Mission accomplie. Ce fut ce que je pensais quand on nous sortit du quartier général de Genome. Malgré Kensie qui m'avait donné du fil à retordre, ce blanc bec qui avait tiré sur mon gilet pare balle, Adam Spine était mort. Une fois à l'extérieur, j'avais repéré quelques silhouettes. J'avais attendu quelques minutes, voir si ma cible allait apparaître malgré la balle qu'il s'était pris et le fait qu'il se vidait de son sang quand j'avais quitté la pièce. Le bâtiment s'était ensuite effondré et j'étais parti, regagnant par mes propres moyens l'Agence. Il commençait à se faire tard mais comme chaque membre présent, j'avais fait mon rapport. Puis je m'étais installé sur un fauteuil dans le grand salon de la résidence et je l'avais attendu. Quelques minutes, puis une heure. J'avais commencé à m'agiter, hésitant à sortir mon téléphone portable. J'avais un mauvais pressentiment. Ce n'était pas mon genre mais là une boule s'était formée au creux de mon estomac. J'avais quitté le fauteuil pour marcher un peu quand j'interceptais une discussion dans un couloir. Brennen Meade.... Mort... Dakota Cooper. Je m'étais figé, m'arrêtant brusquement. La discussion s'interrompit, les regards se tournèrent dans ma direction. L'instant d'après je claquais la porte et je repartais sur Los Angeles.
Malgré les risques que cela me faisait prendre, j'avais passé la nuit sur place. Guettant. Cherchant la silhouette de Brennen. Ce n'était pas possible, je refusais d'y croire. Il allait apparaître de nul part comme d'habitude, poser une main sur mon épaule et me demander encore à quoi je songeais. Une main se posa effectivement sur mon épaule. Je réagis brutalement, empoignant par réflexe le bras de celui qui avait osé. Un membre des secours qui voulait seulement s'assurer que j'allais bien. Je le lâchais tout aussi brusquement avant de m'éloigner, refusant d'écouter les appels dans mon dos. Il ne pouvait pas être mort. Pas Brennen. Pas mon frère. C'était juste impossible. Je m'agitais, je tournais en rond tel un lion en cage. Et je finis par péter mon premier câble de la nuit, sortant mon arme pour tirer sur la première vitre de véhicule se trouvant à proximité. Sans raison et ne visant personne. Ensuite je disparus dans la nuit, commençant une longue errance à travers Los Angeles.
Celle-ci me ramena aux petites lueurs du matin à l'Agence. Le soleil pointait à peine à l'horizon. Tout était calme, étrangement malgré ce qui s'était passé la veille. Ce n'était que la routine, l'Agence en avait tous les jours et cela ne l'empêchait pas de continuer à avancer. Tout comme moi d'ailleurs sauf que cette fois, j'étais atteint. Vraiment au plus profond de mon être. Je portais toujours les même vêtements que la veille, n'ayant même pas pris la peine de retirer le gilet par balle. J'étais sale, poussiéreux, le visage marqué. Mes prunelles avaient viré sur un bleu foncé et celui qui osa croiser mon regard le détourna bien vite. Cela ne présageait rien de bon. Surtout quand je pris la direction de l'atelier, le repère des fouines de l'Agence. Je composais le code avant d'entrer. Dans ce lieu également, tout était calme. Beaucoup trop. J'aimais le silence mais pas à cet instant. Alors je pris la première chose qui me passa sous la main, l'écran d'un ordinateur et il vola à travers la pièce pour s'écraser contre le mur.
« Elle va me le payer. » Cette femme était déjà morte. S'il s'agissait bien de la même, j'avais déjà des informations à son sujet. Mais à présent je voulais tout savoir. Je ne pouvais plus être en paix. Elle avait tué le seul être qui me faisait garder une part d'humanité, la seule personne qui me connaissait mieux que je ne me connaissais moi-même et qui avait toujours été présente à mes côtés depuis plus de vingt ans. Dakota Cooper avait tué mon frère, la plaque tournante de ma famille et de ma vie. « Johnson ! » Je criais presque le nom de famille d'une des fouines. Il était très tôt, elle n'était sûrement pas présente mais j'avais besoin d'elle. Non, plutôt de ses capacités. Elle allait m'aider et qu'elle puisse se mettre en travers de ma route ou me dise non n'était pas envisageable.
Il flottait une atmosphère anormalement tendue entre les murs de l’Agence. Un vent de nervosité saupoudré d’un soupçon d’inquiétude. L’accalmie avant la tempête. La lourdeur d’un ciel d’été avant la pluie. Cela faisait plusieurs jours que ça durait. Gillian l’avait pressenti chez certains, dans ces petits riens qui disent pourtant beaucoup : les visages assombris par un regard soucieux, les conversations agitées au détour d’un couloir, etc. Mais s’en souciait-elle ? Il lui semblait que non. Elle se doutait que quelque-chose était à l’œuvre, quelque-chose de gros, sûrement, pour distiller un tel frémissement dans la fourmilière, mais elle n’avait pas cherché à en savoir plus. Visiblement, ni Cristiani ni Ciccelli n’avaient jugés nécessaire de la mettre dans la confidence, ainsi elle ne voyait pas en quoi elle aurait dû en faire sa préoccupation. Elle n’était pas une des leurs. Elle ne le serait jamais malgré tous les mensonges qu’elle pourrait bien se raconter. Il était rare d’ailleurs qu’elle adresse la parole à qui que ce soit quand elle se rendait au quartier général, à moins d’y être obligée. Pour beaucoup elle était cette silhouette solitaire, presque fantomatique, qui passait la majeure partie de son temps devant l’écran d’un ordinateur et l’autre à fumer cigarette sur cigarette en marchant sous les arbres du parc. Une ombre sous le ciel californien.
C’était ce soir que ça se passait. Cette nuit. Gillian était seule dans l’atelier, les écouteurs d’un iPod diffusant une musique à la fois apaisante et mélancolique dans ses oreilles. Il y avait eu de l’agitation en début de soirée mais tout était calme à cette heure. Celle de l’aurore. L’heure bleue des poètes. Autour d’elle, le sol était jonché de fils électriques, de circuits imprimés et autres composants électroniques en tout genre. Une véritable pagaille à travers laquelle elle semblait pourtant trouver un sens. Ses gestes étaient fluides et sûrs tandis qu’elle posait un point de soudure par-ci, branchait un câble par-là. Elle avait travaillé toute la nuit, sans discontinuer, ne trouvant de quiétude que dans la minutie et la froide logique de son esprit cartésien. Pour s’empêcher de penser. Pour s’empêcher de ressentir le manque qui s’était emparé d’elle.
Un tapage inattendu fit pourtant brusquement redresser la tête de la brunette. Sans qu’elle n’ait touché aucun bouton, l’iPod stoppa net la musique qu’elle écoutait au moment précis où son nom retentissait dans la pièce. Gillian fronça les sourcils. Elle prit appuie sur ses genoux et se redressa, son regard tombant immédiatement sur la silhouette élancée d’un homme marchant à grands pas dans la direction qu’elle venait de révéler. Pillsbury. Elle avait l’habitude de le voir débarquer à l’improviste, souvent dans les moments où elle s’y attendait le moins, mais cette fois la surprise s’afficha clairement sur son visage en voyant l’état dans lequel il était. Lui qui l’avait habitué à un stylé apprêté, l’aspect débraillé de ses vêtements l’alarma tout autant que la poussière et le sang dont il semblait recouvert de la tête aux pieds. À tel point qu’elle omit de se sentir menacé par la fureur noire couvant dans son regard.
_ Mon dieu, tu as une mine épouvantable… Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu saigne. Ta main.
Personne n’avait jamais taxé Gillian d’être une femme particulièrement chaleureuse ou prévenante à moins de faire partie des rares élus à avoir réussis à percer la glace, mais elle était loin d’être un monstre pour autant et même si Pillsbury n’avait rien d’un ami, le voir dans cet état suffisait à éveiller chez elle un élan d’empathie propre à tout être humain. Sans ajouter un mot de plus, elle se hâta alors vers la boîte à pharmacie d’urgence accrochée au mur et n’en revint qu’avec des compresses stérilisées, un rouleau de bandage et un flacon de désinfectant qu’elle posa sur la table la plus proche.
_ Tu peux pas laisser ça comme ça ou ça va s’infecter.
Pas la peine de lui demander s'il avait vu un médecin, ça paraissait assez évident que non.
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Remington Pillsbury
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Sujet: Re: You've gone away, I don't feel right 'cause I'm broken Dim 19 Jan - 13:32
You've gone away, I don't feel right 'cause I'm broken
Depuis la veille au soir, j'étais plongé dans un autre monde, celui qui m'appelait depuis tant d'années et qui faisait de ma vie une fuite éternelle. Ce monde n'était qu'obscurité et il désirait plus que tout m'enlever, me faire découvrir des noirceurs de l'âme qu'aucun esprit était capable d'imaginer, pas même le mien et ce, même s'il avait déjà vécu plusieurs horreurs ces dernières années dont certaines que j'avais moi-même engendrées. Bien souvent, ce monde s'était présenté à moi par le passé mais Brennen avait toujours été là, en pensées, en paroles ou par sa simple présence pour que je puisse en sortir. Il était la main invisible qui se posait sur mon épaule pour m'apaiser même si je ne l'avais jamais reconnu. À présent, je ne sentais plus cette main sur moi, il ne restait qu'un vide, glacial, qui m'agitait énormément me faisant perdre ce sang froid à toute épreuve qui m'accompagnait et qui faisait en quelque sorte ma réputation.
Je ne savais pas ce que je voulais vraiment, ni ce que j'étais en train de faire. Est-ce que je devais repartir pour tenter une nouvelle fois de retrouver le corps de mon meilleur ami. Est-ce que je devais prévenir sa famille. Est-ce que je devais le venger. C'était ce dernier point qui prit le dessus sur le reste, à tel point que j'étais là, au milieu de l'atelier en train de rugir le nom d'une personne qui, je le savais, pourrait m'aider. Il y eut un mouvement un peu plus loin dans la pièce, puis une tête apparut. Exactement la personne que je cherchais. Je bifurquais, me dirigeant tout droit dans sa direction. « Johnson, tu vas m'aider. » Mon ton était sans appel, tout comme mon regard. Je refusais d'essuyer un refus, tout dans mon comportement l'indiquait. Malheur à elle si elle me disait non. Dans tous les cas, j'avais un moyen de pression sur elle, et vu l'état dans lequel j'étais, si je le touchais, cela ne serait pas de simples hématomes qu'il aurait.
Il fallut que la jeune femme tienne des propos inutiles, ne pouvant pas se contenter de me dire oui. Et quelle... absurdité pour rester poli que d'évoquer son dieu. Il n'existait pas, il n'avait même jamais existé et n'existerait jamais. Et il y avait deux explications simples qui le prouvaient. La première c'était que s'il y avait un dieu, il n'aurait pas permis qu'elle soit éloignée de force de son mari, à bosser pour une agence qui n'en avait rien à faire d'elle, tout comme elle en avait rien à faire de ma personne. La seconde, c'était qu'un vrai dieu, bon et miséricordieux, n'aurait jamais eu l'idée stupide de créer des êtres tels que moi, ou alors il était à notre image et prenait un malin plaisir à regarder souffrir ses créations de là où il se trouvait. S'il existait, il était le plus grand sadique de cet univers.
Mes paupières se fermèrent brièvement mais je les rouvris aussitôt. Mon regard descendit sur ma main droite brûlée et qui saignait un peu. J'avais oublié que j'étais blessé. Je n'avais plus conscience de la douleur depuis que j'avais appris la mort de Brennen. J'avais également du sang sur le visage, blessé à deux endroits si je m'en référais aux deux picotements dont je prenais enfin conscience. Alors qu'elle se détourna pour s'affairer, ma main gauche écarta un pan de ma veste. Mes doigts effleurèrent le trou à travers le tee-shirt, provoqué par la balle que je m'étais pris. Je sentis le gilet par balle en dessous ainsi qu'un contact froid. La balle était restée logée à l'intérieur. J'aurais pu mourir cette nuit. Je ne ressentais rien d'en prendre conscience. Peut être que j'aurais préféré mourir à la place de Brennen. Non, c'était même certain, j'aurais donné ma vie pour qu'il soit sauvé.
Ma tête se releva. Johnson craignait que mes blessures s'infectent. Elle voulait jouer à l'infirmière avec moi. Une bouffée de rage monta. « J'en ai rien à foutre que ça s'infecte, il est mort ! » Cette rage qui n'était rien d'autre qu'une colère noire derrière laquelle se dissimulait une douleur profonde ne s'arrêta pas à ces simples mots. Elle s'accompagna d'un mouvement de bras qui fit voler au sol ce qu'elle venait de poser sur la table. Je choisis la mauvaise main pour accomplir ce geste, celle qui était blessée. Le résultat fut que je lâchais un énorme juron sur le coup de la douleur physique cette fois. Puis la pression sembla retomber aussi rapidement que la rage m'avait envahi et je me laissais tomber sur la première chaise à ma portée. « Aide-moi juste, c'est tout ce que je réclame. Ne m'oblige pas à user de la manière forte. » J'étais en deuil, épuisé, blessé, n'ayant pas dormi de la nuit, pour résumer j'étais plus qu'instable, profondément atteint, las et surtout sans limites.
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Sujet: Re: You've gone away, I don't feel right 'cause I'm broken Sam 25 Jan - 19:56
Remington Pillsbury n’était pas un saint. Pas même un quidam sans intérêt aux préoccupations médiocres comme on en croisait au quotidien. Cet homme était un loup, un tueur, qui jour après jour dansait et jouait avec la mort sur cette vaste scène que l’on nommait la guerre. Après la première visite qu’il lui avait rendue, Gillian s’était renseignée. Elle avait consulté le fichier que l’Agence conservait sur lui : ancien militaire des forces spéciales, tueur à gages, formateur des agents de terrain et, chose plutôt surprenante, illustrateur de bande-dessinée. Mais rien de tout cela n’était véritablement resté scotché dans son esprit. Elle avait essayé, vraiment essayé, de lui coller l’étiquette du dangereux fou-furieux avec lequel il valait mieux garder ses distances et pourtant, dès qu’il reparaissait, elle ne pouvait empêcher quelque-chose en elle de se tendre vers l’avant. L’espoir. La quintessence des illusions humaines. À la fois la source de sa plus grande force et de sa plus grande faiblesse. Ainsi, malgré tout ce qu’il représentait, elle n’était pas parvenue à le considérer comme un ennemi. Car il était le dernier lien, la dernière faible connexion qu’il subsistait entre elle et celui qu’elle aimait, et qu’elle était prête à tout pour préserver cette interaction. Et c’était absurde. Tellement absurde qu’elle avait honte d’éprouver pareille émotion. Sans parler du fait que cela la rendait aveugle à certains signes avant-coureurs.
Elle avait réagi par instinct. Ses mains avaient bondi de part et d’autre de son visage, comme si elle était sous la menace d’une arme, et tout son corps s’était crispé face au déferlement de violence qui s’abattit sur la table devant elle. Elle ne fit même pas un pas en arrière. Au contraire, elle resta parfaitement immobile. Le fauve gronda, tempêta et secoua sa main meurtrie dans les airs mais Gillian ne fit pas un geste. Tout juste si elle s’accorda le droit de laisser ses bras retomber très lentement le long de son flanc lorsqu’elle fut certaine que cela ne présentait plus aucun risque. Pillsbury n’était pas dans son état normal. Elle n’avait aucune idée de ce qui se tramait dans sa tête pour le faire exploser de la sorte mais elle ne comptait pas lui donner de raison de se mettre à passer ses nerfs directement sur elle. Il ne voulait pas la laisser regarder ses blessures ? Soit ! Grand bien lui en fasse ! Mais il avait parlé d’un mort… Qui ? Cela avait-il un rapport avec ce qui avait causé l’agitation de ces derniers jours à l’Agence ? Gillian attrapa le dossier d’une chaise à proximité et la tira doucement à elle avant d’imiter Pillsbury. Elle s’assit face à lui, en veillant à conserver une distance de sécurité, et joignit ses mains entre ses genoux. Puisqu’un calme apparent semblait avoir repris le contrôle de la situation, peut-être qu’il était temps d’essayer de soutirer quelques paroles sensées à son homologue.
_ Avant de retourner cet endroit sens dessus-dessous et de commencer à me menacer tu pourrais peut-être plutôt me dire ce que tu attends de moi, ça ira plus vite. Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Raconte-moi.
Sa voix était douce mais pas non plus compatissante. Elle n’était pas sa mère ni sa psy. Elle n’avait pas besoin d’un diplôme pour voir que l’homme en face d’elle était défait, brisé, mais ce n’est pas pour ça qu’elle allait endosser une partie de son fardeau sur ses propres épaules. Et puis Pillsbury lui avait clairement fait comprendre ce qu’il pensait de ses élans de compassion.
_ Il n’y a que toi et moi ici, alors vas-y. Je suis pas prête de m’envoler et d’aller tout raconter aux copines…
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Remington Pillsbury
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Sujet: Re: You've gone away, I don't feel right 'cause I'm broken Dim 2 Fév - 11:19
You've gone away, I don't feel right 'cause I'm broken
La douleur. Quatre vingt à quatre vingt dix pour cent dans la tête. Du moins, c'est ce que l'on a coutume de dire quand elle est physique. Mais si elle s'avère mentale ? Le rapport n'est pas le même, la perception que l'on a de celle-ci non plus. Impossibilité de la quantifier sur une échelle, la seule chose que l'on peut dire, c'est qu'elle explose toutes les limites et on ne voit plus qu'elle. Ce fut ce que je ressentis réellement quand je me laissai tomber sur cette chaise. Au delà de la fatigue, au delà de la colère, cette douleur prit une place plus que dominante. Il ne fut plus question de soigner ma main brûlée, ni les éraflures sur mon visage. Je me demandai ce que j'allais devenir sans Brennen. Déjà, je me posai cette question alors que cela ne faisait guère plus de quelques heures qu'il était mort. Je prenais enfin vraiment conscience de la place qu'il tenait dans ma vie et que je n'avais jamais voulu remarquer jusque là.
Un bruit de chaise me parvint. Je remarquai que Gillian prenait place en face de moi, gardant une certaine distance de sécurité. Elle se montra prudente, je lui donnai raison. Mon regard se fit fuyant. Je ne cherchai pas à me confronter de nouveau à elle. Je ne sus même pas ce que je désirai à cet instant. Partir en chasse, laisser exprimer ma peine, tout détruire sur mon passage. Un foutoir sans nom avait pris place dans ma tête, à tel point que rien de concret ne se détacha. Et cette situation aurait pu se développer et s'ancrer rapidement si la voix de la jeune femme ne m'avait pas ramené vers elle. Sages propos qu'elle tint. Dans d'autres circonstances, j'aurais souri. Tout retourner et menacer, c'était bien mon genre, surtout pour la seconde partie. Mais là... Que s'était-il passé ? Mon coude gauche s'appuya contre la table à proximité. Ma main se porta à mes lèvres. Ce ne fut pas ma mission que je revis dans ma tête. Ce ne fut pas les coups de feu que je tirai et dont j'étais la cible qui résonnèrent. Je vis le visage de Brennen. J'entendis sa voix.
Durant quelques secondes, je crus qu'il me souffla qu'il n'y avait que lui et moi dans la pièce. Mon esprit était confus. Je ne me remettais pas du choc que j'avais subi. Je ne relevai même pas une allusion pour faire des commérages auprès des copines. « Brennen est mort... » finis-je par balancer d'une voix absente. Elle ne fut pas si détachée que cela en réalité. Trois mots dont son prénom que je prononçai. Trois mots qui me firent douloureusement mal. Je sentis quelque chose sur ma joue. Elle me brûla. Je passai le dos de ma main droite dessus pour la chasser. Puis je la vis, cette chose sur ma main. Une larme. Ce ne fut pas le début d'un torrent de larmes. Il n'y en eut qu'une. Elle se trouva là et quand je pris conscience de ce qu'elle était, j'essuyai ma main sur mon pantalon sale et poussiéreux. Aucun souvenir ne remontait, j'étais bien incapable de dire depuis quand je n'avais pas laissé cette horreur m'envahir. Peut-être depuis la mort de mes parents biologiques. Quelle importance de toute manière.
« Dakota Cooper. Je veux tout savoir sur elle. Famille, amis, ses habitudes. Son passé, son présent. Absolument tout. Pour mon compte perso donc ton prix sera le mien. » Passé, présent et non futur car cette femme n'en connaitrait pas. Plusieurs jours auparavant Boomer avait réveillé quelque chose en moi. La mort de Brennen venait de complètement la libérer. Elle m'envahissait complètement. Cette larme que j'avais laissé échapper n'était déjà plus qu'un lointain souvenir. Il n'y en aurait plus. Je doutais de ressentir autre chose désormais que douleur et esprit de vengeance. Du plaisir à la violence peut être, et encore. Je ne ressentais pas l'envie de sourire. « Tu peux refuser Gillian vu que ce n'est pas un contrat qu'Anthony m'a refilé. Mais je te le déconseille. Je ne laisserai personne se mettre en travers de ma route pour tuer cette salope. » Et encore ce mot était bien trop gentil pour la qualifier. J'en avais d'autres en stocks qui n'attendaient que de sortir pour tenir compagnie au premier.
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Sujet: Re: You've gone away, I don't feel right 'cause I'm broken Dim 2 Fév - 22:24
Brennen. Cela ne lui disait rien mais elle hocha la tête malgré tout, par empathie ou parce que le tremblement dans la voix de son interlocuteur au moment où il prononça ce nom la mit presque dans la confidence de ce que sa disparition signifiait à ses yeux. Un trou béant que rien ne pourrait dorénavant plus combler. Pourtant Gillian n’était pas familière avec ce sentiment de détresse qui accompagnait la perte d’un proche. Ses parents étaient morts dans un accident de voiture mais elle était tellement jeune à l’époque. Pendant plus de la moitié de sa vie elle avait même ignoré jusqu’à l’existence de ce père biologique lui ayant donné la vie. Alors quand elle y songeait, elle ne ressentait rien de particulier si ce n’est une grande sensation de vacuité presque dérangeante. L’absence de sa mère, en revanche, avait été quelque-chose qui l’avait obsédé pendant de longues années, mais là encore elle ne savait pas bien comment se positionner vis-à-vis de tout ça. Elle n’avait aucun souvenir auquel se raccrocher pour mesurer l’ampleur du manque qui s’était installé en elle. Sa mère n’avait pas eu le temps de lui caresser les cheveux pour faire disparaître ses larmes après une mauvaise chute, ni celui de lui parler de ce que cela signifiait de devenir femme. C’était juste un concept abstrait dans sa tête. Et on ne versait pas de larme sur un concept.
En parlant de larme, Gillian détourna le regard en direction de ses genoux en apercevant celle qui se perdit dans la barbe naissante de Remington avant qu’il ne la chasse d’un revers de main. Elle n’était pas très à l’aise à l’idée d’être témoin de cela. Comme si elle violait soudain une intimité qu’il ne lui appartenait pas de dévoiler. Elle n’aurait jamais cru que Pillsbury était le genre d’homme à pleurer, mais après tout que savait-elle de lui ? Rien. Et c’était mieux ainsi. La connexion qu’il représentait avec Eli lui faisait déjà perdre de vue trop de choses à son égard. Elle ne voulait pas en plus se sentir désolée pour lui. Ce fut donc un soulagement quand il ramena soudain la conversation à quelque-chose de clairement plus terre-à-terre. Dakota Cooper. C’était celle qu’il voulait qu’elle retrouve pour lui. Pour tuer cette salope comme il le disait si crument. Gillian hocha alors à nouveau la tête, avec plus de résolution cette fois-ci. Elle ne savait pas qui était cette fille ou si elle méritait le sort que lui réservait le tueur à gages mais ça ce n’était pas ses affaires. Elle s’était toujours refusé de porter un jugement sur les raisons qui poussaient les gens à faire appel à ses services. Soit elle y voyait un intérêt personnel, soit elle refusait. Ce qu’ils faisaient ensuite des informations qu’elle fournissait ne la regardait déjà plus.
_ Tu sais autre-chose sur cette fille ? Une tranche d’âge au moins ? Cooper est un nom répandu, Dakota probablement moins mais à L.A ça doit quand même représenter un bon nombre de personnes. Il me faut quelque-chose pour rétrécir la recherche ou toi et moi on risque de passer pas mal d’heures à regarder les photos d’identité d’honnêtes citoyens américains avant de tomber sur la perle rare. À présumer que tu saches à quoi elle ressemble…
Elle avait sciemment ignoré les menaces qu’il continuait de proférer à son encontre. Pour dire vrai, cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Cette fois il avait véritablement besoin d’elle et elle le savait. C’était un homme blessé et ses jappements de chien hargneux ressemblaient plus aux paroles d’un désespéré au bord du gouffre qu’à autre-chose. Gillian se leva et marcha alors vers l’ordinateur le plus proche qu’elle tira de son état de veille en appuyant sur une touche du clavier.
_ Je veux voir mon mari, lâcha-t-elle finalement sans détourner son attention de ce qu’elle était en train de faire. Et pas de manière interposée comme avec une webcam. Le voir pour de vrai, lui parler, le toucher. Je sais que tu peux organiser ça sans que Cristiani ou Ciccelli l’apprennent. C’est mon prix. Fais ça et je te promets que tu sauras tout ce que tu as besoin de savoir sur cette Dakota.
Remington Pillsbury
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Sujet: Re: You've gone away, I don't feel right 'cause I'm broken Dim 9 Fév - 16:53
You've gone away, I don't feel right 'cause I'm broken
Il y eut un instant de faiblesse rapidement balayé, jeté au fond d'une boite que je recouvris bien vite d'un couvercle. Ce fut une part d'humanité que j'enfermai, lui préférant un sentiment beaucoup plus sombre, une noirceur qui emplissait l'âme, la recouvrant pour lui faire oublier qu'un geste, anodin et infime, pouvait se révéler être un simple petit plaisir de la vie. Mon pêché mignon, ce qui pourrait désormais me faire sourire, se composait de cinq mots : la mort de Dakota Cooper. Je ne sourirai plus que lorsqu'elle sera passée dans l'autre monde. Et un sourire illuminera vraiment mon visage si cet honneur me revenait. Je ferai tout pour, quitte à me servir, écarter, manipuler, broyer toutes les personnes que je rencontrerai sur ma route et qui n'iront pas dans ma nouvelle réalité. Coopérer avec moi ou être contre moi. C'était une vision primitive, du niveau de cette nature qui avait pris place. La première personne à y goûter était assise non loin de moi. Elle subissait le baptême du feu, découvrant cette nouvelle vision en même temps que moi je la découvrais.
Cette nouvelle vision ne fit ni chaud ni froid à Johnson. Peut-être que mon comportement ne changeait en fait pas beaucoup par rapport à d'habitude. Elle me demanda de plus amples informations. Dakota Cooper et salope, n'était-ce pas suffisant pour établir une base de recherches ? Apparemment non, alors je rassemblai les informations que je détenais dans le chaos qui composait mon esprit. « Si c'est bien celle qui me vient à l'esprit, elle doit avoir entre 24 et 27 ans. Avoir un boulot administratif quelque part. Peut-être la mairie si elle bosse pour ce Tussle de Genetic et qu'elle est également mutante. » Ce fut un début. Je recoupai les informations que la précédente fouine m'avait donné avec ce que je savais de cette femme lors de notre seule rencontre à Central Park. Si c'était bien elle et si elle était capable de faire expulser Sonny, elle travaillait à l'immigration, ou un service de la mairie s'en rapprochant. Peut être rien du tout et qu'elle était seulement une chieuse professionnelle, imbue d'elle-même, avec un égo surdimensionné qui lui faisait oublier de se protéger et qui la poussait à ouvrir trop grand sa gueule pour se montrer supérieure et intéressante.
Alors que Johnson se leva pour s'installer devant un ordinateur, j'en fis de même mais pour partir à la recherche d'une feuille de papier et d'un crayon. Je trouvai mon bonheur sur un bureau puis retournai m'installer sur ma chaise, la faisant glisser jusqu'à la table proche de là où elle se trouvait. Je ressentis des picotements dans ma main. Je constatai l'étendu des dégâts de la brûlure laissée par Kensie. Je passai outre la douleur pour commencer à esquisser quelques coups de crayon sur la feuille. Des gestes rapides, précis, comme si je ne voyais que cela, son visage devant le mien. Rapidement, une paire d'yeux apparurent. Je ne les avais pas encore terminés quand Gillian se décida enfin à me faire part de ce qu'elle désirait. Ma main s'interrompit à la première phrase. Je tournai lentement la tête dans sa direction mais elle était concentrée sur ce qu'elle faisait. Eli Johnson. C'était ça ou plutôt lui qu'elle voulait. Son cher et tendre mari qui était retenu beaucoup plus près qu'elle ne pouvait le supposer. On m'avait demandé de le former, de ne pas y aller en douceur avec lui. Soit il rentrait rapidement dans les rangs, soit il crevait. Si on devait en arriver à la seconde option, je serai peut être l'heureux élu qui serait chargé de le tuer, comme pour Ezekiel. Au final, comme pour tous ceux qui n'avaient pas le profil pour appartenir à l'Agence.
Un silence plana durant quelques secondes avant que je me décide à répondre pour entrer ou non dans les termes convoités. « Ok. » Mon attention se centra sur la feuille de papier devant moi. J'esquissai un nouveau coup de crayon. « Mais je ne rentrerai pas dans le jeu du je te laisse voir ton mari, tu me donnes les informations ensuite. Tout comme je doute que tu acceptes de rentrer dans mon jeu du une fois qu'elle sera morte, tu pourras voir Eli. » Nous pouvions jouer à ces petits jeux. Ça serait une perte de temps, pour elle mais également pour moi. Autant couper court alors je proposai une autre alternative. « Tu me trouves tout ce que je veux savoir sur cette femme dès aujourd'hui et tu verras ton mari dans les prochains jours. Tu as ma parole. » Et celle-ci valait davantage qu'une promesse, du moins en théorie. « Par contre, n'espère pas que je vais vous organiser un dîner aux chandelles et que je monterai la garde devant une porte pour que vous vous envoyez en l'air tranquillement. Ça sera organisé selon mes méthodes, à prendre ou à laisser. » Je ne sauterai pas pour eux. Pas tant que je n'aurai pas tué cette Cooper. Rester en vie pour se venger, voilà une motivation suffisante. Une douleur un peu plus forte que les précédentes parcourut brutalement ma main, m'obligeant à lâcher le crayon dans un juron. Ce n'était pas gagné que je vienne à bout de ce portrait robot que j'étais en train de dresser, pour la seconde fois.