut avoir une force décuplée ! Et puis elle voulait qu’il fasse quelque chose. Et là ce fut le drame. Ryan n’avait aucune idée de ce qu’il pouvait bien faire pour la soulager ou l’aider. Il ne savait même pas s’il y avait quelque chose à faire. Et le pire c’est que le médecin demandait à Mary Jane de pousser encore plus alors qu’elle était épuisée.

Ryan n’observait pas Maggie, il ne savait donc pas si elle avait une idée, envie de s’enfuir ou même si elle était encore là. Il se sentait un peu perdu alors, il caressa la tête de l’adolescente, puis prit une lingette mouillée qui était à côté de lui sur un chariot et lui épongea le front.

« Mary je ne sais pas trop quoi faire, mais serre aussi fort que tu as besoin ma main, et essaye de chanter. Si tu penses à autre chose, je suis sûr que ça passera mieux. »

Il détendit alors la main quelques secondes puis reprit fermement celle de sa petite protégée. Il supporterait les ongles, le broyage des os et tout ce qu’il faudrait pour l’aider.

« Vous pouvez pas la faire accoucher dans l’eau, elle aura moins mal ! »

Mais le médecin ne répondit pas. Pourtant le biologiste avait vu un reportage qui prouvait que la douleur était moins intense lorsque le bas du corps de la femme était immergé. A savoir si c’était vraiment le cas, Ryan n’avait jamais pu tester pour dire. Et malheureusement, ou heureusement, il ne pourrait jamais tester.

« Bon Mary, c’est cliché mais respire doucement. Inspireeee, expireeeee et quand tu t’en sens le courage tu pousses fort. »

Il se doutait que cela devait être dur pour la jeune femme. Sa main en témoignait. Mais elle réussit finalement à expulser un bébé. Un… oui parce qu’il y en avait deux ! Et bien fallait continuer. Ryan respira alors de manière bien appuyée pour qu’elle le suive et qu’elle se calme.
C’est alors que le médecin voulut donner le premier enfant à Maggie, mais celle-ci refusa. Ryan l’observa et lui offrit un sourire. Furtif. Très furtif. Il se souvenait qu’il ne valait mieux pas pour eux deux que leur complicité renaisse. Plus il serait froid et distant plus ils seraient préservés de leur attraction qui les mettait chaque fois dans de sales draps.

« Donnez-le moi, que la maman le voit. Ca la motivera peut être à pousser pour le second. »

Ryan prit alors le bébé que lui tendait le médecin, et le présenta à Mary Jane.

« Tu as choisi un prénom déjà ? »

Accoucher dans l’eau. C’était ce qu’elle avait demandé mais l’hôpital n’était pas équipé pour. Ryan était bien un mec, il avait un métro de retard. Mais bon, il était là comme promis, c’était le principal. Il fallait pousser maintenant disait la sage-femme. *Et ta sœur !* Non mais, ne comprenait-elle pas que l’adolescente était à bout de forces. C’était pas possible. Elle ne pouvait pas fournir un effort supplémentaire. Les yeux de l’adolescente allaient de Ryan à Maggie et de Maggie à Ryan, à la recherche d’une solution pour ne plus souffrir. MJ n’était pas aidée avec ces deux là. L’infirmière était planquée dans un coin de la salle près de la fenêtre, elle avait l’air dépassé. Quand au jeune homme, il faisait ce qu’il pouvait pour aider la future maman, mais il pouvait peu.

- J’fais quoi mouaaa ? Vous êtes trop nuls ! J’vous hais ! Connards… Hurla-t-elle en balançant la main de Ryan pour la lâcher.

La douleur faisait dérailler la jeune fille qui ne pensait pas ce qu’elle vociférait. Ca avait au moins l’avantage de la défouler. Pendant qu’elle pestiférait, elle oubliait ce qu’elle sentait dans ses entrailles. Inspire, expire disait Ryan. C’était la base de l’accouchement sans douleur au siècle dernier. Celui qui avait inventé ça était un homme à coup sûr ! Cela dit, le fait de se concentrer sur la respiration permettait à la patiente de ne penser à rien d’autre. MJ suivait le rythme respiratoire que s’imposait Ryan pour l’entraîner. Mine de rien ça aidait, pas autant qu’elle le voulait, mais c’était mieux que rien. Après une énième expiration, le premier bébé vit le jour. Quelle surprise !

- J’ai presque rien senti ! Souffla-t-elle.

Ce n’était pas si difficile que ça finalement. L’avantage était qu’en accouchant prématurément, les nouveaux nés étaient petits. Là ils avaient trois mois d’avance, ils ne devaient pesés plus d’un kilo. Trois fois moins qu’un bébé arrivant à terme. Maggie ne voulait pas prendre le premier enfant et Ryan voulait qu’il soit donné à Mary Jane. Oui mais non, pas le temps. Elle secoua rapidement la tête pour signifier son refus. Ce n’était pas le moment non plus de faire les présentations. Le deuxième pointait le bout de son nez. L’adolescente poussa une dernière fois et le second bébé naquit. Le placenta suivi derrière sans qu’elle s’en aperçoive. Elle relâcha les étriers et se laissa tomber comme une loque sur la table de travail.

- J’veux dormiiiiiiir… Supplia-t-elle à qui voulait l’entendre.

Mary Jane n’était pas belle à voir. Entre les larmes séchées, les yeux rougis, les cheveux collés par la sueur et quelques petites veines éclatées par ci par là, elle ressemblait à une sorcière maléfique hantant les cauchemars. Mais alors, elle s’en fichait complètement. Les contractions avaient disparu comme par enchantement. C’était ce qui comptait. Wahou ! Que ça faisait du bien. Elle prenait ainsi pleinement conscience du mot « délivrance ».
L’obstétricien et la sage-femme emmenèrent les bébés dans une autre pièce. Ils les pesèrent, les nettoyèrent, les installèrent dans une couveuse et firent quelques examens indispensables. Ils revinrent avec les deux bébés appareillés afin de les présenter à la jeune maman qui s’était assoupie.

Lancer de dés :

Spoiler:

- Ils sont trop mooooches ! Observa-t-elle en faisant une mine de dégoût.

Petits, tout rouges, yeux gonflés et branchés de partout, les deux prématurés ressemblaient plus à un deux tas viande qu’à deux poupons. Personne ne pouvait dire le contraire ! Comment était-il possible qu’une telle image fasse naître la fibre maternelle à une jeune fille comme la fille Holster. Peut-être que ça viendrait plus tard ? L’important était qu’elle n’était pas morte. Pour le moment, la chipie avait besoin qu’on s’occupe d’elle. Elle se mit à rire et à pleurer en même temps.

Le membre 'Mary Jane Holster' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'Précision attaque' :

Maggie ne prêtait pas attention aux petits mots doux lancés par Mary Jane. C’était tout juste si elle avait tourné la tête. Elle s’en fichait pas mal, en réalité. Et puis, dans le fond, elle avait parfaitement raison cette gamine. Elle était trop nulle, vraiment trop nulle. Planquée dans un coin de la pièce parce que se trouver à quelques centimètres de Ryan, c’était trop dur. Pas parce qu’elle ne supportait pas sa présence mais parce qu’il l’ignorait royalement. Et l’ignorance, son ignorance, était terriblement blessante. Alors, elle avait essayé d’instaurer une sorte de distance de sécurité. Une sorte de no man’s land. C’était idiot et puéril. Mais c’était la seule qu’elle ait trouvé pour ne pas éclater en sanglots. Et puis les accouchements, ce n’était vraiment pas, mais alors vraiment pas, son truc.

Finalement, elle pivota sur son tabouret quand la sage femme s’éloigna d’elle pour apporter le nouveau né à Ryan. D’où elle était, Maggie aurait juré voir le biologiste sourire. Pourtant son visage à elle, resta tout aussi fermé. Elle eut un vague haussement de sourcils. Pas question de se laisser attendrir. Alors même si elle devait s’en bouffer les doigts, tant pis ! Elle ne savait que trop bien ce qu’il se passait à chaque fois qu’ils se rapprochaient tout les deux. Alors, en attendant la fin de la souffrance de Mary Jane, elle préférait squatter son tabouret et fixer un point invisible par la fenêtre. Elle daigna se lever quand la sage femme emporta les nouveaux nés afin de les débarbouiller et de les appareillés. Une fois à côté de Mary Jane, elle attrapa une serviette humide et entreprit de lui refaire une beauté. Un accouchement laissait d’affreuses traces sur la mère. Maggie se fit alors une promesse. Jamais, ô grand jamais, elle n’accoucherait.

Debout à côté de la table de travail, elle passait délicatement la serviette sur le front de l’adolescente, évitant soigneusement de croiser le regard de Ryan. Mary Jane se plaignit de la fatigue. Normal, en même temps. Elle venait d’expulser deux corps du sien.

« Tu vas bientôt être remontée dans ta chambre, tu pourras dormir. »

Mais Maggie n’eut pas le temps de terminer sa phrase que la jeune fille s’était assoupie. Elle jeta la serviette dans le bac destiné à la blanchisserie et fit volte face pour sortir de la pièce. Il fallait vraiment qu’elle prenne l’air, un café et une cigarette. Assise sur un banc devant l’hôpital, Maggie alluma sa clope. C’était l’anniversaire le plus pourri qu’elle n’ait jamais vécu. Même le sempiternel appel de ses parents n’arriverait pas à lui remonter le moral. Elle soupira, vida son café d’un traite et essuya la larme qui roulait déjà sur sa joue. Elle ne voulait pas se laisser aller à autant de faiblesse. Surtout il ne fallait pas que Ryan le remarque. En même temps, il n’avait pas du la regarder plus d’une demie seconde, elle n’avait pas trop à s’en faire pour ça. Elle écrasa son mégot et pénétra de nouveau dans l’hôpital, avec l’affreuse envie de s’enfuir à toutes jambes.

Quand elle arriva dans la salle de travail, deux bébés en couveuse trônaient à côté d’une Mary Jane plaintive. Maggie eut un sourire, elle n’avait pas tort en désignant ces petites choses de « moches ». Roses et avec des tuyaux sortant de partout. Deux petits garçons. S’ils deviennent aussi teignes et malins que leur mère, ils donneront à coups sûrs du fil à retordre à Mary Jane.

« Ne prends pas cette mine dégoutée MJ, bientôt ils seront débarrassés de tout leurs fils. Et tu pourras les pouponner. »

Elle s’essaya à un sourire qui se voulait rassurant. Cependant, elle n’était pas certaine de réussir à convaincre qui que ce soit. Même elle ne croyait pas à son baratin, elle n’avait pas la moindre fibre maternelle.

Ryan se sentait un peu perdu. Quand on disait qu’une femme enceinte avait une humeur changeante et faisait des caprices souvent, ce n’était pas une rumeur. Il fallait compiler avec et ne pas être susceptible. Il essayait donc de se dire que toutes les réactions de l’adolescente étaient guidées par les douleurs dues aux contractions. Par contre, les réactions de Maggie n’étaient dues qu’à rien d’autre qu’à son attitude distante. Ça lui arrachait le cœur, mais c’était pour son bien à elle. Si seulement elle pouvait le comprendre. Mais ça, c’était une autre histoire. Il était là pour Mary Jane et personne d’autre. Si bien qu’il essaya de trouver un moyen de l’aider à expulser ses bébés plus facilement mais il ne trouva rien d’autre que la respiration du petit chien. Parait-il que ça fonctionnait plutôt bien. Et il fut content de voir que la jeune fille était elle-même étonnée par la facilité avec laquelle elle avait mis au monde le premier. Enfin si l’on pouvait qualifier cela de simple. Au final après un débat de quelques secondes, le bébé ne fut donné ni à Maggie, ni à Ryan pour qu’il le présente à Mary Jane, mais fut nettoyé par l’une des infirmières qui était là.

Puis vint l’heure du second bébé. Ce fut rapide. Ils étaient tout petits, et Ryan avait peur pour leur santé. Le second semblait d’autant plus fragile d’ailleurs. Il fit tout de même un bisou sur le front de Mary Jane qui était complètement épuisée avant de laisser la place à Maggie. Elle faisait partie du corps médical et elle savait ce qu’il fallait faire. Ryan quant à lui partit voir comment allaient les deux enfants. Ils étaient mignons. Enfin pour des nouveaux nés. Il demanda alors à la sage-femme si elle pouvait les présenter à Mary, il pensait que cela l’aiderait peut être à s’attacher plus facilement à eux, si elle les voyait tout de suite. Sauf que les présentations n’eurent pas l’effet escompté. Ryan explosa de rire, comme ça ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps.

« Mary ils viennent de naître soit tolérante. »

Et pour ajouter à sa réplique, Maggie ajouta qu’ils allaient bientôt changer. C’était vrai. Enfin Ryan l’espérait parce que c’était vrai qu’ils étaient tout fripés. Mais Ryan ne savait plus quoi dire après ça, il ne savait plus quoi faire non plus. Il se contenta alors de prendre la place qu’avait Maggie cinq minutes auparavant, sur le tabouret. Attendant qu’on lui demande de faire autre chose. Sinon il partirait comme il était venu, c’était mieux. Il reviendrait, de toute manière, voir la jeune maman, c’était certain. Il lui avait promis d’être là pour elle, alors il ne faillirait pas à sa promesse, il faisait toujours en sorte de les respecter.

« Mary Jane, tu as fait du bon travail. Tu veux que je revienne te voir quand tu seras reposée ? »

Il s’était relevé et toujours en ignorant Maggie, il était venu prendre la main de la jeune fille avant de lui parler. Il avait le cœur, la voix et le regard plein de compassion et de tendresse. Tout ce qu’il espérait c’était que la jeune fille assume bien son rôle de maman. Et surtout il voulait qu’elle le prévienne si quelque chose n’allait pas, si elle avait besoin d’aide. Il fallait qu’il le sache avant de commencer le traitement pour Moïra.

Maggie et Ryan avaient sans doute raison sur le devenir des nouveaux nés. D’ici quelques temps, ils seraient débarrassés de tous les appareils. Ils seraient sans doute plus beaux aussi. Bah, en même temps, ils n’auraient pas de mal à l’être. En attendant, l’adolescente peinait à les regarder plus de deux secondes. Sa lassitude faisait que tout se qui se présentait à elle avait un goût amer ; même le personnel médical présent l’écoeurait. Comment des personnes, normalement constituées et saines d’esprit, pouvaient-elles choisir un tel métier ? C’était trop gore !

Heureusement que Maggie et Ryan étaient là. Leur présence, même si ça ne se voyait pas, rassurait l’adolescente. Ainsi, elle ne se sentait pas seule au monde comme trop souvent. Sans eux, Mary Jane n’aurait pas eu la force d’aller jusqu’au bout. Ce n’était pas humain de faire vivre une telle torture aux femmes. A tous les coups, Dieu était un vieil homme aigri qui avait fait payer ses déboires au moment où il avait tenté Eve de croquer la pomme. Personne ne pouvait dire le contraire. S’il avait été vraiment juste, il aurait partagé équitablement, entre l’homme et la femme, le fardeau de la conception. La femme déformée par la grossesse durant, normalement, neuf mois, l’homme aurait du avoir au minimum les douleurs de l’enfantement pendant que la future maman écartait les jambes pour laisser le passage au nouveau né. Bah quoi ? Puisqu’il était tout puissant, il aurait pu décider de cela non ? Bah non ! Il avait donné le bon rôle à l’homme évidemment ! Le plaisir pour lui, la souffrance pour elle. Bref, c’était terminé. Et promis ! C’était la première et la dernière fois que Mary Jane tomberait enceinte. Elle esquissa un sourire fatigué au compliment de Ryan. Bien sûr qu’elle avait bien travaillé malgré tout. Elle en était consciente mais ça faisait plaisir de se l’entendre dire.

- Bah déjà, faudrait m’apporter des vêtements de rechange. Je n’ai rien pu emmener avant d’arriver. J’peux pas restée toute nue et leur tunique en papier, merci, c’est pas pour moi.

La chipie s’était adressée aussi bien à Ryan qu’à Maggie. Une bonne partie de ses affaires était restée chez la jeune femme. Ses kidnappeurs lui avaient laissé le temps de prendre quelques vêtements mais tout ce qu’elle avait emporté était resté chez Emilio, le cousin de Francine. En repensant à cet épisode, la chipie n’était pas rassurée.

- Ryryyyy, reste avec moi ce soir… Le supplia-t-elle en lui serrant la main plus fort.
- Comme ça, toi, Maggie, tu pourras me ramener des affaires. Hein ?

Un aide-soignant apporta un fauteuil roulant pour que la jeune fille s’y installe. Epuisée, elle ne se sentait pas la force de descendre de la table de travail. L’homme était là également pour l’aider et pour la conduire jusqu’à sa chambre.

- VOUS, vous ne me toucher pas ! C’est Ryan qui va m’aider ! Dit-elle à l’homme qui s’approchait d’elle.
- Maggiiiiiiie, dis-lui de ne pas s’approcher de moi. J’veux paaaas ! Ajouta-t-elle pour être certaine d’être écoutée.

Etre tolérante. Maggie leva les yeux vers Ryan, ses sourcils s’arquant de manière dubitative. Demander à une adolescente d’être tolérante, c’est comme demander à un chien de ne pas courir après sa propre queue. C’est idiot et cela ne donne aucun résultat. D’autant plus quand l’adolescent en question se nomme Mary Jane Holster. Cette jeune fille était terriblement attachante mais tout aussi teigne et capricieuse. La rousse se retint de secouer la tête, cela n’arrangerait en rien leur affaire de remettre ostensiblement les propos de Ryan en question. Elle se contenta donc d’inspirer bruyamment et de souffler tout aussi bruyamment. Elle se refusait certes à lui parler mais elle n’avait rien contre le fait qu’il comprenne à quel point tout cet épanchement d’âneries l’agaçait. Son regard glissa ensuite vers les deux nouveaux nés. Deux petits garçons, ressemblant plus à des paquets emmaillotés qu’à des êtres humains. Elle grimaça. Décidément, être mère, ce n’était pas fait pour elle.

MJ réclama alors des affaires. En fait, elle réclamait beaucoup de choses. En autre que Ryan reste dormir avec elle. Une lueur de tristesse voila le regard de Maggie. Cela lui rappelait qu’elle lui avait demandé la même chose, quelques mois auparavant. Cette soirée serait à jamais gravée dans sa mémoire. Elle baissa alors les yeux vers la toute jeune maman.

« Oui, je vais te ramener des affaires. En attendant, il faut que tu te reposes. Je vais voir avec les médecins si Ryan peut rester avec toi. Etant donné qu’il n’est ni un membre de ta famille, ni le père des enfants, je ne pense pas que cela soit autorisé. »

La rousse n’était pas du genre à être rancunière. Enfin si, elle l’était. Sauf que ce genre de ressentiment n’avait rien à faire ici. Le principal était le bien être de Mary Jane. Si elle avait demandé à Ryan de rester, ce qu’elle devait avoir une bonne raison. Probablement la trouille de rester seule à l’hôpital toute une nuit. Probablement la trouille de son nouveau rôle. Maggie elle, serait terrorisée à l’idée d’avoir la vie d’un être humain entre ses mains pour les vingt et une années à venir. Elle espérait réellement qu’une telle chose ne lui arrive jamais. Elle peinait déjà à s’occuper d’elle-même, alors prendre soin de quelqu’un d’autre lui semblait être une mission impossible.

Et là… Le drame. Un infirmier, bienveillant et exécutant simplement son travail, s’approcha de la table de travail afin d’aider Mary Jane à en descendre. Mais elle hurla son désaccord. Cette fois, Maggie fronça les sourcils. Un caprice, cela passait. Deux, c’était de trop.

« Non MJ, cette fois c’est non. C’est l’infirmier qui va te reconduire dans ta chambre, pas Ryan. Il n’a pas le droit de le faire, il ne fait pas partie du personnel soignant. » Puis, elle se tourna vers l’infirmier et continua, à voix basse. « Allez-y, ce n’est qu’une adolescente, elle ne va pas vous tuer mais je vous conseille de lui donner des calmants. Enfin moi, je dis ça, je dis rien. »

Cette fois, les limites de la patience de Maggie avaient été atteintes. Elle soupira et laissa le champ libre à l’infirmier pour faire ce qu’il avait à faire. Elle se dirigea alors vers la porte puis se retourna avant de la franchir. Elle se força à sourire, malgré la migraine qui menaçait.

« Ne t’inquiètes pas Mary, tu es en sécurité ici. Que veux tu qu’il t’arrive dans un hôpital, hein ? Je vais te chercher des affaires, je reviens vite. »

La chevelure rousse de Maggie disparut alors qu’elle s’avançait vers la sortie. Une fois dehors, elle sortit une cigarette de sa poche et la fuma à la vitesse de l’éclair, avant d’en rallumer une qu’elle savoura. L’accouchement avait été riche en émotions et elle bouillonnait. Elle était une cocotte minute qui ne demandait qu’à exploser. L’air frais la calmait néanmoins. Heureusement.

Ryan souffla de soulagement. L’accouchement était fini, il allait récupérer tous ses membres et surtout la tranquillité d’esprit qu’il n’avait pas en réalité. Tout à fait logique le monsieur, mais savoir Mary Jane saine et sauve et surtout aussi adolescente qu’avant le rassurait. Elle était toujours aussi capricieuse, et il se demandait quand est-ce que cela lui passerait, mais pour le moment elle avait le droit de râler et d’être exigeante. Du moins c’était son avis. Surtout qu’il n’était pas très présent auprès d’elle, il se voyait donc assez mal de se poser en faux père qui fait des remontrances. Il était plutôt le tonton cool qui lui passait tout. C’était du beau !

Mary Jane voulait qu’il reste avec elle la nuit. Ça lui rappela quelque chose. Avec Maggie.  Ils avaient passé deux nuits ensemble avant que John ne refasse surface, et elles étaient à jamais gravées dans sa mémoire. Mais c’était le passé, et ce ne serait plus. Il revint alors dans le présent, sourit à Mary Jane et acquiesça du chef avant que Maggie ne fasse sa rabat joie. Avait-elle vraiment le droit de rester avec lui dans l’infirmerie de Genome à l’époque ? Pourtant, elle l’avait fait… Dusty avait-elle le droit de rester avec lui quand il avait eu son accident ? Pourtant elle l’avait fait…  Il jeta alors un regard de reproches à Maggie. La journée n’allait tout de même pas finir ainsi !

« Maggie, Mary Jane n’a personne… Tu devrais la comprendre. Je monterai la voir quoi qu’il advienne »

Il aurait voulu ajouter qu’il ne fallait pas non plus qu’elle soit insensible sous prétexte qu’elle n’aimait pas les gosses ou tout autre chose, mais il se retint. Un autre drame se profila lorsque l’aide-soignant arriva pour mettre Mary Jane sur une chaise roulante. Ryan grimaça. Il savait que ce n’était pas bien de céder à ses caprices, mais d’un autre côté il voulait tout faire pour que Maggie le déteste. Seulement ainsi, elle l’oublierait. Il lança alors un autre regard mauvais et aida Mary Jane à se mettre sur la chaise roulante. Il s’accroupit alors devant elle.

« Mary, tu es encadrée et comme dit Maggie tu es en sécurité. Je vais faire deux trois petites choses et je reviendrai te voir avant que tu dormes qu’importe ce que diront les médecins et infirmiers. Je ne t’abandonne pas tout de suite c’est promis. »

Il se releva alors et adressa un sourire à l’aide-soignant qui était là et qui attendait de pouvoir la ramener.  Celui-ci prit la chaise roulante et amena Mary Jane dans sa chambre. Maggie, elle était partie, dehors, fumer, surement. C’était prévisible même. Il devait avoir une petite discussion avec elle. Ça lui tordait le cœur d’avance, car il n’allait pas être des plus gentils, mais il devait le faire. Pour sa sécurité à elle, à Dusty mais aussi pour lui. Elle ne comprendrait pas, il le savait, mais c’était mieux ainsi, pour le bien-être de tous. Elle vivrait bien mieux en le haïssant, et ainsi, il y aurait moins de risques que John fasse du mal à quelqu’un.

Ryan emboita donc le pas à Maggie. Après sa discussion avec il irait voir Mary Jane comme promis.