Mary Jane ne s’était pas rendue au Blue Lake le soir de l’échange de son père contre la cousine du dirigeant de Genome. Pas folle la guêpe !. Elle avait mieux à faire, comme participer à la libération de cobayes. D’ailleurs, personne n’avait souhaité sa présence et c’était tant mieux. Elle n’y serait pas allée de toutes les façons. Elle ne voulait pas mourir bêtement.

Les adeptes de Genome et de Genetic étaient trop obnubilés par leurs convictions. Ils avaient la fâcheuse tendance de foncer sans réfléchir persuadés d’avoir raison. A quoi ça leur servait d’être adultes franchement ? Ils n’apprenaient rien de leurs expériences ou quoi ? Tout le monde pouvait se tromper mais refaire les mêmes erreurs, il ne fallait pas être futé ! Comme elle s’en était doutée, l’échange dégénéra. Elle avait bien fait de ne pas s’en mêler. Après tout, les affrontements entre les deux organisations n’étaient pas son problème. Ah si, un peu quand même ! Son abruti de père s’était fait avoir comme un bleu. C’était à cause de lui tout ça finalement. C’était bien la peine de posséder une intelligence au-dessus de la moyenne pour se faire attraper comme une mouche. Tant pis pour lui ! Oui mais bon, depuis sa disparition, après avoir épuisé ses maigres ressources financières, la chipie avait été obligée de se débrouiller. Pas facile la vie de bohème quand même !

Donc, la nuit de l’échange, Mary Jane squatta le bureau de Damner, la secrétaire de son père, et attendit le résultat des courses. Elle ne vit pas Dunney mais apprit qu’il était sain et sauf. Elle apprit aussi qu’il y avait eu pas mal de morts. C’était affreux de mourir pour rien ! Mourir tout court était une horreur pour la jeune fille. Aussi s’activa-t-elle pour savoir qui s’en était sorti. Elle récolta quelques informations et apprit que la plupart des blessés avaient été emmenés chez Genome et chez Genetic mais également à l’hôpital de Los Angeles.

Préférant ne pas voir de blessures béantes, l’adolescente évita de faire le tour des lits d’hôpitaux pendant une bonne dizaine de jours. D’après ce qu’elle avait entendu dire, c’était trop glauque, surtout pour la petite Moïra qui était dans le coma. Il n’était pas question que Mary Jane lui rende visite mais une chose l’intriguait. Que faisait cette poupée le soir au Blue Lake ? Si ça se trouvait c’était encore une idée tordue de Kate Reynolds, cette femme tant détestée par la fille Holster.

Aujourd’hui 12 septembre, la chipie avait décidé de fouiner un peu à l’hôpital. Elle pensait y trouver des informations utiles. A peine avait-elle franchi la porte d’entrée qu’elle aperçut Keaton s’engouffrant dans un couloir. Mary Jane se précipita vers lui sans s’occuper de l’hôtesse d’accueil qui l’avait interpellée afin de relever son identité.

- Hey Keat ! Qu’est-ce que tu fiches là ? Tu ne devrais pas être dans ton magasin à cette heure là ? D’ailleurs, j’y suis passée l’autre jour, c’était fermé. T’es une vraie couleuvre en ce moment toi ! J’arrive jamais à tomber sur toi et ton portable est toujours sur messagerie. T’as changé de numéro ou quoi ? Ca tombe bien que tu sois là, faut vraiment que j’te parle ? T’as peut-être pas le temps, mais ça devient suuuper urgent, j’t’assure !

Hochant la tête rapidement et écarquillant ses petits yeux bridés, elle ne pouvait être plus convaincante. Keaton avait sans doute d’autres préoccupations que de subir les interrogations de la chipie, mais bon, depuis temps qu’elle voulait le voir ! Le hasard faisait bien les choses pour une fois, alors il fallait en profiter.

Comme souvent depuis la nuit de l’échange et la disparition de Kate, Keaton avait passé une nuit blanche. Son esprit avait erré durant des heures sans trouver le sommeil. Il avait bien tenté de se coucher pour dormir. Ce fut en vain. Sa tête s’était tournée vers la place vide à côté de lui. Sa gorge s’était nouée. Sa main s’était posée sur l’oreiller vide. Il était désespérément froid. Aucune trace de Kate depuis plus de dix jours. Il l’imagina un instant allongée à ses côtés. Ce n’était pas encore visible mais il l’imagina avec un ventre légèrement arrondi. Leur bébé à l’intérieur. Sa main descendit le long des draps mais ne rencontra que le vide. Son poing se serra. Il serra les dents et se décida à se relever. Ce n’était pas encore cette nuit qu’il arriverait à dormir dans son lit.

Il s’allongea sur le canapé, la télécommande à la main. Et durant toute la nuit, il zappa d’une émission à l’autre pour tenter de s’occuper l’esprit. Le soleil était déjà levé quand ses paupières se décidèrent à se fermer. Et il était quasiment midi quand il se réveilla. Il se leva et grimaça. Son pied nu venait de se poser sur la télécommande. La tristitude…. Il avait mal à la tête. Sans doute le manque de sommeil engendré durant les derniers jours. Un coup d’œil à sa montre posée sur un meuble et soudain, il se sentit complètement réveillé. C’était aujourd’hui qu’il devait se rendre à l’hôpital. Il devait s’activer. Malgré le mal de tête. Malgré son manque d’envie. Malgré sa culpabilité. Et malgré la douleur interne alimentée par l’absence de sa fiancée.

Keaton eut de la chance. Il arriva un peu en avance à son rendez-vous. C’était le jour où il devait signer des papiers. Ensuite, dans les jours qui suivraient, il pourrait prendre ses fonctions en tant que pédiatre à l’hôpital. Malgré le coma de Moïra. Malgré la disparition de Kate, il n’avait pas renoncé à son envie de redevenir pédiatre. Il le faisait pour Tammy, pour qu’elle croit qu’il remontait un peu la pente et ne sombrait pas. Il le faisait également pour lui. Le nombre d’heures passé à l’hôpital lui occuperait l’esprit. C’était le même que celui où travaillait Kate. Il serait sur place au cas où, pour avoir des informations. Et puis, sa boutique de fleurs lui rappelait trop son pouvoir. Et ce dernier le ramenait inlassablement à la nuit de l’échange.

Il réajusta le col de sa chemise en entrant dans le hall de l’hôpital. Il crut un instant qu’il allait chercher Kate. Comme le jour où il avait rencontré Tammy pour la première fois. Ce jour là, il était simplement vêtu d’un tee-shirt, d’un bermuda et de baskets. Pas cet après-midi. Ce n’était que des papiers à signer mais il ne pouvait pas se permettre de venir en touriste. Il avait donc mis une chemise assez chic, accompagnée d’un jean. Il ne fallait non plus compter sur lui pour avoir le look complètement bureaucrate.

Il s’engouffrait dans un couloir menant à l’ascenseur quand il entendit une voix familière. Il s’arrêta un instant de marcher mais décida rapidement de reprendre sa route. Si elle voulait vraiment lui parler, elle le suivrait. De toute façon, il ne pourrait pas en placer une. Pas avant au moins la cinquième question. Mentalement il les compta. Une… Deux… Trois… Quatre… Il appuya sur le bouton pour appeler l’ascenseur. La cinquième question ne vint pas. Voyant que l’ascenseur se trouvait au dernier étage et allait mettre un peu de temps avant d’arriver au rez de chaussée, il se décida enfin à se tourner vers la plus attendrissante des pestes qu’il connaissait. La pus insupportable aussi d’ailleurs.

« Bonjour Mary Jane. Alors dans l’ordre. J’ai un rendez vous. Mon magasin est resté fermé quelques temps car… Il fallait que je trouve un gérant. » Il n’allait tout de même pas lui dire qu’il avait déprimé quelques jours. Lui parler de Moïra, de Kate. Non, hors de question. Cette gamine était bien trop curieuse et collante. « Désolé pour le portable, j’ai eu un petit souci avec mon opérateur mais c’est rétabli. Et non, je n’ai pas changé de numéro, tu peux donc m’appeler quand tu veux. Enfin si tu me laisses en placer une dans la discussion. ». Il s’interrompit un court instant et esquissa l’ombre d’un sourire. Le premier depuis trop longtemps, il ne souriait quasiment plus ces derniers temps. « Tu veux me parler de quoi ? Je t’écoute. » Il était encore un peu en avance donc il avait du temps pour écouter toutes les petites tracasseries de l’adolescente. Ca lui changerait les idées au moins durant quelques minutes. Avant de retourner à ses pensées qui ne volaient pas très haut sur l’échelle du bonheur.

Mary Jane était presque obligée de courir pour suivre Keaton. Il avait le feu aux fesses ou quoi ? Lorsqu’il s’arrêta devant l’ascenseur, elle poussa un soupir de soulagement. Heureusement qu’il n’avait pas pris les escaliers, elle se voyait mal monter les marches quatre à quatre pour ne pas le perdre de vue. Maintenant qu’elle le tenait, elle n’allait pas le lâcher sans avoir obtenu des réponses à ses questions.

- Ah bbbon ! Tu lâches ton magasin. Observa-t-elle surprise. Elle ne souhaitait pas savoir pourquoi, ça ne la regardait pas, mais...
- Mais comment j’vais faire si j’ai besoin de te parler en privé. Je n’vais quand même pas aller chez toi ! Ok, y’a le portable, mais j’me méfie. Si ça se trouve je suis sur écoute et toi avec. Surtout depuis que le C.A. à débarquer en grandes pompes chez Genetic, je m’attends à tout maintenant. Pas toi ?

Depuis le Blue Lake, après avoir été ramené chez Genetic, Dunney Holster avait été « gentiment » remercié par ce soit disant Conseil d’Administration. C’était quoi tous ces bouleversements d’un coup ? L’adolescente savait que cette assemblée existait, comme dans toutes les grosses boites, mais en général les actionnaires ne se réunissaient qu’une fois par an ; ils décidaient éventuellement des principales directives mais ils ne se mêlaient pas du bon ou du mauvais fonctionnement tant qu’ils touchaient des dividendes. Genentech était une multinationale fleurissante, ils n’avaient aucune raison de changer la direction. Ou alors, le nouveau dirigeant avait couché pour avoir la place ! Tous des pourris, ils mériteraient de chopper le sida à force de se faire baiser par n'importe qui pour y arriver.

Que de vilaines pensées n'est-ce pas ? Bah oui ! Le C.A. n’avait pas à virer son père comme ça, sans raison. Mary Jane n’aimait pas son paternel mais sa fierté en prenait un coup ; elle n’était plus la fille du boss désormais. Maintenant qu’il n’avait plus de boulot, il restait des heures et des heures enfermé dans l’appartement. Comment allait-il faire pour subvenir à leurs besoins ? Holster ne donnait aucune affection à sa fille mais au moins il lui donnait de l’argent ! Alors même si ça il ne pouvait plus le faire, ça n’allait pas le faire. L’adolescente n’avait pas toutes les cartes en main pour juger de la situation réelle. Elle ignorait, par exemple, que son père avec des actions dans diverses sociétés.

- Comment ça se fait qu’ils ont viré Dunney ? En plus ils l’ont remplacé par un gros moche qui ressemble plus à un tueur qu’à un directeur. C’est dégueu ce qu’ils ont fait, il n’avait rien à lui reprocher en plus. T’y comprends quelque chose toi ?

La porte de l’ascenseur venait de s’ouvrir. Mary Jane suivit Keaton afin d’écouter ce qu’il allait dire à ce sujet.

Le petit cadran au dessus de leur tête indiquait que l’ascenseur était bloqué pour le moment au quatrième étage. Ce qui voulait dire que cela allait laisser un peu de temps à Mary Jane pour lui exposer la raison de leur discussion. Pour une fois l’adolescente fit preuve de discrétion et ne lui demanda pas pourquoi il arrêtait de s’occuper de son magasin. Il y avait du progrès dans l’air ! Enfin pas tant que ça car ce qui intéressait la jeune fille, c’était apparemment sa petite personne. Il y avait décidément des choses qui ne changeaient pas. Une facette qu’il ne connaissait pas d’elle, c’était la paranoïa. Qu’ils soient tous les deux sur écoute, mais bien sûr.

Une seconde. Keaton dut rembobiner pour prendre pleinement conscience de ce qu’elle venait de dire. Le C.A. ? Genetic ? Il n’avait pas réalisé une chose jusque présent. Mary Jane Holster était la fille de Dunney S. Holster, le grand patron de Genetic. Enfin l’ex patron car il avait été gentiment remercié, tout comme Tammy. Avec tout ce qui s’était passé, il n’avait jamais fait le rapprochement. Mais à présent que Mary Jane parlait de Genetic comme si c’était naturel dans leur discussion, il ouvrait les yeux. Il valait mieux ne rien dire sur son illumination sinon elle allait s’offusquer qu’il ne s’intéresse pas davantage à sa petite personne.

« Au lieu de l’appeler Dunney, tu ne peux pas dire papa ? Il est ton père après tout. »

La porte de l’ascenseur s’était ouverte et il s’était engouffré à l’intérieur, sachant très bien qu’elle le suivrait. Il appuya sur le bouton du second étage et attendit patiemment que les portes se referment. Une fois que ce fut fait, il se tourna vers l’adolescente.

« Ecoute.. Je sais que ça doit te contrarier que ton père ne soit plus le grand patron. Ta fierté doit en prendre un coup. Mais ne t’arrête pas à ça. Il continuera à subvenir à tes besoins si c’est là ta crainte. Après tout, tu es sa fille ! Et s’il y renonce, et bien tu pourras toujours venir de temps en temps chez moi. Je te nourrirai. »

Par contre, il était hors de question de l’héberger. Il trouvait cette peste attendrissante certes, mais la supporter vingt quatre heures sur vingt quatre, jamais il ne survivrait à cette épreuve. Autant l’envoyer à la potence de suite. Pourtant Mary Jane avait un effet positif sur lui. Elle empêchait son esprit d’être complètement tourné vers Kate et Moïra. Elle avait des défauts certes, mais aussi des qualités. La porte de l’ascenseur s’ouvrit sur le second étage et il en sortit.

« Je ne pense pas qu’on soit sur écoute. Ton père et ma sœur sont plus importants pour le C.A. que nos simples petites personnes…. »

Il se mordit la lèvre après avoir parlé de sa sœur. Il ne savait pas si Mary Jane connaissait Tammy, et si elle connaissait également leur lien de parenté. Avec elle, il fallait se méfier, elle semblait fouiner de partout ! Il s’arrêta devant une salle et ouvrit la porte. C’était la salle de jeux et de détente de l’étage. Le second étage était celui de pédiatrie. A l’intérieur de la salle, plusieurs enfants étaient présents, il y avait quelques parents et une infirmière. Keaton fit un tour de salle du regard. Cela faisait presque vingt jours qu’il n’était pas venu. Un bambin d’environ quatre ou cinq ans s’approcha d’eux, il lui prit la main et la tira pour attirer son attention.

« C’est ta fille Keat ? »
Sainte horreur non, si jamais il existait un tout puissant quelque part, celui-ci l’avait préservé de ça.

« Non Jimmy, c’est une amie. » Il ébouriffa la tête de l’enfant en lui passant une main dans les cheveux, le sourire aux lèvres. Jimmy était un habitué du service, il faisait régulièrement des séjours à l'hôpital. C’est alors qu’il la vit. A l’autre bout de la pièce, et seule dans son coin. Comme la première fois qu’il l’avait rencontrée en juillet. Il se tourna vers Mary Jane, et avant qu’elle ait pu répliquer, il glissa la main de l’enfant qu’il tenait dans celle de l’adolescente. Il se tourna ensuite vers celle qui était dans son coin.
« Bonjour Ingrid. »

Une fois de plus Ingrid se retrouvait à l'hôpital en pédiatrie. Mais cette fois ci, elle était seule, orpheline avec trois meutres sur la conscience. Elle ne cessait de pleurer, dans son coin, et refusait de s'alimenter si bien qu'elle avait déjà perdu bien cinq kilos.
Elle ne portait qu'un pijama d'hôpital dont on l'avait vêtue lorsqu'on l'avait amené aux urgences. La seule chose qui lui restait de son ancienne vie était ce nounours que les pompiers avaient récupéré pour elle. Pourquoi? Elle ne le savait pas, elle ne le méritait pas. Mais heureusement pour elle elle n'avait rien dit de ce qu'il s'était passé.

Cela faisait quelques jours qu'elle était à l'hôpital et ils ne savaient toujours pas ce qu'ils allaient faire d'elle, d'autant qu'elle avait sans cesse des bouffées de chaleur, et elle se débattait toujours comme une démente lorsque les médecins voulaient la toucher. Et pour le moment aucune catastrophe n'était survenue, ses crises passant inaperçues au milieu de ses débattements compulsifs, mais elle se doutait bien qu'un jour finirait où ils découvriraient ce qu'elle avait fait, et ce jour là...elle craignait le pire pour ce jour là.

Comme tous les jours à cette heure ci, elle était dans la salle de détente, le regard vide. Elle ne prenait même plus l'habitude de lire ou quoi que ce soit, elle se contentait d'être recroquevillée dans un coin à se balancer doucement d'avant en arrière. jusqu'à ce qu'on l'appelle par son prénom.

Ingrid leva alors la tête, et vit un grand homme blond devant elle. Elle tourna la tête sur le côté en signe d'interrogation jusqu'à ce qu'elle se rappelle.

"Keaton? ..."

Sa voix était faible et les larmes lui montèrent aux yeux assez rapidement. Pourquoi elle le revoyait deux mois après leur première rencontre? Il travaillait ici? Il connaissait quelqu'un qui était ici? Sa fille? Son fils?

Mais qu'est ce qu'Ingrid était soulagée de voir un visage qu'elle avait déjà vu et qui lui avait semblé si bienveillant à l'époque. Mais rien ne transparaissait sur son visage, juste des larmes qui prenaient naissance au coin de ses yeux et menaçants d'innonder les joues de la jeune fille d'un moment à l'autre, jusqu'à ce qu'elle réussisse enfin à ajouter:

"Que fais tu ici?"

- Et pourquoi je ne l’appellerais pas Dunney ? C’est son prénom. Et pour le père, tu repasseras, il n’a que le titre. Si toi t’es comme lui avec tes enfants plus tard, tu peux être sûr qu’ils ne t’appelleront jamais papa. Observa-t-elle d’un air convaincu.

Mary Jane ne se souvenait pas avoir appelé son père « papa » ; quand elle était petite, peut-être ? Elle l’appelait parfois « papounet » car elle savait qu’il aaaadorait ce surnom ; mais en fait, elle ne l’appelait pas. Quand elle parlait de lui elle disait : père, parternel, le vieux, Dunney ou Holster, mais jamais elle ne disait papa. C’était une marque d’affection et de reconnaissance qu’elle ne voulait pas lui donner. En plus il s’en fichait complètement et si ça se trouvait ça l’arrangeait.

L’adolescente suivit Keaton dans l’ascenseur et écouta ses remarques. Il avait sans doute raison le bougre, la fierté de la demoiselle était mise à mal mais son père était un homme riche. Il n’allait pas tout perdre uniquement parce qu’il n’était plus le patron de Genetic. Il serait bien capable de ne plus la nourrir quand même ! La proposition que fit le fleuriste n’était pas entrée dans l’oreille d’une sourde.

- Ah ouiiii ! J’pourrai venir chez toi manger ! Dit-elle sans cacher sa surprise.
- J’pourrai venir dormir aussi ? Demanda-t-elle enthousiaste sans attendre de réponse.
- Ca serait trrrrop bien. En plus, si Dunney sait que je vis chez toi, il me lâchera les baskets. Cooooool ! Par contre, tu te trompes là je crois. Si Holster et ta sœur son importants pour le C.A. et qu’ils sont surveillés, bah tous les membres de leur famille le sont aussi. C’est logique !

Bah oui quoi ! C’était évident pour la chipie et elle ne comprenait pas que ce ne le soit pas pour Keaton. Il était un peu à l’ouest en ce moment ou quoi ?

- Mais au fait, c’est qui ta sœur ?

Keaton n’eut pas le temps de répondre à cette question. Mary Jane l’avait suivi jusque dans une salle où se trouvaient plusieurs gamins. L’un d’entre eux venait d’interrompre leur conversation très sérieuse en posant une question idiote. Keaton était bien trop jeune pour avoir une fille de seize ans. Il faisait si vieux que ça ? Mary Jane le dévisagea pour s’en assurer. Euh… c’était pas facile de lui donner un âge effectivement. En tout cas, la chipie était fière qu’il la présente comme une amie. Sans avoir le temps de comprendre, elle se retrouva avec la main de Jimmy dans la sienne pendant que Keaton rejoignait une autre gamine au fond de la salle. Mary Jane se précipita pour le suivre sans lâcher le petit garçon qu’elle tira par la main.

- Tu connais du monde ici dis-donc ! C’est qui cette fille ? C’est qui Jimmy ? Ils sont qui pour toi ? Demanda-t-elle curieuse d’en apprendre un peu plus sur le fleuriste.

Il ne comprit pas ce qu’elle disait à propos d’être comme Dunney quand il aurait un jour des enfants et ne lui posa pas la question. C’était une évidence pour lui. Être père signifiait aimer son enfant plus que tout, être présent et l’aider à s’épanouir tout au long de sa vie. Il y aurait forcément des bas, car la vie n’était pas rose, mais il serait toujours présent pour sa progéniture. Encore fallait-il qu’il puisse la connaître. Il eut un pincement au cœur quand il pensa au bébé que portait Kate. Enfouir la douleur à l’intérieur, garder le sourire. Il se répéta mentalement cette phrase pour se l’imprégner. Et il manqua s’étouffer quand l’adolescente parla de venir s’installer chez lui.

« J’ai dit nourrir, pas t’héberger… » marmonna-t-il entre ses dents pour lui-même.

Car c’était impossible une cohabitation avec elle. Bon une nuit de temps en temps, il ne lui claquerait pas la porte au nez. Sous condition que cela ne se reproduise pas trop souvent. Voir même très rarement. Le petit Jimmy arriva alors qu’elle lui demandait qui était sa sœur. Il préféra répondre à l’enfant avant de s’apercevoir qu’il y avait dans la salle une autre de ses connaissances. Au passage, il prit une chaise pour s’installer à côté d’Ingrid. Autant Mary Jane était survoltée, autant cette adolescente était calme. Deux tempéraments opposés qui allaient se rencontrer. Il remarqua les larmes qui perlaient au coin des yeux d’Ingrid. Il ne posa aucune question à propos de celles-ci. L’interroger si tôt alors qu’ils ne s’étaient pas vus depuis presque deux mois aurait été déplacé de sa part.

« Je viens pour… »

Il n’eut pas le temps de finir sa réponse que Mary Jane les avait rejoint toujours flanquée de Jimmy. Elle n’avait pas repoussé le bambin, comme quoi il y avait vraiment du bon en elle quand elle le voulait ! Le petit garçon lâcha la main de l’adolescente. Il sentait que les grands allaient discuter et cela ne l’intéressait pas. Il préférait jouer, ce qui était logique vu son âge. Il se précipita vers un coffre à jouets pour aller y chercher des voitures. Keaton le suivit du regard avant de reporter son attention sur les deux adolescentes.

« Jimmy est souvent hospitalisé à cause de sa maladie. Je joue souvent avec lui depuis juillet quand je viens. »

Il marqua une pause et adressa un sourire rassurant à Ingrid.

« Ingrid, je te présente Mary Jane. Même problème qu’en juillet ? »

Il ne parla pas ouvertement des montées de température du corps de l’adolescente. Son état de santé et l’origine exacte de son hospitalisation ne regardait pas Mary Jane. Lui non plus d’ailleurs. Du moins pour le moment. Ingrid en parlerait d’elle-même à la jeune fille si elle le désirait. Peut être d’ailleurs que cela lui ferait du bien de discuter avec une personne de son âge.

« Ingrid et Jimmy sont mes futurs patients Mary Jane. Je t’ai dit que j’avais mis en gérance ma boutique de fleurs. Ma formation de base est la pédiatrie. Je reprends mon vrai métier, pour cette raison que je suis ici aujourd’hui. J’ai quelques papiers à signer avant de prendre mes fonctions dans trois jours. »

Ingrid se sentait terriblement seule depuis « l’accident ». La culpabilité la rongeait, si bien qu’elle se laissait dépérir. Après tout que singifie vivre lorque les personnes que l’on aime on été tué par notre faute, pour ne pas dire assassiné par leur propre sang ? D’autant qu’Ingrid n’avait pas vraiment d’amis. Des gens de son école étaient venus la voir, mais elle ne se confiait pas, elle restait distante, et sortait toujours le même refrain, celui que les médecins lui avaient donné, celui qui convenait à tout le monde, celui qui la disculpait et faisait d’elle une enfant à plaindre. Seulement cette image la faisait souffrir d’autant plus, mais comment avouer la vérité sans qu’on ne l’envoie à l’asyle, ou pire en prison, ou même au bucher ?

Alors elle restait là, avec sa vérité, son chagrin et sa culpabilité. C’est pourquoi le visage familier de Keaton, même si elle ne l’avait vu qu’une seule fois la soulagea. Elle aurait eu envie de se jeter à son cou mais comment être sûr qu’elle ne le brûlerait pas ?

Alors que Keaton allait répondre à sa question, il fut coupé par l’arrivée soudaine d’un jeune fille brune et mince et oh combien jolie ! Ingrid la pensait un peu plus vieille qu’elle mais guère plus. Elle semblait survoltée, et joyeuse à souhait. Mais Keaton pu reprendre la parole, en explicant qui était le petit garçon à l’air adorable. Petit garçon qui prit rapidement congé, il devait s’ennuyait à mourir à l’idée de rester au milieu de grands qui allaient parler de choses qu’il ne comprendrait pas.

Le sourire de Keaton était un rayon de soleil pour Ingrid. Il ne s’en doutait pas mais il comblait la solitude, et se qu’il dégageait lui donnait confiance. Ainsi, même s’il était en companie de quelqu’un, Ingrid n’hésiterait pas à parler, d’autant qu’elle appréciait la manière d’agir de l’homme qui lui laissait le choix de dévoiler ou non ses problèmes.

Ingrid secoua la tête.

« La maison a pris feu, mes parents et un cambrioleur sont morts et moi on m’a retrouvée inconsciente au milieu des cendres. »
Les larmes montèrent à nouveau, mais elle les retint au maximum. Devenant un peu rouge par la même. Mais elle était aussi empreinte à la joie lorsqu’elle entendit Keaton dire qu’elle serait sa future patiente au même titre que le petit garçon. Elle s’empressa alors d’ajouter, histoire de retenir les larmes encore.

« C’est vrai que tu vas être mon médecin ? Et les fleurs tu n’aimes plus ça alors ? »
L’adolescente se détendait un peu, et sa peau redevenait plus clair, mais la chaleur était toujours présente, menaçante, presque à attendre son heure pour surgir de manière perverse.

Mary Jane ne fit pas attention au marmonnement de Keaton. Elle était trop emballée à l’idée de dormir chez lui. Keaton devait l’être aussi mais il faisait semblant d’être contrarié pour la taquiner, non ? Bah si ! Il l’avait présenté comme étant son amie et héberger une personne était moins coûteux que de la nourrir. Pour la chipie c’était une affaire réglée. Un grand sourire illumina son visage en pensant qu’elle s’inviterait à dormir chez lui quand ça lui chanterait.
Après avoir poursuivi l’homme sage, entraînant sans y penser le petit Jimmy, Keaton lui expliqua les raisons de sa présence. La jeune fille ne cacha pas sa surprise en apprenant qu’il venait jouer avec les gamins de l’hôpital.

- Ah oui ? Tu fais partie d’une association qui s’occupe des enfants malades, c’est ça ? Remarque, si t’as le temps, tant mieux pour eux mais… c’est pas un peu chiant quand même ?

Oui ce ne devait pas être très marrant. La maladie était synonyme de souffrances et les souffrances entraînaient des plaintes, des cris et des pleurs. En plus, avec les maladies incurables, c’était encore pire. Brrrr, l’idée de la mort lui donnait la chair de poule. Cet environnement était beaucoup trop triste pour Mary Jane. Jimmy avait lâché la main de l’adolescente sans qu’elle y prête attention. Mine de rien, cet univers médical la déprimait et elle n’aimait pas ça du tout. Il n’y avait qu’à voir la tête que faisait Ingrid ! Elle avait enterrée toute sa famille ou quoi ? Ah bah oui, c’était ce qu’elle disait. La pauvre quand même, mais bon au moins elle était tranquille maintenant, elle pouvait faire ce qu’elle voulait sans que ses parents soient sur son dos.

- Non j’y crois pas ! T’es pédiatre toi ? Mais qu’est-ce que tu fichais dans une boutique de fleurs alors ? Dit-elle très surprise d’apprendre cette nouvelle à laquelle elle avait du mal à croire.
- Mais bon, j’peux comprendre, c’est plus facile de soigner des plantes. Ironisa-t-elle.

Elle se moquait de Keat sans songer que ces paroles pouvaient être blessantes pour les occupants de la salle. De toutes les façons, elle n’était pas là pour jouer les bons Samaritain. Elle était là pour obtenir des informations sur ce qu'il se passait chez Genetic.

- Au fait Keat, tu m’as pas répondu tout à l’heure, c’est qui ta sœur ?
Oui parce que c’était bien gentil tout ça, mais si le prétendu pédiatre avait la mémoire courte, il avait oublié de répondre à sa question.

- T’as l’air de bien le connaître ! Tu savais qu’il avait une sœur toi ? Demanda-t-elle à Ingrid au cas où le fleuriste évincerait la question encore une fois.

Lui faire parti d'une association ? Keaton secoua la tête négativement en guise de réponse à la question de Mary Jane. Il venait à l'hôpital de son plein gré. Personne ne l'y forçait. Au contraire, il franchissait même les portes de l'établissement avec le sourire. Il lui avait fallu de nombreuses années avant d'aller au delà de la barrière de doutes et de craintes qui l'envahissait à chaque fois qu'il passait à proximité d'un hôpital. Depuis juillet, il y arrivait de nouveau. Sans doute grâce à Kate qui l'avait aidé inconsciemment. Il ne serait pas allé l'attendre régulièrement, il n'aurait pas vaincu ses vieux démons.

« Pourquoi chiant Mary Jane ? Il faut juste penser un peu aux autres et non tout le temps à soi-même. »

Ce qui était un peu le contraire de l'adolescente qui ne voyait et ne jurait que par son petit nombril. Il ne connaissait pas Holster personnellement mais d'après comment elle lui en parlait, il y avait un gouffre séparant le père et la fille. Celui-ci était peut être alimenté par l'argent de la famille. Même si le patron de Genentech était très riche, ce n'était pas avec de l'argent qu'on achetait l'amour d'un enfant, surtout de son propre enfant. Peut être aussi le problème était Mary Jane tout simplement. Elle et son fichu caractère, ce n'était pas une mince affaire à supporter. Vraiment tout le contraire d'Ingrid et de sa famille. Il ne l'avait pas interrogé sur les raisons de son hospitalisation se contentant d'une vague question, pourtant l'adolescente en parla d'elle-même.

« Je suis désolé Ingrid. »

Keaton posa une main sur l'épaule de la jeune fille et la serra brièvement. Ses parents étaient morts. Il comprenait ce qu'elle ressentait. Il avait perdu sa mère alors qu'il était un peu plus jeune qu'elle et n'avait jamais connu son père. Sans autre famille, il avait été placé dans un orphelinat où personne n'était venu le chercher pour l'adopter. Il en était parti à l'âge de dix huit ans, quand il eut la majorité. Les débuts avaient été très durs, heureusement pour lui qu'il avait rencontré Kate à ce moment là, sinon nul ne sait comment il aurait tourné. Sans doute ne serait-il pas médecin et qu'il aurait pris une voie moins fréquentable.
Il annonça qu'il allait être le médecin d'Ingrid dans les prochains jours et là une pluie de questions se mit à lui tomber dessus. Le trentenaire esquissa un sourire. Elles étaient différentes mais curieuses toutes les deux, un point commun !

« Oui, je serai ton médecin Ingrid. J'aime toujours les fleurs, sinon j'aurais vendu ma boutique plutôt que de la mettre en gérance. » Il marqua une pause et se tourna vers Mary Jane.
« Il y a des rêves dont on peut se donner les moyens pour les réaliser. La boutique de fleurs en était un. Et ta comparaison est absurde Mary Jane. »

Des plantes plus facile à soigner que des êtres humains. Mais où était-elle allée chercher cette comparaison. Il avait bien envie de lui donner une petite leçon, la forçant à venir passer quelques heures par semaine avec lui à l'hôpital pour jouer et discuter avec des enfants. Et l'envoyer quelques heures également à sa boutique pour qu'elle s'occupe des plantes. Ce qui la chagrinerait sans doute car si elle pouvait déverser son venin sur les êtres humains, les fleurs ne lui répondraient pas, et elle n'aurait pour écho que le son de sa propre voix. L'idée était intéressante mais il lui fallait l'accord de la gérante de la boutique. Il ne se voyait pas lui refiler Mary Jane de but en blanc, sans l'avoir averti au préalable. Surtout que lorsqu'elle avait une idée en tête, elle ne l'avait pas ailleurs, cherchant même appui auprès d'Ingrid au cas où il oublierait de répondre.

« Hum, c'est Tammy... » Et sur cette réponse, il se décida à se lever de la chaise sur laquelle il s'était installé.
« Je reviens, je vais signer les papiers. Je n'en ai pas pour longtemps. Ingrid, bon courage. » Sous entendu avec Mary Jane. Il adressa un clin d'oeil à l'orpheline, un petit sourire gentiment moqueur à la peste, puis il tourna les talons pour prendre la direction du bureau de l'étage.

La question qu’Ingrid redoutait vint plus vite qu’elle ne l’espérait mais elle y répondit le plus sincèrement qui soit. Oui elle avait perdu ses parents et c’était pour cette raison qu’elle se retrouvait à l’hôpital, ce qu’elle ne disait pas c’était qu’elle avait provoqué leur mort, elle les avait tué. Elle voulait pleurer, mais face à tant de monde, Ingrid parvint à se retenir.

Ingrid écarquilla les yeux en voyant l’autre adolescente parler, encore et encore et toujours et faire des remarques plutôt vexantes. Mais elle ne disait rien, trop soulagée de voir un visage familier. Elle ne craignait que si elle disait ce qu’elle pensait de la réplique de MJ, Keaton ne finisse par la laisser toute seule. Bien que réflexion faite, elle voulut ajouter quelques questions, parce qu’elle n’en revenait vraiment pas que cet homme qu’elle avait rencontré deux mois plus tôt allait devenir don médecin attitré.

Elle appréciait son geste d’attention, mais Ingrid resta bouche bée face à la confirmation de Keaton. Elle ne savait pas vraiment quoi dire, elle avait perdu l’habitude de parler. Depuis qu’elle était à l’hôpital ses journées se répétaient, s’alternant entre sommeil, cachés, crises et énervements parce qu’elle ne voulait pas qu’on la touche. D’ailleurs elle pensait vraiment les médecins stupides parce qu’ils se rendaient pas compte que plus la jeune fille se débattait plus son corps chauffait. Ils ne faisaient qu’empirer ce qu’elle craignait.

Puis elle émergea de ses pensées lorsqu’elle se rendit compte que MJ lui posait une question. Mis elle répondit en secouant négativement la tête. Et Keaton apporta de suite une réponse à la jeune adolescente survoltée. Ce après quoi il se leva. Mais Ingrid ne voulait pas le laissez partir aussi lui tint elle la manche avant de réaliser qu’il avait dit revenir.

L’adolescente se retrouva alors tout seule face à Mary Jane, mais celle-ci ne savait quoi dire. Pourtant elle se voyait mal rester muette face à quelqu’un qui connaissait Keaton. Elle sourit maladroitement, avec beaucoup de gêne, cherchant ce qu’elle pourrait bien dire.

« Tu es de la famille à Keaton ? »

Ingrid ne se rappelait pas si l’homme lui avait dit quel lien ils avaient. Au pire elle passerait pour une abrutie qui n’est pas capable de garder une information plus de dix minutes en mémoire. Au mieux elle avait engagé la conversation. Mes ses pensées n’y étaient pas du tout tournées. Au fond, elle aurait préféré peut être rester seule, même si Mary Jane avait une allure gentille et était avenante.
[b]

Pour l’adolescente, les hôpitaux étaient synonymes de maladies, de souffrances et de mort, donc c’était chiant d’y venir. Pourquoi était-elle là d’ailleurs ? Ah oui, elle voulait voir s’il y avait des blessés ayant assisté à l’échange. Oui bah, elle reviendrait peut-être un autre jour. Là elle commençait à en avoir assez de cette atmosphère chloroformée.

- Pourquoi penser aux autres ? Personne ne pense à moi ! Objecta-t-elle aux dires de Keaton.

Pas vrai ? Si bien sûr, l’adolescente en était persuadée. Qui se souciait d’elle, qui lui montrait de l’affection, qui s’occupait de savoir si tout allait bien dans sa vie ou pas ? Qui lui remontait le moral quand elle l’avait dans les chaussettes ? Pas de mère, un père inexistant, pas de petit ami, personne quoi. Ah si, il y avait Maxime avec qui elle s’entendait bien mais la jeune fille, plus âgée, n’était pas toujours disponible. Mary Jane ne l’assaillait pas trop. C’était l’une des rares personnes dont elle respectait l’intimité. La chipie savait que si elle la harcelait, elle l’enverrait sur les roses. Maxime, comme Mary Jane, aimait être indépendante. Ah oui ! Il y avait Morgan, mais avec lui ce n’était pas pareil, il était super gentil et complètement déjanté ; Mary Jane adorait « son Lololito » mais il avait sa vie et ses problèmes ; il n’avait pas beaucoup de temps à lui consacrer. Après elle avait des potes mais ils étaient là plus pour déconner que pour parler de choses sérieuses. Oh certes, certains admiraient la fille Holster et étaient à ses petits soins mais c’était par intérêt uniquement.

En tout cas Mary Jane restait persuadée que c’était plus facile de s’occuper de plantes que d’humains. Keaton pouvait toujours dire que sa comparaison était stupide, elle s’en fichait complètement. Enfin presque, à sa critique, elle leva les yeux au ciel d’un air de dire « cause toujours tu m’intéresses ».

Décidemment, à chaque fois qu’il était question de sa sœur, le fleuriste déviait sur autre chose. La première fois il n’avait pas répondu et maintenant en lui annonçait que c’était Tammy juste avant de se défiler. Pas grave, la chipe étonnée par cette révélation, remettrait le sujet sur le tapis plus tard, lorsqu’elle irait dormir chez Keaton par exemple. En tout cas, il laissait Mary Jane seule avec Ingrid. Et il disait qu’il voulait s’occuper d’enfants ! En attendant, là, il lui refilait le bébé en prétextant avoir des papiers à signer. Elle le regarda quitter la pièce en se demandant si ce n’était pas des bobards tout ça. Bref ! Ingrid lui avait posé une question qui ne manquait pas de la surprendre.

- Ah nnnnon ! Pas du tout. Je suis son amie. Répondit-elle toute fière de répéter ce que Keaton avait annoncé au petit Jimmy.

Tiens, il était passé où celui là ? Balayant la salle du regard elle repéra la petite tête d’ange en train de jouer tranquillement dans un coin. Lui au moins ne pleurait pas, il ne se plaignait pas, il embêtait personne. L’adolescente se demandait qu’elle genre de maladie il avait pour être souvent à l’hôpital. A l’occasion, elle poserait la question à Keaton.

- Et toi ? Pourquoi t’es là ? Demanda-t-elle en reportant son attention sur Ingrid tout en la détaillant du regard.
- Tu ne vas plus au collège ? T’as quel âge au fait ? Moi, j’ai 17 ans.

Ok, elle n’en avait que seize, mais Mary Jane aimait bien mentir sur son âge. Avec les garçons, elle disait même qu’elle était majeure, comme ça, ils ne lui cassaient pas les pieds. Avec les filles, c’était moins gênant mais quand même, c’était mieux d’avoir dix-sept que seize.

- Remarque, moi non plus je ne vais pas trop au collège. Les profs sont nuls. J’apprends rien avec eux. Je préfère être avec mes amis, enfin… si on peut appeler ça des amis. Bref. T’as des amis toi sinon ?

Keaton tournait le dos et partait, quittant la pièce sans un regard en arrière. Ingrid n’était ni rassurée, ni à l’aise mais cependant elle essaya de rompre le silence. La jeune Mary Jane lui semblait être sociable et sans gêne à la fois, aussi se dit elle qu’elle ne serait pas contre papoter. Et peut-être que ça lui changerait à elle, Ingrid, d’avoir une conversation et de paraître normale.

Mary Jane semblait jeune, très jeune, à vrai dire pas beaucoup plus vieille qu’elle. Elle avait le physique agréable et elle semblait être de bonne compagnie, bien qu’un peu trop culottée selon Ingrid. Mais les premières impressions ne sont pas toujours les bonnes. C’est ainsi que la jeune fille se lança, en demandant à MJ si elle était de la famille à Keaton. Mais ce n’était pas le cas… Ingrid aurait dû s’en douter en constatant les origines des deux.

« Tu as de la chance d’avoir Keaton pour ami » dit-elle pleine d’envie.

Mary Jane tourna les yeux à la recherche de quelqu’un, peut-être le petit garçon auquel Keaton avait parlait plus tôt. Ingrid se demanda alors si elle était si ennuyeuse que cela et se ratatina sur elle-même lorsqu’elle se fit asséner par les questions.

« Je l’ai dit tout à l’heure, mes parents sont décédés je n’ai nulle part où aller. Et comme la maison a été incendiée et qu’ils m’ont retrouvé au milieu d’un tas de cendre ils m’ont fait pleins d’examens et je suis suivie psychologiquement… » répondit –elle nonchalamment, aucune émotion ne transperçant sa voix ni même son regard vitreux «… J’ai 15 ans, et comme je suis ici non je ne vais pas au collège… »

Ingrid sourit face à l’entrain de Mary Jane. C’était peut-être le premier sourire qu’elle donnait à quelqu’un depuis des jours. Elles étaient les opposés, car même lorsque tout allait bien avant l’apparition de son fardeau, Ingrid était quelqu’un de calme et posé. Elle faisait des activités douces et intellectuelles, alors qu’elle voyait bien MJ se défouler dans un sport, ou alors à courir partout, ou parler à toutes ses amies sans relâche et sans fatigue.

« Non je n’ai pas vraiment d’amis… »

Cela ne faisait aucun mal à Ingrid puisqu’elle ne s’était jamais vraiment attachée à quelqu’un au point de l’appeler ami. Non pas qu’elle était associable, mais elle ne sortait pas beaucoup et doutait que les gens aiment l’avoir comme amie. Après elle s’entendait bien avec les gens en général, et pouvait sortir avec certains de ses camarades de collège mais cela n’allait pas plus loin. Et encore moins depuis que sa peau s’embrasait toute seule.

« Mais toi tu sembles être quelqu’un qui en a beaucoup non ? »

Ingrid se détendait mais elle ne pouvait pas s’empêcher de regarder vers la porte histoire de voir si le futur pédiatre ne revenait pas.

Avait-elle vraiment de la chance d’être l’amie de Keaton ? Ce n’était pas si sûr. C’était vrai qu’il était gentil avec Mary Jane et très patient ; bien plus que la plupart des personnes qu’elles croisaient. Mais même si elle faisait celle qui ne captait rien, elle avait compris qu’il ne souhaitait pas l’héberger. Pourtant ce serait une bonne solution pour avoir un toit où dormir sans avoir à croiser son paternel. Des amis comme ça merci ! La chipie, fière d’inspirer l’envie chez son interlocutrice, n’émit aucune objection. Elle acquiesça d’un petit hochement de tête accompagné d’un sourire et passa à la suite.

- Ah bah t’es plus jeune que moi alors ! Observa-t-elle en se grandissant afin d’avoir l’air un peu plus âgée qu’elle ne l’était.

- Ok t’es à l’hôpital en ce moment, mais tu n’y ais pas depuis que t’es née quand même ! Avant ton accident, t’allais bien au collège non ? Tu voudrais faire quoi plus tard toi ?

Mary Jane n’aimait pas l’école mais elle savait que c’était la case obligée par laquelle il fallait passer pour obtenir des diplômes et faire le métier souhaité. Cela dit, elle n’avait aucune idée du métier qu’elle aimerait exercer. En fait, elle n’avait pas du tout envie de travailler. Elle comptait sur l’argent de son père pour vivre. Il fallait bien qu’il serve à quelque chose celui-là au moins ! Tout comme les amis, c’était bien d’en avoir mais ce n’était pas évident de trouver les bons.

- Comme moi alors ! Constata-t-elle avec une pointe der regret dans la voix.

Peut-être qu’elle avait l’air d’en avoir beaucoup, mais c’était faux. Mary Jane n’avait pas de véritable ami ou amie. Depuis qu’elle avait été trahie par Anya, elle préférait éviter. Les deux adolescentes s’entendaient très bien, elles avaient fait les quatre cents coups et avaient pas mal de points communs. Puis un jour, Anya a rejoint les rangs de Genetic sachant très bien que Mary Jane luttait contre. Depuis, elles avaient rompu les ponts. A part Maxime, plus âgée, avec qui elle s’entendait bien, elle préférait ne compter sur personne. C’était la meilleure façon de ne pas être déçue.

- Les amis, ça va, ça vient. De toutes les façons, ils sont jamais là quand t’as besoin d’eux ! Par contre j’ai plein de potes. Si tu veux je t’en présenterais ? Bon ok, ils ne sont pas tous nés de la dernière pluie, mais au moins avec eux on rigole bien.

Mary Jane était indépendante. Elle avait l’habitude de se débrouiller seule, ou presque. Cela dit, elle aimerait bien avoir quelqu’un avec qui elle pourrait partager ses problèmes d’adolescente mais elle préférait ne pas y penser. Cette entreprise risquait d’être difficile. Il fallait obtenir la confiance de la chipie en plus de supporter ses frasques et son caractère. En attendant, Mary Jane trouvait Ingrid gentille et elle voyait bien l’embarquer dans une de ses virées nocturnes.

- Ca te dirait de venir avec moi un soir ? Tu dois sortir quand d’ici ? Remarque si c’est dans longtemps, c’est pas grave, je viendrais avec un pote et on t’aidera à faire le mur. Ca serait cool hein ! Ca te changerait les idées en plus. Proposa-t-elle avec enthousiasme.

Le pédiatre avait tourné les talons dans l'intention de se rendre au secrétariat de l'étage pour signer les derniers papiers. En franchissant le seuil de la salle de détente des enfants, il fut tenté de faire demi tour pour demander finalement à Mary Jane de l'accompagner, pour que Ingrid ne reste pas seule avec elle. Il se ravisa et se dit qu'en quelques minutes, l'adolescente ne pouvait pas avoir une mauvaise influence sur Ingrid. Sans doute même qu'elle partirait en courant aussitôt qu'elle ne l'aurait plus dans son champ de vision, juste parce qu'elle n'aimait pas les hôpitaux et trouvait ceux-ci morbides. Il la comprenait quelque part même s'il suffisait d'un peu de décoration, de peintures aux couleurs vives sur quelques murs pour rendre le lieu plus accueillant et moins chambre blanche.

Arrivé au secrétariat, il salua la jeune femme derrière le bureau, s'annonçant. Le sourire aux lèvres, elle sortit les papiers en question et les lui tendit. Il les prit et s'installa sur la chaise en face d'elle, les feuilletant rapidement. Il était question de salaire, d'heures supplémentaires qui ne seraient sans doute jamais payées, de congés payés qu'il poserait en dernier, vu qu'il arrivait seulement dans le service, si encore il en voyait un jour la couleur durant la première année. Une liste avec quelques protocoles à respecter...Il continua à feuilleter les pages rapidement, apposant sa griffe en bas de chacune d'elle. Il avait jeté un oeil au contenu mais celui-ci lui importait peu. Il voulait travailler, s'abrutir l'esprit au point que son travail prendrait le dessus sur sa vie privée. Une fois qu'il eut fini, il tendit les feuilles à la secrétaire, la salua et quitta le bureau, reprenant la direction de la salle de détente.

De loin, il vit que Mary Jane était toujours aux côtés d'Ingrid. Elle l'étonnait sur ce coup là, elle n'avait pas fui plus vite que son ombre. Il avança et arrivé sur le seuil de la porte, il marqua une pause. Il lança un coup d'oeil dans la direction d'un groupe d'enfants qui jouaient ensemble, sous la surveillance d'une infirmière. Il se dirigea ensuite vers les deux adolescentes. Ingrid lui faisait face, Mary Jane lui tournait le dos. Il arriva dans son dos au moment où cette dernière parlait de faire le mur avec un pote, et avec Ingrid ! Sa main se posa sur l'épaule de l'adolescente rebelle.

« N'y pense même pas à lui donner l'idée de faire le mur. Par contre, te proposer pour rendre visite à Ingrid durant son séjour à l'hôpital serait une bonne idée. Aussi bien pour l'une que pour l'autre. »

Quelle idée saugrenue venait-il de proposer, il aurait mieux fait de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de prendre la parole. Donner l'occasion à une adolescente rebelle de dévergonder une adolescente qui semblait sage. L'idée était risquée mais si Ingrid pouvait calmer un peu Mary Jane, il se disait également qu'un bon nombre de personnes lui seraient reconnaissantes. Lui le premier même s'il appréciait la tornade Holster.

Ingrid était une adolescente plutôt calme, même avant les derniers événements qui avaient complètement ravagés sa vie. Elle était désorientée certes, mais elle savait toujours où se situait le bien du mal. Et face à MJ, elle avait la sensation d’être le démon face à l’abeille folichonne. Mais Ingrid commençait à apprécier la jeune fille. Elle avait cet entrain qui la contaminait et qui lui faisait oublier le pourquoi elle était là, à l’hôpital. Enfin jusqu’à ce qu’elle lui pose des questions à propos de ça. Oui elle n’était pas à l’hôpital depuis qu’elle était née, et oui à l’époque elle avait des rêves, mais existaient ils toujours ? La tragédie n’avait-elle pas tout remis en cause ?

« Oui j’étais en 10eme avant l’hôpital, mais la tragédie a tout remis en cause, je ne sais pas ce qu’ils vont faire de moi et où je vais aller, ni même si je vais rester à Los Angeles. »

Ingrid avait la voix qui tremblait, sa tristesse recommençant à prendre le dessus. Elle adorait la photographie, elle avait fait beaucoup de portraits de sa famille et à présent tout était envolé, en fumée, dans les cendres de la maison dans laquelle elle avait grandi. Pourquoi ? Pourquoi devait-elle vivre avec ce fardeau toute sa vie durant ? Elle n’avait rien demandé, et surtout pas d’être un monstre. Et pour couronner le tout, elle n’avait pas d’amis, personne à qui se confier. Bien sûr l’adolescente n’était pas associable, mais elle ne se liait pas tout simplement. Par contre apprendre que Mary Jane n’avait pas d’amis la surprenait au plus haut point aussi fit elle des yeux tout ronds, la tristesse s’évaporant par la même. Mais elle n’eut pas le temps de faire une remarque, que la jeune fille, visiblement plus âgée qu’elle selon ses dires, lui proposait de lui présenter des potes à elle. Sur le coup Ingrid hésita franchement. Quels types de personnes une fille comme MJ pouvait elle bien fréquenter ? Ingrid avec son calme légendaire ne supporterait pas d’avoir à faire à des loubards de service. Puis avec son fardeau, il ne fallait pas qu’elle s’énerve au risque d’enflammer tout ce qui était autour d’elle… Mais l’idée de rencontrer des gens après tant de temps à l’hôpital la tentait vraiment, aussi acquiesça t’elle doucement de la tête.

Par contre l’idée de faire le mur ne plaisait pas du tout à la jeune fille, mais avant qu’elle n’ait pu dire quoi que ce soit, Keaton était déjà de retour, en train de réprimander Mary Jane. Ingrid avait voulu prévenir son interlocutrice à coup d’yeux ronds derrière elle, mais cela n’avait visiblement pas fonctionné et le mentor de MJ avait tout entendu. Ingrid sourit :

« Non Keaton je ne ferais jamais le mur… je n’aime pas ça et je risquerais de faire du mal aux gens… Mais je veux bien que tu viennes me voir Mary Jane si tu en as envie bien sûr… »

Peut-être qu’Ingrid en avait trop dit, mais elle avait parlé dans l’impulsion du moment, sans réfléchir. Puis Ingrid se leva et alla prendre la main de Keaton. Cette grande patasse qui faisait deux fois la sienne, était plus que rassurante.

« Keaton tu as pu faire tout ce que tu voulais faire ? Vous voulez manger avec moi Mary Jane et toi ? » Demanda t’elle le regard plein d’espoirs.

Et crotte de bique enrobée de chocolat ! Keaton était revenu au mauvais moment. Il avait entendu les derniers propos de Mary Jane. Si elle avait fait un peu plus attention aux mimiques d’Ingrid, elle aurait deviné le danger. Tant pis, c’était trop tard. Cependant Mary Jane ne se démonta pas. Elle savait très bien faire la faux-cul ou mentir. Elle opta pour la deuxième solution pensant que la première ne serait pas appréciée par le fleuriste. Il connaissait déjà trop la chipie pour savoir qu’elle avait beaucoup de défauts mais pas celui-là.

- Oh lalaaaaa Keaton, quel rabat joie tu fais ! Je blaguais enfin. Je voulais voir ta réaction. Je savais que t’étais derrière mon dos. T’es trop marrant en fait !

Elle sourit et ne répondit pas à la proposition du pédiatre. Rendre visite à Ingrid pendant son séjour à l’hôpital. Quelle idée saugrenue ! Elle n’était pas sœur Sainte-Marie-de-la-miséricorde, celle-là même qui avait perdu son odorat à force de fréquenter des lieux plein de microbes.

Pauvre Ingrid quand même ! Elle se retrouvait sans famille, sans savoir où aller et sans personne pour venir la voir. Si les services sociaux lui tombaient dessus, il l’enverrait directement dans un orphelinat. Mais non enfin ! On ne disait plus orphelinat Le politiquement correct avait remplacé ce gros mot par « centre d’accueil » ou « maison des enfants ou des adolescents » ou un truc du même style pour faire genre : ce n’est pas triste, la vie est belle et les petits oiseaux chantent. La belle blague ! Le nom ne changeait rien. Il était de notoriété publique que les centres d’accueils pour les jeunes sans famille ou dont la famille avait été démise de ses droits parentaux, fonctionnaient comme des prisons et non pas comme des hôtels, ni même comme des colonies de vacances.

Ingrid avait l’air gentil. Si elle allait dans un orphelinat, elle risquait de devenir le souffre douleur des autres méchants pas beaux qui en voulaient à la terre entière d’être nés sous une mauvaise étoile. En fin de compte, malgré le comportement de son père, Mary Jane se rendait compte qu’elle avait de la chance d’avoir un toit comparé à Ingrid. Une idée germa alors dans son esprit.

- Bah, t’as qu’à venir chez moi ! Proposa-t-elle avec entrain.

Il était étonnant de voir la fille Holster avoir de la sympathie aussi rapidement pour une fille de son âge. Ce n’était pourtant pas une proposition de gascon mais ce n’était pas par pure charité non plus. Mary Jane pensait aussi à sa petite personne. Si Ingrid acceptait de venir chez elle, la chipie se sentirait moins seule dans le grand appartement trop blanc et sans chaleur.

- Y’a mon chat, Mistigri. Il est trooop mignon. Il sera content d’avoir une nouvelle amie. Y’a mon paternel, aussi, mais c’est pas un problème. Il est trop occupé à faire des réussites ou à se morfondre dans son coin depuis qu’il a été viré de son job. En tout cas, faut pas que tu te retrouves au fin fond du Minnesota. C’est trop nul là-bas !

Pourquoi le Minnesota ? Sans raison ou alors parce que ce nom évoquait un trou perdu. Pour la jeune fille tous les orphelinats se trouvaient là où ils dérangeaient le moins la populasse, loin de tout. Donc pourquoi pas le Minnesota ?

- Hein c’est vrai que c’est trop nul là-bas ? Demanda-t-elle à Keaton sans lui laisser le temps de répondre.
- Donc ça c’est réglé. Tu vas venir chez moi et comme ça tout le monde sera content. Conclut-elle avec un petit sourire malicieux.

La proposition d’Ingrid étonna Mary Jane. C’était le milieu de l’après-midi et elle voulait qu’ils mangent avec elle. Pour le goûter ou pour le dîner ? Il était hors de question de rester jusqu’au soir. Ca sentait trop les produits pharmaceutiques.

- Ils t’ont rien donné à manger à midi ou quoi ? Remarque si on peut sortir de l’hôpital pour manger maintenant, moi, j’veux bien. Si Keat nous accompagne, ils ne pourront pas refuser que tu sortes un peu. Hein Keat ? Dit-elle en se tournant vers le pédiatre.

Il ne put s'empêcher de sourire devant l'effronterie de Mary Jane. Mais quel idiot il faisait, bien évidemment elle savait qu'il se trouvait dans son dos. Et bien évidemment elle venait de faire exprès de parler de faire le mur avec Ingrid. Et la marmotte, elle pliait le chocolat dans le papier aluminium... Décidément, Mary Jane l'étonnerait toujours. Elle avait un don pour sortir des histoires extravagantes et tenter de tirer son épingle du jeu. Peut être que cela fonctionnait avec beaucoup de monde mais pour le moment, lui n'était pas dupe. Il se contentait d'être très légèrement impressionné par le côté fonceuse de l'adolescente.

Comme l'idée qu'elle venait de formuler qui l'étonna également. Mary Jane proposant à Ingrid de venir loger chez elle. Mais depuis quand elle était altruiste et ne s'intéressait plus à son petit nombril et au centre de gravitation de celui-ci. Elle se mit à parler de son chat, chose qu'il zappa complètement pour ne pas l'écouter. Quand elle évoqua son paternel, il tendit une oreille en se disant qu'un jour il irait voir Holster. Peut être que le dirigeant déchu voudrait récupérer la place qui lui était dû. Quant à lui, il voulait récupérer Kate. Et la source de leur problème à tous les deux était commune. Elle se nommait Tussle. Par contre quand elle se mit à parler du Minnesota il ne comprit pas pourquoi elle parlait de cet état du Middle West des Etats-Unis. Mary Jane s'était déjà rendue à Saint Paul, Minneapolis ou une autre ville du coin ? Et voilà qu'elle se tournait vers lui pour lui demander confirmation, ne lui laissant même pas le temps de répondre. Quand il put enfin en placer une, il prit enfin la parole, c'est à dire quand Mary Jane décida de se taire l'espace de quelques secondes.

« Tes intentions sont bonnes Mary Jane, mais ça ne se passe pas comme ça hélas. Pour que Ingrid vienne chez toi, il faut que ton père en fasse la demande, et qu'il se soumette à tout un tas de questions qui détermineront s'il est apte à s'occuper d'elle ou non. »

Et du peu qu'il savait, Dunney Holster avait déjà du mal à s'occuper de sa propre fille. Alors s'occuper d'une seconde adolescente. Autant donner une arme chargée à l'homme pour qu'il se tire de suite une balle dans la tête.

La proposition d'Ingrid de manger avec elle l'étonna également. Ils étaient en milieu d'après midi et bien que les hôpitaux faisaient le service du dîner tôt, il n'était pas encore l'heure des repas. Cette proposition étonna également Mary Jane qui ne se gêna pas pour prendre la parole, et proposer autre chose. Il était tenté d'accepter mais quelque chose en lui bloquait. Il était encore trop tôt, beaucoup trop tôt pour qu'il reprenne un cours de vie normal et qu'il aille manger avec des adolescentes qui riraient et croqueraient la vie à pleines dents à côté de lui, alors qu'il n'avait qu'une envie, c'était retrouver Kate ou oublier.

« Une autre fois peut être. J'ai autre chose de prévu, je ne peux pas m'attarder là. Mais promis, on se fera un dîner ou un fast food tous les trois et c'est moi qui paierai. Je vous laisse le choix du lieu et du jour. Je m'arrangerai pour me libérer. »

Il se jetait dans la gueule du loup en proposant de supporter le temps d'un repas Mary Jane, mais en même temps, il n'avait pas le coeur à refuser si ça pouvait changer les idées à Ingrid. Et aussi vu que Mary Jane semblait faire des efforts pour paraître moins peste qu'elle ne l'était.

« Alors, c'est ok ? » fit-il à l'intention des deux adolescentes.

Ingrid était amusée par la situation. Keaton faisait le papa avec Mary Jane, et il semblait vraiment bien la connaître. Pourtant il semblait jouer son jeu, en quelques sortes. Mary Jane devait se douter que l’homme comprenait son petit jeu, sinon c’est qu’elle était bien naïve, mais c’était tellement mignon et marrant à la fois ! C’est alors qu’elle lui proposa de venir chez elle. Ingrid se sentit en joie, quelqu’un pensait à elle et voulait la sortir de là ! Mais à l’instant même où elle allait exprimer sa joie, Keaton intervint et sa peau commença à rougir au niveau de ses bras. Elle tira alors au maximum ses manches, comme ça on pourrait assimiler ce rosissement à de l’agacement ou de la honte tout simplement.

Ingrid en voulait à Keaton de lui enlever cet espoir, si mince soit-il, cette impression de renouveau. Mais après elle savait, on l’avait prévenu que le processus de sortie pouvait être compliqué et long. Les candidats devaient passer tout un tas de tests, et lorsque la jeune adolescente avait été mise au courant, elle avait complètement désespéré d’un jour sortir de ce maudit hôpital.

Alors préférant passer à autre chose pour ne pas que sa peau prenne une teinte cramoisie et qu’elle ne se fasse repérer par ses nouveaux amis, Ingrid leur proposa de rester manger. Alors même qu’elle était témoin de leur étonnement, l’estomac de la jeune fille gronda bruyamment.

« J’ai faim je ne mange que rarement la nourriture d’ici » répondit elle à Mary Jane.

Elle avait dû d’ailleurs perdre quelques kilos depuis son arrivée. Mais cette pensée dégagea vite fait bien fait de son esprit, et Ingrid baissa la tête lors du refus de Keaton. Elle n’arrivait pas vraiment à se consoler avec sa nouvelle proposition, parce qu’elle était dans l’euphorie du moment et qu’elle aurait donné n’importe quoi pour manger autre chose que la nourriture peu ragoûtante de la cantine de l’hôpital.

« Oui, comme tu veux… » dit-elle timidement et légèrement déçue à Keaton « mais tu crois qu’on peut aller manger dehors avec Mary Jane ? »

Ingrid redoutait la réponse, qu’elle pensait savoir d’avance, et c’est pourquoi elle s’éloigna un peu pour prévoir le départ de ses deux nouveaux compagnons, tirant toujours un peu plus sur les manches longues de son t shirt

« Merci Mary Jane pour ta gentillesse j’espère que nous nous reverrons bientôt » dit-elle avec un ton défaitiste, comme si le bonheur d’avoir découvert des gens sympathiques allait bientôt s’achever aussi soudainement qu’il était arrivé

« Keaton tu seras mon nouveau médecin à partir de quand ? » demanda-t-elle soudain à l’intéressé.

Ingrid ne connaissait pas beaucoup l’homme mais elle pouvait lire la gentillesse et la douceur sur ses traits, aussi avait-elle une impatience particulière qu’il s’occupe d’elle.

Evidemment que les intentions de la chipie étaient bonnes ! C’était un vrai petit ange… quand elle dormait. Cela dit, en proposant à Ingrid de venir chez elle, Marie Jane s’était montrée sincère. Ce serait tellement bien d’avoir une personne de son âge chez elle ! Rien que d’y penser, elle était toute excitée. Elle faisait déjà des plans sur la comète. Elle se voyait jouer les grandes sœurs et apprendre à Ingrid tout un tas de choses amusantes.

Les paroles de Keaton n’étant pas encourageantes, l’excitation joyeuse de l’adolescente se transforma en exaspération. Mais pourquoi diable fallait-il l’aval de son paternel ? Ca ne servait rien. Il ne s’occupait pas de sa fille, ce n’était pas pour s’occuper d’une autre adolescente. Jamais il ne ferait une telle démarche, surtout pour faire plaisir à sa fille. Par contre, demander le placement de sa progéniture ailleurs, loin de chez lui, ah ça, il ne serait pas le dernier s’il n’était pas aussi fainéant ! Ainsi, il n’aurait plus de soucis à se faire, si tant était qu’il s’en faisait, et il pourrait se morfondre sur son triste sort de vieux célibataire seul au monde, ou s’en satisfaire ! Mais comme il était riche, si quelqu’un s’occupait des démarches, les autorités ne feraient peut-être pas attention à ces broutilles. Ingrid aurait l’assurance d’avoir un toit et de quoi se nourrir. En plus, elle aurait une grande sœur toute prête à l’accueillir, et un chat. Et oui, c’était très important d’avoir un animal. Qui dirait le contraire ? Personne. Les enfants ayant du mal communiquer ou à dire ce qu’ils avaient sur le cœur, se confiaient toujours à leur animal domestique. Ils avaient au moins la certitude qu’il ne répèterait rien. Cela leur permettait de partager leur joie mais surtout d’extérioriser leurs souffrances. Combien d’enfants et d’adolescents avaient été sauvés par une présence animale ? Plein ! Des adultes, des papis et des mamies aussi. Alors, que pouvait-il y avoir de mieux que ça ? Aux yeux de l’adolescente, rien.

- On n’a qu’à rien demander du tout. Est-ce qu’ils nous demandent, à nous, ce qu’on veut ? Non, alors pourquoi ils décideraient pour nous ? En plus, ils ne nous connaissent même pas. Ils font genre des enquêtes… tu parles, c’est pas en deux ou trois heures qu’ils peuvent tout savoir sur la situation de quelqu’un. Et puis, j’veux pas dire, mais il y a plus d’adultes en prison que de jeunes. Alors, hein ! Ils sont mal placés pour faire la morale et se prendre pour des dieux. Regarde ici, ce que les adultes font avec Ingrid ! Baaaah, ils font rien. Tu ne vas pas me dire qu’ils sont aptes… Ils lui filent de la merde à manger et ils la laissent dans un coin comme si c’était un objet… Elle est trop grande pour être avec des gamins comme Jimmy. Lui le pauvre, il est trop petit, il ne se rend compte de rien. Pas étonnant qu’elle soit toute gnangnan…

En s’excitant comme une puce atteinte de la rage, Mary Jane ne mesura pas ses paroles. Elle se pinça les lèvres après sa dernière phrase ; elle réalisait que ce n’était pas très sympa pour Ingrid. Mais bon, c’était vrai et ce n’était pas de la méchanceté envers la jeune fille. Elle ne s’excusa pas pour autant. Faire des courbettes et dire qu’elle était désolée alors que ce n’était pas vraiment le cas, ce n’était pas dans ses habitudes. D’ailleurs même lorsqu’elle était réellement désolée, il était rare qu’elle l’admette ouvertement.

- Bref ! C’est n’importe quoi tout ça ! C’est pas parce qu’on est plus jeune qu’on ne sait pas ce qui est bien pour nous. N’est-ce pas Ingrid ?

Voici encore la preuve que les adultes n’y comprenaient rien. Ingrid, qui avait l’air plutôt coincée, avait proposé de manger ensemble. Ce n’était pas pour rien. Elle avait faim et elle avait certainement envie de s’échapper de cet univers morbide. Mary Jane l’avait compris et avait accepté sans problème. Par contre, Keaton avait ajourné sa demande. Il avait autre chose de prévue ! A d’autres. Il n’en avait rien à faire en fait et surtout il ne voulait pas se coltiner deux adolescentes d’un coup. Si vraiment le sort d’Ingrid l’intéressait, il pourrait très bien modifier ses plans, s’il en avait vraiment. Qui avait-il de plus urgent que de sauver de la détresse une adolescente en mal de vivre ?

- Bah moi, j’suis pas ok ! Enchaîna-t-elle juste après le « comme tu veux » d’Ingrid.

Mary Jane avait l’impression de rêver. Non seulement Ingrid n’était pas contrariante malgré la déception qui pouvait se deviner aisément, mais de plus elle n’était pas rancunière. C’était un bon point pour devenir amie avec la fille Holster.

- Mais bon, je sais que tu t’en fiches complètement… Lança-t-elle au pédiatre d’un air dégoûté.

Jusqu’à présent, le fleuriste s’était toujours montré gentil avec Mary Jane, au point qu’elle aimait bien être en sa compagnie. Mais là, de le voir agir ainsi avec Ingrid, elle le voyait sous un nouveau jour. A tous les coups, c’était la saleté de Kate qui avait déteint sur lui. Il trainait trop avec elle ces derniers temps. Avant que Keaton ne réponde à la dernière question d’Ingrid, Mary Jane s’approcha de cette dernière.

- J’vais revenir t’inquiète. Murmura-t-elle à l’oreille de l’adolescente tout en lançant un regard de travers et un sourire narquois à Keaton.

Puisque les adultes étaient bons à rien, la chipie les remplacerait le temps d’un repas. Elle reviendra voir Ingrid dès que le futur pédiatre sera parti. Elle trouvera un stratagème pour quitter les murs de l’hôpital quitte à soudoyer un aide-soignant ou un brancardier. Les deux jeunes filles ne feront pas de mal, elles iront juste manger quelque chose à la brasserie du coin. Personne ne les tuerait pour ça !

- Pour être bon parfois, il faut cesser d’être honnête. Lança-t-elle à ses deux interlocuteurs avant de tourner les talons pour quitter la pièce.

*Débrouillez-vous avec ça*

Il aurait peut être du laisser croire à Mary Jane que la proposition qu'elle avait faite à Ingrid était réalisable. Ce fut ce qu'il se dit quelques secondes quand il la vit commencer à s'exciter. L'adolescente n'avait pas tort, bien au contraire sur certains points il ne pouvait que lui donner raison. Mais silencieusement. Il appartenait au monde des adultes qu'elle n'aimait pas beaucoup et il était hélas de son devoir de la ramener à la réalité pour lui dire que tout ne pouvait être aussi simple. Elle continuait à parler, il la laissa faire jusqu'à ce qu'elle traite Ingrid de gnangnan. Il lui lança un regard qui en disait long sur son comportement, espérant qu'elle s'excuserait d'elle-même. Ce qu'elle ne fit pas. Mary Jane Holster dans toute sa splendeur, n'assumant qu'à moitié ses actes et incapable de s'excuser.

« Toujours aussi prompt à t'excuser Mary Jane. Une chose qui a du mal à changer n'est-ce pas ? »

Il parlait aussi bien pour cet instant que pour le jour où elle s'était amusée à ravager le devant de sa boutique de fleurs. Il n'avait pas souvenir d'avoir eu des excuses. C'était limite si ça n'avait pas été à lui de d'excuser auprès d'elle de ne pas avoir appelé son père ou de ne pas avoir prévenu la police pour porter plainte. Toute une éducation à refaire cette gamine. Au petit air dégoûté qu'elle lui adressa, il répondit par un petit soupir excédé. Si elle continuait ainsi, elle allait lui faire regretter sa proposition de fast food à trois. Il préféra ne pas répliquer pour se tourner vers Ingrid et répondre à la question qu'elle lui avait posé.

« Dans trois jours je prends mes fonctions. Il ne te reste plus beaucoup de temps à patienter. » fit-il en lui adressant un petit clin d'oeil.

Mary Jane s'avança ensuite pour murmurer quelque chose à l'oreille d'Ingrid qu'il n'entendit pas. Il sentait qu'il ne valait mieux pas car au regard qu'elle lui adressa, il faillit avoir des envies de l'étrangler de ses propres mains. Du calme Keaton, il était hors de question qu'une gamine aussi adorable et insupportable soit-elle réussisse à faire péter la cocotte minute qu'il était...

« Et pour être bon parfois, il faudrait commencer déjà par apprendre à s'excuser.... » marmonna-t-il entre ses dents en regardant la peste quitter la pièce.

C'était comme si un ouragan était passé et qu'il ne restait que les vestiges de la tempête. Keaton soupira en se disant que moins il croisait Mary Jane et mieux il se portait. Il détoura ses prunelles de l'ouverture de la porte pour reporter son attention sur Ingrid.

« Je dois y aller. Soigne-toi bien et à dans trois jours Ingrid. Ne laisse pas ce qu'a dit Mary Jane t'atteindre. Un jour elle grandira... »

Peut-être dans vingt ans mais l'espoir était permis. Il sourit à l'adolescente puis pris congé à son tour, quittant la pièce. Il devait se rendre dans les quartiers de Genetic, passer un moment avec Moïra, en espérant qu'il y aurait de l'amélioration à son état.

Ingrid était spectatrice d’une scène qu’elle n’aurait jamais cru vivre encore le matin même. Comme Mary Jane elle était vraiment déçue que Keaton s’en aille et refuse de manger avec elles maintenant, mais d’un autre côté elle pouvait comprendre…puis ça ne devait pas être génial de manger en compagnie de deux adolescentes ! Bien qu’au fond un pédiatre devait avoir la patience de supporter deux adolescentes. Bref quoi qu’il en soit, Ingrid ne comprenait pas vraiment la réaction de Mary Jane quand celle-ci rabroua Keaton d’une manière assez farouche. Après tout elle ne les connaissait pas et elle ne savait pas ce qui les liait, mais visiblement Mary Jane désapprouvait certaines des manières de son mentor. Pour rassurer la jeune femme, et lui signifier que ce n’était pas grave, Ingrid posa une main sur l’épaule de Mary Jane. Une main incroyablement chaude d’ailleurs.

« Ne t’en fais pas Mary Jane, ce n’est pas si terrible »

Ingrid ajouta un sourire pour accompagner ses mots. Mais déjà Mary Jane venait chuchoter à l’oreille de la jeune pyromane. Elle viendrait la chercher après ? Ingrid haussa un sourcil, surprise par les paroles de la jeune femme mais ne put s’empêcher de sourire à l’idée de sortir enfin de l’hôpital. Et d’un autre côté elle doutait aussi que Mar Jane puisse s’accomplir. Enfin, elle verrait.

Keaton quant à lui informa Ingrid qu’il prendrait ses fonctions trois jours plus tard. Et de quelle manière indescriptible Ingrid montra sa joie. Elle avait littéralement sauté de joie sur place. Elle savait bien que ce n’était pas raisonnable, et que peut-être il ne serait pas si gentil avec elle, mais sa rencontre avec Clara lui avait remonté le moral. Elle était la seule qui avait compris qu’Ingrid ne voulait pas être touchée. Enfin, l’instant de bonheur touchait à sa fin, ainsi que la joute verbale entre Keaton et Mary Jane.

Avant que Keaton et Mary Jane se soient totalement enfuis par la porte battante de la salle de détente pour les enfants, Ingrid alla les serrer fort dans ses bras chauds.

« Merci pour la visite même si ce n’était pas prévu ! Je ferais attention promis et revenez quand vous voulez surtout ! »

Une petite larme coula sur la joue de la jeune fille, son air joyeux qui était furtivement passé sur son visage pendant cette entrevue, soudainement disparu !

La jeune adolescente était alors retournée dans son coin l’après-midi promettait d’être bien long. D’autant que les enfants plus jeunes venaient souvent la voir, ne comprenant pas pourquoi elle était isolée, et même si ça lui faisait mal au cœur elle les repoussait sans cesse. Ingrid essayait tellement de cacher l’état non naturel de sa peau, qu’elle en était devenu presqu’un fantôme hantant la pièce. Quelle surprise cela avait dû être pour tout le monde de la voir et parler, et sourire, et surtout serrer quelqu’un dans ses bras.

Plus tard dans l’après-midi, Ingrid qui était dans ses pensées, le visage étrangement dépourvu d’expression et le regard dans le vide, elle fut surprise par le retour de Mary Jane. La jeune fille avait tenu sa promesse, et avait raccroché un sourire sur les lèvres d’Ingrid, à présent angoissée par ce qu’elles allaient faire. Il faudrait surement calmer un peu la témérité de la jeune fille qui venait la soutenir, et qui l’avait défendu face à tous ces adultes qui ne comprenaient pas toujours son comportement. Une nouvelle amitié naissait.