Je n'avais aucune envie de participer à cette journée d'accueil des nouveaux professionnels. Je ne me considérais pas comme nouvelle dans cette structure... J'y avais même fait les belles heures de la chirurgie cardio-thoracique. Sauf que tout ça c'était 10 ans en arrière et que mon nom n'avait pas brillé ici depuis trop longtemps.

J'avais rencontré le directeur des affaires médicales et le chef de chirurgie et ils m'avaient convié à cette foutue rencontre. Pas du tout mon truc que de socialiser avec les collègues encore moins avec tous ces bébés docteurs tout juste sortis de la fac...
Lou était en sécurité avec sa nouvelle nounou, cette Amelia m'inspirait confiance, ce qui était rare, d'autant plus quand ça concernait ma fille. Elle semblait fiable, mais je regrettais presque Genetic quand je me rendais compte que je ne savais d'elle que ce qu'elle voulait bien m'en dire. C'était rare que je pense à cette période de ma vie et aux fichiers associés.

C'était une page que j'avais tourné au moment ou Lou avait poussé son premier cri. Impossible de continuer dans cette voie dans laquelle je m'étais finalement fourvoyée... J'avais depuis suivi une psychothérapie à Londres. Je détestais les psychologues depuis des années et pourtant il m'avait bien aidé à faire le point sur ce que j'étais.

Je n'aimais pas les psychos parce qu'ils se pavanaient partout comme en terrain conquis alors que l’hôpital pouvait s'en problème tourner sans eux... Bon ils me dérangeaient surtout parce qu'ils avaient tendance à essayer de me percer à jour et que je n'aimais pas ça du tout. La présentation allait bientôt commencer, puis on allait peut être faire l'appel et nous faire visiter ? Ces cons misaient sur la nostalgie du collège ? Chiant, chiant, chiant et re-chiant.

J'étais perdue dans ces pensées depuis un petit moment quand je remarquais un homme qui entrait un café à la main.
Lui je le situais, chef du département de psychiatrie. Il l'était déjà à l'époque quand j'avais la chefferie de cardio. Maintenant c'était un type qui avait été mon interne et j'en tirais une certaine fierté tout en me demandant comment j'allais travailler « sous ses ordres ».

J'allais détourner le regard de monsieur le feignant de psychiatre quand mon sang se glaça en voyant qui le suivait.
Je n'avais pas été recrutée par Genetic pour rien, pas formée au terrain pour rien non plus... Je n’oubliais jamais un visage et même avec une décennie de plus Barbie blonde n'avait pas beaucoup changé. C'était quoi son nom déjà ? Je l'avais lu dans les fichiers à l'époque... Qu'est ce qu'elle me voulait ? Qui l'envoyait ? Elle était fichée dans la catégorie « recherches prioritaires » parce qu'elle gravitait autour d'O'Hara et je m'en souvenais parce qu'elle était là le jour de l'attaque de Genome... J'avais accouché ce jour là... C'était sûrement la journée la plus étourdissante que j'avais vécu. Trop pour une seule journée, trop pour une seule personne...

Je me revoyais à me tordre de douleur une arme à la main... Pour la première fois j'avais peur, mais pas pour moi... A cette époque ma vie n'avait plus de sens et plus grand intérêt, mon cœur était en miettes...
Machinalement je me passais la main dans les cheveux, comme pour vérifier qu'ils étaient toujours là... Quand ma relation avec Keaton avait explosé en vol j'avais craqué et massacré ma chevelure. Depuis ils avaient repoussé et je tenais beaucoup à mes jolies boucles blondes.

Morgan, voilà c'était ça, Emy Morgan, un bien beau prénom d'ailleurs... La question était maintenant de savoir si sa présence avait un quelconque rapport avec mon retour ou si ma parano n'avait pas lieu d'être. Qu'elle s'approche trop près de ma princesse et je lui ferais sauter le caisson sans sourciller. N'allez pas croire que mon séjour Londonien avait totalement changé ma nature. J'avais compris qui j'étais, fait le point, et finalement ça m'avait peut être rendu plus dangereuse encore. Je me levais et m'arrangeais pour me trouver dans le dos de Miss Morgan. Je m'assis tout simplement un rang derrière elle. Alors que le premier intervenant prenait la parole je me penchais pour chuchoter à son oreille.

  « Morgan, putain, mais qu'est ce que vous foutez là ? »

Abrupt me direz-vous ? Oui probablement, mais ça permettait souvent d'obtenir des réactions intéressantes et puis je n'avais aucune envie d'être douce ou gentille avec cette nénette.


Dés :
Oui --> Bob Danes, le recruteur ne capte rien et reste suspendu aux lèvres du quelconque directeur qui déblatère.
Non--> Toujours aussi con ce psy il va se mêler de la suite

Le membre 'Kate Reynolds' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

---

'Oui/Non' :

Le membre 'Emy Rosenbach' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

---

'Oui/Non' :

Bien sur j'avais pensé aux risques en revenant, pesé le pour et le contre mais en voyant cette petite blondasse tout me revenait en plein visage.
Étonnamment elle m'affolait plus qu'un groupe d'hommes armés... Sans doute parce qu'en général les escouades surentraînées étaient plutôt de mon coté fallait avouer.
Je l'abordais frontalement sans me soucier du connard à sa gauche dans l'idée de voir si elle était là pour moi ou non ? Ce fut efficace. Personne ne pouvait jouer la surprise avec autant de brio sans en avoir fait son métier. Elle hallucinait et je perçus le tremblement de ses mains avec délectation. Manifestement ce souvenir du bon vieux temps n'était pas plus souhaité de son coté que du mien.

« Vous devez faire erreur Docteur Reynolds, il s'agit de madame Rosenbach qui est en visite dans notre hôpital », répondit Bob Danes avec un sourire facétieux. « Le docteur Rosenbach est spécialisée en psychotraumatologie, nous envisageons de la recruter. Vous vous connaissez? » continua-t-il sans s'interrompre.

Bah non tête de nœud si je viens la voir et si elle sursaute en découvrant ma gueule c'est bien entendu parce qu'on ne se connaît pas.

   « Toujours aussi fin analyste Bob. »

Les rouages de mon esprit tournaient à plein tandis que j'attribuais à Bob mon sourire le plus faux.
Rosenbach... Ce nom me disait quelque chose.
Je laissais le soin à Rosenbach de lui répondre sur le fait que nous nous connaissions ou pas. J'étais intéressée de savoir comment elle allait justifier ça. Je notais dans un coin de mon esprit qu'elle était de la race que j'abhorrais. Psychologue, et dans les psycho-traumas en plus... Fallait être un peu malade pour vouloir entendre des horreurs à longueur de journée.

« Nous nous sommes effectivement déjà croisées bien avant que je ne devienne madame Rosenbach »

Elle se réveillait, et elle avait repris du poil de la bête manifestement le contrôle revenait.
Elle se permettait même de me défier du regard.
Mes yeux se plissèrent, je n'avais jamais aimé qu'on me cherche. Rosenbach, mais oui madame Rosenbach. Ce nom fit titl. Arne Rosenbach ! Neurochirurgien émérite, un vieux beau tout plat tout sage tout calme... Je l'avais rencontré des années auparavant lors d'un congrès de chirurgie.
Information engrangée, à voir si elle pouvait me servir contre la demoiselle. Après tout il n'était pas le seul Rosenbach de cette foutue planète même s'il était sans doute le plus célèbre dans le moment.

« J'étais même présente lorsque le docteur Reynolds a eu les premiers signes de son accouchement. L'enfant doit avoir dix ans maintenant si je ne m'abuse. Nous sommes presque de vieilles amis voyez-vous. Alors, fille ou garçon ?»

J'entendis cette phrase et mon cœur s’arrêta, en tout cas il manqua un battement avant de reprendre en un mouvement désordonné qui résonna dans mes oreilles. Cette garce menaçait ma fille ? Je ne rêvais pas ? Elle venait de signer son arrêt de mort. Ma mâchoire se serra et mes yeux reflétèrent toute la haine possible tandis que mes poings se serraient. Je devais me calmer... Jouer cela calmement, l'éloigner de la piste de Lou...

   « Votre petit mari ne vous a pas appris la décence ? Cet enfant dont vous parlez n'a pas survécu à cette journée du 30 Avril. Comme un certain nombre de vos amis je crois ? »

Prononcer cette phrase me faisait mal, horriblement mal. Dire que j'aurais pu la perdre ? La prunelle de mes yeux ? Ma seule et unique raison de vivre depuis 10ans ?
Évoquer sa mort... C'était horrible, odieux, mais ça pouvait aider à la protéger de cette salope. Rendre coup pour coup je maitrisais depuis bien des années.

**Menacer un enfant ? Même moi je ne me serais pas abaissée à ça.**

« Je vous laisse donc à vos retrouvailles ! Docteur Rosenbach, je vous revois après la réunion dans mon bureau ! J'espère que vos prochaines retrouvailles seront un poil moins agressive, que vous continuiez à envisager notre hôpital !».

Danes quitta la pièce sans autre forme de procès et je le suivis du regard avec l'envie de lui planter une lame entre les deux yeux.

   « Je crois que vous ne savez pas à qui vous avez à faire pour oser me menacer aussi grossièrement. »

J'avais repris la parole d'une voix glaciale, pourtant je bouillonnais à l'intérieur. J'avais envie de lui arracher le visage avec mes ongles. Je ne savais pas ce que je devais faire et c'était assez rare pour être noté. Je le masquais avec une fausse assurance de façade mais elle avait tapé pile ou ça faisait mal et d'entrée de jeu en plus.

**Lou, ma princesse, qu'elle touche à un seul de tes cheveux, qu'elle s'approche de toi et je la tuerais. Je le jure sur ce que j'ai de plus précieux, c'est à dire toi.**

Une phrase répétée en boucle dans mon esprit comme si ça suffisait à tenir ma petite fille hors de la route de ces gens. Elle ne devais pas payer pour ce que sa mère avait fait... Elle était innocente, joyeuse et douce, tellement douce, elle ne voyait que le beau et le bon chez les autres, elle ne pourrait pas se défendre face à eux. Mais je serais là et ils devraient me passer sur le corps avant de lui faire quoi que ce soit.

Bob était parti et c’était une très bonne chose tant j'étais sur le point d'exploser.
Cette espèce de petite peste voulait jouer de la menace ? Contre moi ? Je n'avais jamais été un modèle de calme et de retenue quand on m'attaquait frontalement. Je n'avais d'ailleurs jamais compris le surnom qu'on me donnait à Genetic : la reine des glaces. J'étais plus volcanique que glaciale, en tout cas c'est ce qui me semblait... Quoique le blizzard c'est de la glace mais ça me va bien en terme de capacité de nuisance.

« Détendez-vous Reynolds, vous perdez la main. » souffla la peste tout en fixant le pauvre type qui déblatérait sur la neurologie.

« Je ne suis qu'en visite ici et je ne compte pas y rester plus que nécessaire. Quant à votre fille, je n'ai jamais touché à un enfant et je ne compte pas commencer maintenant. En fait, je n'ai même jamais voulu de mal à qui que ce soit, c'est plutôt Genetic qui tend à verser dans les larmes et le sang non? Et dans le mensonge aussi. Celui devant le recruteur va être difficile à expliquer.»

Arrêt sur image, on rembobine... Comment pouvait elle savoir pour Lou ? Je venais de lui annoncer la mort de mon enfant à naître et elle savait que c'était une fille ? Plusieurs options : soit j'étais fichée par je ne savais quelle entité et ma fille l'était aussi soit il y avait une explication moins cartésienne et cette fille avait une capacité qui lui permettait d'en savoir plus. Je devais en avoir le cœur net.

« Le recruteur ? Vous pensez vraiment que ma situation dans cet hôpital dépend d'un type comme Bob ? »

Je laissais échapper un rire de gorge dédaigneux parfaitement joué.

« Maintenant, si vous voulez qu'on ait une discussion, nous pouvons sortir. Je ne sais toujours pas me battre, je suis attendue et mariée à une personne influente comme vous le savez. Ou alors, vous pouvez me foutre la paix et retourner dans votre grotte.»

Une grotte hein ? Cette gamine devenait presque marrante. Les boy-scout campaient dans les grottes pas les méchants loups, encore moins pour les louves. Je n'avais jamais renoncé au luxe et n'allait pas commencer maintenant. J'allais lui répondre vertement quand elle sortit son téléphone. Coup d'oeil instantané pour découvrir le visage d'une gamine aux cheveux blons avec des cheveux raides. Le même âge que Lou à peu de choses près, prénom : Kris.

Pendant qu'elle remettait son téléphone dans sa poche je souris en coin avant de me pencher en avant posant ma main sur son épaule.
Je laissais un doigt traîner jusqu'à son cou, geste qui pouvait passer pour une menace, ou une provocation mais qui me permettait surtout de toucher sa peau. Petit pétillement électrique et je prenais possession de sa capacité, je retirais donc ma main tout doucement tout en reprenant la parole.

« Une bien jolie petite fille, votre Kris. Vous avez raison, cette présentation m'ennuie , nous devrions sortir et faire plus ample connaissance. »

Ceci dit je me levais tout en activant la capacité que je venais de copier. Mauvaise idée... Un flot de pensées m'assaillit sans que je ne puisse définir la source de ce maelstrom... Off, heureusement qu'avec le temps j'avais appris à me couper efficacement des capacités que je copiais. Cette petite blonde avait un don suprêmement intéressant. Depuis toutes ces années je n'avais encore jamais rencontré de télépathe... J'imaginais bien que ça existait avec tout ce que j'avais déjà vu mais je n'en avais jamais vu. C'était un don merveilleux, tellement pratique pour se protéger des autres mais tellement dangereux... Elle pouvait lire dans ma tête... J'avais pour habitude de jouer la comédie, de mentir, de me protéger des autres en ne montrant jamais ce que je ressentais au fond et cette fille pouvait voir clair en moi ?
Je ne savais pas si elle me suivait et je ne savais plus trop si je le souhaitais... Comment on faisait pour ne pas qu'elle puisse lire ? Comment on faisait pour l'en empêcher ?

« Le recruteur ? Vous pensez vraiment que ma situation dans cette hopital dépend d'un type comme Bob ? » Reynolds soulevait un point intéressant : Emy ne savait rien d'elle, ni de la situation. Cinq minutes auparavant, elle ne connaissait même pas son vrai prénom. Elle n'était qu'une silhouette indistinct marquée du nom de Genetic. Apparemment médecin et mère. Il fallait quand même un sacré courage ou une bonne dose d'abnégation pour faire un enfant à une femme comme elle.

L'appel de Kris était tombé au mauvais moment, Emy s'était douté dès qu'elle avait vu le nom de sa belle-fille apparaître à l'écran que la catin de Genetic en profiterait. Nul besoin de lire dans les pensées pour en tirer les bonnes conclusions. Reynolds effleura son cou d'un doigt tandis qu'il remettait son téléphone dans son pantalon et la psychologue fut prise d'un frisson. Elle avait l'impression d'avoir été plongée dans l'eau glacée, juste avant qu'une petite décharge électrique se fasse sentir. Que faisait cette garce ? Elle n'eut pas le temps de s'interroger davantage puisque la catin de Genetic lui confirma qu'elle souhaitait qu'elles s'entretiennent en privé.

Sans un mot, Emy la suivit et fut étonnée de constater que Reynolds se crispa pendant une seconde. Elle chassa cette constatation de ses pensées et avança vers la porte de sortie de la salle. Que pouvait-elle dire à une femme avec qui elle ne partageait rien ?
Elles arrivèrent rapidement dans un couloir désert et Emy fit face à son adversaire. Elle leva les mains en signe de paix et se lança : « Elle s'appelle Kristin. Elle va avoir douze ans. Ce n'est pas ma fille, sa mère ne voulait pas d'un enfant. C'est invraisemblable, non ? Avoir eu une enfant aussi doucement et espiègle que Kristin et ne pas avoir envie de passer chaque minute de sa vie avec elle. Elle a accouché et puis, elle a fait ses valises. Elle est PDG d'un grand groupe en Chine. Elle ne voit jamais sa vie. Je suis la seule figure maternelle qu'elle a dans sa vie. Je ne dirai pas que je suis sa mère, mais je l'aime comme si c'était ma fille. » Des études montraient qu'en cas d'agression directe, souvent avec des armes à feu, parler de soi à son agresseur permettait à la victime de s'échapper. Emy comptait dessus, même si Reynolds était bien plus dangereuse qu'une arme à feu. Alors, Emy parla. Elle lui raconta tout sur Kristin. Enfin, en partie. Elle aurait pu lui raconter comme elle avait eu peur la première fois qu'Arne la lui avait présentée. Elle aurait pu lui raconter les câlins sous la couette. Les matins où elles se disputaient à cause de l'école. Mais elle lui raconta le reste. « Si nous en arrivons à menacer nos enfants respectifs, cela ne va rien donner de bon. L'escalade de la violence. Vous n'aviez pas envie de tomber sur moi, vous avez hanté mes nuits pendant des mois. Alors, nous devrions en rester là, vous ne pensez pas ? »

Et elle pria pour que Reynolds ne soit pas aussi vindicative qu'elle en avait l'air et qu'elle accepte.

Menace pour menace, puéril sans doute mais assez agréable de la sentir se crisper tandis que j'effleurais sa peau. Je n'avais plus aucune raison de rester dans cette foutue présentation et je le signifiais clairement. Je me levais et ouvrais la porte à mon don.
Des capacités mutantes diverses et variées j'en avais copié des dizaines peut être même plus... Mais rien d'équivalent à ce qu'avait cette gamine. C'était un tumulte qui venait de m'envahir et je me coupais de la capacité en m’arrêtant quelques secondes le temps de reprendre mes esprits.

J'étais toujours foutrement énervée mais j'étais aussi fascinée et j'avais hâte de découvrir comment fonctionnait ce don. J'avançais droit devant et passais rapidement les portes battantes de la salle. L'air frais du couloir me fit beaucoup de bien et me permis de reprendre un peu mes esprits.
Cette fille avait tapé ou ça faisait mal uniquement parce qu'elle se souvenait de moi du jour de l'effondrement de Genome et que ce jour je ne pouvais pas l'oublier parce que c'était celui de la naissance de Lou et de ma renaissance.

Je me retournais sans trop savoir si elle serait là ou pas et je la découvris les mains levées en signe de reddition ou bien de paix, allez savoir ? La paix était un concept que je n'avais jamais manié avec précision alors que voir des gens rendre les armes je connaissais. Elle ouvrit la bouche la première et je l'écoutais attentivement essayant de voir si je pouvais m'y fier ou non.

« Elle s'appelle Kristin. Elle va avoir douze ans. Ce n'est pas ma fille, sa mère ne voulait pas d'un enfant. C'est invraisemblable, non ? Avoir eu une enfant aussi doucement et espiègle que Kristin et ne pas avoir envie de passer chaque minute de sa vie avec elle. Elle a accouché et puis, elle a fait ses valises. Elle est PDG d'un grand groupe en Chine. Elle ne voit jamais sa vie. Je suis la seule figure maternelle qu'elle a dans sa vie. Je ne dirai pas que je suis sa mère, mais je l'aime comme si c'était ma fille. »

Elle semblait sincère, mais ça n'était pas vraiment un gage de sécurité. J'en étais encore à analyser ce que j'avais envie ou non de répondre quand elle reprit la parole.

« Si nous en arrivons à menacer nos enfants respectifs, cela ne va rien donner de bon. L'escalade de la violence. Vous n'aviez pas envie de tomber sur moi, vous avez hanté mes nuits pendant des mois. Alors, nous devrions en rester là, vous ne pensez pas ?  »

J'étais extrêmement concentrée et j'ouvris de nouveau la petite porte dans mon esprit celle que je me représentais mentalement pour prendre le contrôle de ma mutation. C'était une image mentale qui me permettait de m'en couper assez efficacement tant que j'étais raisonnable ce qui n'était pas toujours le cas. C'était tellement bizarre, je percevais des bribes de pensées qui faisaient écho à ce qu'elle racontait... des câlins sous la couette... de la tendresse...
Des sentiments doux amers... C'était fascinant si on exceptait l'horrible mal de tête qui surgissait encore plus rapidement que les pensées de mon interlocutrice. Je grimaçais avant de planter mes yeux dans les siens.

« En rester là ? Pas déjà... »

Je secouais mes longs cheveux avant de me concentrer de toutes mes forces sur cette capacité que je sentais vibrer au fond de moi. Je voulais vraiment bénéficier de son don en réponse à ma prochaine question. Je fronçais les sourcils et un rictus de douleur traversa même mon visage.

« Est-ce-que votre présence ici à le moindre lien avec moi ou avec Genome et Genetic ? »

Des noms que je n'avais pas prononcé depuis si longtemps... Qu'on aurait pu croire oubliés... On pouvait travestir une pensée ? Une pensée consciente ? Mmm si on considérait que le conscient était nourri par l'inconscient c'était sans doute ce qui se passait à chaque instant mais ça c'était de la philosophie. Moi ce que je voulais savoir là tout de suite c'était si on pouvait mentir en pensées ? Difficile à dire quand on découvrait tout juste que la télépathie était plus qu'un concept, bien plus qu'une simple vue de l'esprit.

Le membre 'Emy Rosenbach' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

---

'Oui/Non' :

« Est-ce-que votre présence ici à le moindre lien avec moi ou avec Genome et Genetic ? »

Question exposée sur un ton incisif, on ne se refait pas.
J'étais concentrée à mort pour essayer d'utiliser sa capacité pour lire ses pensées ou whatever comment elle appelait ça.

« Je fréquente encore quelques membres de Genome. Pour eux, pas pour l'organisation. C'est en effet une des raisons de ma visite. L'affection, pas la politique. Je ne suis plus une combattante. Je suis devenue une mère. »

Flop intersidéral, mal de crane en conséquence. J'avais l'impression d'entendre un brouhaha monstrueux comme si les pensées de la totalité des abrutis présents dans la salle derrière nous bouchonnaient dans ma tête. Impossible de n'entendre que la demoiselle face à moi... Je préférais donc me couper de ma capacité. Il fallait décider de la croire ou non avec mes armes sans aide surnaturelle...

« Je pourrais vous poser la même question mais je ne suis pas sûre d'avoir envie d'entendre la réponse. Je ne tiens pas à savoir si les organisations sont encore actives et si une nouvelle menace pèse sur nos têtes. Je fais le plein d'air de Los Angeles, je rends visite à ma famille, j'ai quelques entretiens... Trois semaines et je repars. »

J'écoutais attentivement ce qu'elle racontait et ça ne matchait pas avec ce que venait de dire Bobby le magnifique. Elle avait passé ou elle allait passer un entretien d'embauche...
Donc soit elle me prenait pour une conne, soit elle ne me disait pas tout. En même temps nous n'étions pas vraiment amies, même pas dans le même camp à la base... Je ne pouvais guère lui en vouloir de se défier de moi, c'était exactement ce que je faisais moi même...

Je n'avais pas voulu réfléchir aux conséquences de mon retour à L.A, j'avais décidé de faire l'autruche et de croire que mon passé serait mort... C'était idiot et je m'en rendais compte maintenant. Faire table rase c'était bien beau mais il y avait toujours quelqu'un pour remettre le couvert. Je n'avais pas changé de nom, pas changé de job il était donc facile de me retrouver... En même temps si j'étais sincère c'était déjà le cas à Londres. Je savais très bien que la distance n'était pas un problème pour des organisations XXL comme Genetic, j'espérais juste ne plus être une cible pour ne pas que Lou en devienne une. Elle reprit la parole alors que j'étais toujours dans mes pensées incapable de trancher : menace ou non ? Et quand bien même... que pouvais je y faire ? Je n'étais plus qu'une reine sans royaume... Je n'avais plus de bons petits soldats pour assurer mes arrières et ma sécurité. Normalement je n'en avais plus besoin, je n'étais plus un enjeu. Simplement une mère et une chirurgienne. Je gardais tout de même à l'esprit que je pouvais être un atout pour une organisation qui voudrait travailler sur la mutation, ça avait été ma vie pendant tellement d'années.

« « Vous. Vous êtes restée. Vous auriez pu aller partout, mais vous êtes ici. Et clairement pas de passage. Pourquoi ? »   »

Je secouais la tête et plissais les yeux. Maline cette demoiselle, elle se moquait de ce que je répondrais puisqu'elle pouvait lire dans ma tête. N'ayant aucune idée de ce que je pouvais lui cacher ou non ni comment le faire la partie était déséquilibrée. Autant quand j'avais l'avantage ça m'allait très bien autant je n'appréciais pas cette situation de faiblesse.

« Je ne suis pas restée, je suis partie pendant des années. Je viens de revenir. C'est d'ailleurs votre cher O'Hara qui m'a aidé à partir. »

Sourire en coin et pensée en boucle en tête.

** Je n'aime pas du tout qu'on se promène dans ma tête. Je n'aime pas du tout qu'on se promène dans ma tête. Je n'aime pas du tout qu'on se promène dans ma tête.**

Répéter et répéter encore, en imaginant que c'était ma voix qui le prononçait. Ça fonctionnait ça ?
Aucune idée... D'autant que ça ne m’empêchait pas de repenser à cette entrevue avec Aaron. J'étais mère depuis quelques mois quand j'avais décidé de lui donner les informations qu'il désirait contre son appui pour quitter le pays. Étonnant de me tourner vers Genome alors que j'avais bénéficié de la puissance de Genetic ? Oui peut être mais à l'époque je n'avais plus confiance en grand monde.
Je guettais sa réaction. Est ce qu'elle voyait ce que j'imaginais ? Est ce qu'elle entendait mes pensées ? Comment ça marchait ?

C'était effrayant d'entendre Reynolds réfléchir. Malgré les années d'expérience et d'entrainement, Emy continuait à éprouver une désagréable impression de violation d'intimité lorsqu'elle laissait ouverte la porte de sa capacité et qu'elle lisait dans la tête de ceux qui l'entouraient. Plus que les pensées en elles-mêmes, c'était la façon dont les gens pensaient qui étaient effrayante et passionnante. Reynolds cogitait à cent à l'heure, se demandait ce qu'Emy pouvait entendre et ce qui échappait à sa capacité. Emy lui aurait bien dit que n'importe quel mot prononcé dans sa tête pouvait être entendu, mais elle n'avait pas vraiment envie de partager des informations de cette importance avec la Hyène de Genetic. Et puis finalement, les pensées de Reynolds étaient bien moins importantes que les propos qu'elle tint : « Je ne suis pas restée, je suis partie pendant des années. Je viens de revenir. C'est d'ailleurs votre cher O'Hara qui m'a aidé à partir. »

Elle avait lâché l'information sans y penser au préalable, Emy laissa donc échapper le gobelet de café qu'elle tenait dans sa main et qui s'écrasa au sol dans un bruit sourd. Les pensées de Reynolds continuait de lui parvenir, une longue litanie concernant le fait qu'elle n'aimait pas qu'on farfouille dans sa tête avant de revenir à une construction plus normale. Il y avait eu une entrevue. Informations contre aide. Emy essuya ses mains moites de transpiration contre son pantalon et se pencha pour ramasser le gobelet avant d'aviser une poubelle non-loin et d'y mettre le gobelet. Il fallait qu'elle se reprenne. Vite.

Le couloir était désert. Elles étaient seules au monde, comme plongées dans une bulle.

Reynolds avait obtenu ce qu'elle voulait : elle l'avait destabilisée. Le dos tourné à Reynolds, toujours plantée devant la poubelle, Emy s'efforçait de reprendre une constance sans y parvenir. Elle restait bloquée sur la première et la dernière foi qu'elle avait rencontré Reynolds. Elle revoyait le laboratoire, Dean, Jeremiah, Sacha. Elle se souvenait de la panique, de l'envie de récupérer le plus de papiers possibles. Ses lèvres se mirent à trembler. Elle était incapable de lui faire face. C'était comme si Reynolds avait ouvert la toute petite boite où Emy avait enfermé tous ces affreux souvenirs auxquels elle ne souhaitait pas se confronter. Elle se souvenait du poids de l'arme dans sa main. Les échanges de tirs. Dean qui lui arrache l'arme des mains. Elle qui la récupère. Et puis le plafond qui s'effondre, la séparant des autres. Elle avait pris la fuite, avait erré un moment avant d'apprendre la mort de Wyatt. Et puis, elle avait fuis les Etats-Unis en entier.

Aaron l'avait aidée. Elle. Dans l'esprit d'Emy, tout était en noir et blanc. Elle avait essayé jusqu'à la fin d'empêcher un bain de sang alors que Reynolds était arrivée à Genome pour mettre de l'huile sur le feu. Si elle n'avait pas été là, ils auraient fui. Elle aurait peut-être même réussi à sauver davantage de personnes. C'était un raisonnement insensé mais qui se déroulait à toute vitesse dans le cerveau d'Emy. Aaron l'avait aidée.

« Aaron vous a aidée» dit-elle d'une voix blanche. Le temps de la peur était passé. Lentement, comme un monstre longtemps endormi, la colère se réveilla, d'abord sourde puis plus aiguë. Elle les détestait. Tous les deux. Elle, pour ce qu'elle était. Lui, pour ce qu'il avait fait. « Aaron vous a aidée a fuir les Etat-Unis, alors que vous avez appartenu à Genetic, alors que vous étiez présente, arme à la main, lors de l'effondrement de Genome.» Elle était blême et rigide lorsqu'elle se retourna pour affronter le regard de Reynolds. « Je pense qu'on va cesser cette conversation. Je trouve de toutes façons de moins en moins de raisons de rester ici. J'ai une dernière question. » Cela lui semblait improbable mais il fallait qu'elle en ait le coeur net. Qu'elle sache. Qu'elle dessine noir sur blanc les raisons de sa colère. Si Aaron avait participé à une entrevue avec Reynolds, il ne l'aurait jamais fait sans l'aval d'Esteban. Elle devait savoir. « Esteban était présent lors de cette entrevue ? »

Je ne calcule pas tellement ce que je lui dis quand j'annonce qu'O'Hara m'a aidée. Je suis trop perplexe sûrement, ou bien j'ai perdu la main. Dans tous les cas je ne suis pas encore assez à coté de la plaque pour ne pas noter le tsunami que ma réponse provoque.
Entre le vol plané du gobelet et son attitude. Mains moites qu'elle essuie sur son pantalon et puis ce besoin d'aller et venir avec la poubelle comme prétexte. Tout son langage non verbal crie à qui veut l'entendre que j'ai tapé pile ou ça fait mal. Est ce qu'elle avait été en couple avec l'irlandais à cette époque là ? Je n'en sais fichtrement rien mais je n'ai pas forcément envie de m'arrêter en si bon chemin.

Elle me tourne le dos et je peux presque sentir sa tension nerveuse. C'est idiot mais ça m'apaise de voir qu'elle n'est pas plus à l'aise que moi. Se prendre un pan de ton passé en pleine gueule ça n'a jamais rien d'agréable quand on a un passé comme le mien c'est sans doute encore pire.
Je ne dis rien de plus pour le moment, me contentant de l'observer et d'attendre la suite puisqu'elle est manifestement en pleine réflexion.

« Aaron vous a aidée» punaise elle en met du temps à allumer la lumière. «  C'est là que je suis sensée louer votre perspicacité ? » petit sourire qui doit s'entendre dans ma voix franchement moqueuse. Elle se prend pour qui la demoiselle ? La reine mère ? Elle a vraiment l'impression que je vais me justifier de quoi que ce soit devant elle ?
« Aaron vous a aidée à fuir les Etat-Unis, alors que vous avez appartenu à Genetic, alors que vous étiez présente, arme à la main, lors de l'effondrement de Genome.» elle monte dans les tours toute seule finalement j'ai même pas besoin de l'aider ? Ah voilà qu'elle se retourne raide comme si quelqu'un lui avait planté un balai dans le cul. Elle plante son regard dans le mien et mon sourire s'élargit. Ce n'est pas ce que j'ai de plus reluisant mais j'adore faire vriller ceux qui sont mes adversaires et dans le moment elle ne me donne aucune envie de me montrer sous mon meilleur jour.« Je pense qu'on va cesser cette conversation. Je trouve de toutes façons de moins en moins de raisons de rester ici. J'ai une dernière question. »

Je laisse échapper un petit rire tout en secouant la tête. Elle est possédée ou c'est comment ?
Je n'ai même pas le temps de lui répondre d'aller se faire mettre qu'elle reprend déjà : « Esteban était présent lors de cette entrevue ?  ».

Je ne m'y attendais pas, c'est clair. L'évocation de ce nom est toujours compliquée à gérer parce qu'il a une place à part dans ma vie mais elle n'a pas à le savoir.

«  J'ai loupé l'étape ou on devient potes ? Je sais pas ? A quel moment j'ai donné l'impression de vouloir te raconter quoi que ce soit ? »

Je n'ai pas envie de lui parler d'Esteban, parce que ça ne la concerne pas et qu'il n'a rien à voir avec mon accord avec O'Hara. Encore que ça semble au contraire la concerner d'un peu trop près. Elle s'est envoyé tout Genome ou bien c'est comment ?

«  Aaron m'a aidée parce que j'avais beaucoup à lui apporter et parce que je ne suis pour rien dans ce qui s'est passé à Genome. Que ça te convienne ou pas n'est pas vraiment mon problème et au cas ou tu n'aurais pas remarqué ça fait quelques années que tu ne peux rien y faire.  »

Cette fois ci je me marre clairement tout en parlant. Provocatrice moi ? Si peu...

Elle se fichait clairement d'elle, Emy le savait mais elle n'en avait cure. Tout ce qui comptait, c'était de savoir si elle allait aussi devoir botter le cul d'Esteban en plus de celui d'Aaron. Deux pour le prix d'un, profitez de la promotion du moment ? Les traitres ne sont pas si courants sur le marché ! Même son immonde remarque sur le fait qu'elle s'était envoyée tout Genome ne la fit pas bondir. Elle ne s'était pas envoyé tout Genome. Juste Esteban. Et Aaron. Mais c'était différent, elle était sortie pendant quelques temps avec Esteban avant de se rendre compte qu'elle n'était pas du genre à adopter un chiot attendrissant mais hyperactif. Quand à Aaron, elle l'avait aimé, quoi qu'elle puisse se dire. Elle l'avait aimé la première fois qu'ils avaient pris un café ensemble et qu'il l'avait rabrouée. Elle l'avait aimé lorsqu'elle lui avait annoncé que sa soeur était morte. Elle l'avait aimé lorsqu'ils avaient couché ensemble. Elle l'avait aimé lorsqu'ils avaient bu, ri, s'étaient disputés, s'étaient étreints. Elle n'était donc pas une catin. Une catin des sentiments peut-être.

C'était un aveu à peine masqué. Elle aurait pu dire : Esteban qui ? Mais non, elle était montée sur ses grands chevaux et avait essayé de la pousser hors de ses gonds. Esteban copinait donc aussi avec l'ennemie et si elle avait tenté de la cacher, c'est qu'il y avait plus à cacher que ce qu'Aaron avait fait. Son cerveau bouillonnait et elle se sentait proche du point de rupture, sans savoir que faire. Lui sauter à la gorge ? La gifler ? Lui cracher dessus ? Dommage, elle n'avait plus son gobelet sous la main pour le lui jeter au visage.


« Aaron m'a aidée parce que j'avais beaucoup à lui apporter et parce que je ne suis pour rien dans ce qui s'est passé à Genome. Que ça te convienne ou pas n'est pas vraiment mon problème et au cas ou tu n'aurais pas remarqué ça fait quelques années que tu ne peux rien y faire. »

Ultime gifle qu'Emy ne manqua pas de recevoir en plein visage. Aaron avait couché avec elle ? Quoi ? Hein ? Elle ne comprenait plus les sous-entendus. Si Aaron avait couché avec cette immonde femme, Esteban était le père de Lou. Emy ne voyait pas pire. « Sale pute » grogna-t-elle. L'option de la gifler devenait de plus en plus présente sans son esprit. Elle affichait en plus une moue machiavélique qu'Emy avait très envie de lui faire ravaler. « Lou doit être très fière de sa maman chérie qui couche avec l'ennemi. D'ailleurs, elle n'a pas développé de capacité ? Genetic aimait bien récupérer des petits mutants pour les analyser. » Plus. Aucune. Limite. Elle voulait lui faire mal ? Elle pouvait être deux à jouer à ce petit jeu. Emy s'avança et pointa un index rageur vers la grande blonde. Pendant une seconde, elle se vit la gifler, elle sentit même la chaleur sur sa main. Ca aurait été jouissif. « Mais il me semble que vous n'êtes qu'une louve en cavale. Quoi que vous ayez pu apporter à Genome, ce n'était pas assez pour être invitée à Noël. Plus de Genome, plus de Genetic, elle est toute seule la petite Katie. Et Genetic devrait être bien content de savoir où vous vous trouvez actuellement. »

Elle allait trop loin, elle le savait. On n'insulte pas Médusa sans se retrouver pétrifié par la suite mais Emy était en roue libre. Elle voulait qu'ils payent tous, pour les mensonges et les trahisons. « Je vais y aller maintenant » , éructa-t-elle. « Si on continue sur cette voie, je vais me jeter sur vous et je me bats vraiment comme une fille. Avec les ongles et les dents. Vous allez me foutre la paix, ainsi qu'à tous ceux de Genome. Sinon, Genetic recevra une charmante lettre anonyme où ils découvriront vos informations personnelles et l'existence de la petite Lou. Je suis sûre que Bob sera d'accord pour me donner votre adresse, histoire que d'anciennes amies puissent reprendre contact. » Paroles, elle le savait. Elle les protéger encore, même si elle n'était pas sûre qu'ils le méritent vraiment. Rien dans cette femme ne donnait envie de l'approcher. Comment avaient-ils pu l'aider ? « Je ne vous dis pas au revoir, » lança Emy avait une moue sarcastique et en lui tourna le dos pour rejoindre le bureau du chef de la psychiatrie.

Je prend délibérément plaisir à me foutre de sa gueule, faut avouer qu'elle l'a bien cherché avec ses exigences. Elle se prend pour qui à croire que je vais lui raconter ma vie ? Elle a l'air de perdre complètement les pédales et ça augmente ma joie d'une part mais mon self-control de l'autre. C'est étrange sans doute mais faire péter un plomb aux gens c'est une sorte de constante qui me rassure. Je n'ai plus rien de fragile dans ce genre de moments parce que je ne me sens pas impliquée c'est juste un jeu de dupes et de pouvoir.  Il me faudrait même avouer que ça m'a manqué si j'avais le courage de faire mon introspective.

« Sale pute » Ah oui carrément elle en est là ? A me grogner des insanités.
Mon sourire s'agrandit puis se fige en entendant la suite. « Lou doit être très fière de sa maman chérie qui couche avec l'ennemi. D'ailleurs, elle n'a pas développé de capacité ? Genetic aimait bien récupérer des petits mutants pour les analyser. » Terrain miné chérie tu ferais mieux de ralentir voir même de fuir, très loin de moi. Je la regarde s'avancer et me pointer de son petit index ridicule et je plante mon regard de glace dans le sien. « Mais il me semble que vous n'êtes qu'une louve en cavale. Quoi que vous ayez pu apporter à Genome, ce n'était pas assez pour être invitée à Noël. Plus de Genome, plus de Genetic, elle est toute seule la petite Katie. Et Genetic devrait être bien content de savoir où vous vous trouvez actuellement. » L'éclat métallique qui brille dans mes prunelles en ce moment a souvent été synonyme de chaos, de traque, voir même de mort et cette petite dinde n'en a même pas conscience. Elle est totalement hystérique et je suis étonnamment calme, trop calme. Je sens une vague qui se forme au creux de mon ventre et qui monte, monte...

« Je vais y aller maintenant » ça je ne crois pas non, trop facile. « Si on continue sur cette voie, je vais me jeter sur vous et je me bats vraiment comme une fille. Avec les ongles et les dents. Vous allez me foutre la paix, ainsi qu'à tous ceux de Genome. Sinon, Genetic recevra une charmante lettre anonyme où ils découvriront vos informations personnelles et l'existence de la petite Lou. Je suis sûre que Bob sera d'accord pour me donner votre adresse, histoire que d'anciennes amies puissent reprendre contact. » Pour une pétasse qui parle d'escalade de la violence et de ne pas menacer l'enfant de l'autre elle semble avoir changé d'avis et menace allègrement la chair de ma chair. La vague de haine monte encore et je n'ai pas le moindre idée de ce que je pourrais faire quand elle arrivera à son paroxysme.« Je ne vous dis pas au revoir, » la voilà qui me sourit et me tourne le dos... Vraiment ? Tu crois ?

Je regarde à droite puis à gauche et ne vois personne, parfait. Je fais deux foulées rapides pour l’attraper par le poignet et lui faire une clef de bras la plaquant violemment contre le mur en lui cognant la tête au passage. Je sens mon sang battre la mesure de ma rage et cogner jusque dans mes tempes. C'est quoi son délire sur le fait que j'ai couché avec je ne sais qui? Elle parle d'Esteban? En quoi ça la concerne? A moins qu'elle pense que je me suis fait l'Irlandais? En d'autres circonstances ça me ferait hurler de rire mais dans le moment j'ai plutôt envie de lui arracher le visage avec mes ongles.

« Je n'ai rien à foutre de tes états d'âme pauvre conne mais tu vas arrêter de menacer ma fille ou sur ma vie je jure que je vais te tuer. Tu es jalouse? Ton petit Irlandais ne voulait plus de ton petit cul?»

Je me suis promis de ne plus tuer personne, parce que je veux devenir une mère correcte pour Lou mais là je vais transiger avec bonheur. Cette fille ne comprend rien aux enjeux... Elle parle de Genetic comme si l'organisation était encore debout, comme si on lui avait laissé une boite postale pour envoyer sa lettre.
Elle semble également croire que l’hôpital à mon adresse réelle... Je n'ai pas encore perdu tous mes réflexes et clairement je ne suis pas si facile que ça à débusquer. Pas impossible pour quelqu'un avec le bon réseau mais pas à la portée de la dinde de noël que je tiens entre mes mains. Je ne suis pas sure qu'elle ai souhaité parler d'O'Hara mais ça se tient dans mon esprit puisque c'est son évocation qui lui a mis les neurones à Ground Zero.

« Si tu te bats comme une fille ce n'est pas mon cas. Tu joues à la maman mais tu n'as pas d'enfant en fait, alors tu ne peux pas comprendre à quel point tu as dépassé les bornes. » disant cela je lui tord un peu plus le poignet l'amenant proche de la rupture. Le combat au corps à corps fait partie de la formation de base des agents de terrains de Genetic et c'est ce que j'ai été pendant des années, pas l'une des moins douée d'ailleurs. J'ai bien envie de le lui briser mais le lieu ne s'y prête pas, d'autant qu'elle ne mesure pas ce qu'elle fait et serait capable de m'en accuser ce qui entraînerait trop de questions. Je dois éviter de me faire remarquer, rester sous les radars. Je cherche quand même à taper là ou ça fait mal. Elle a l'air seulement enragée et incapable de penser mais ça ne lui donne aucune circonstance atténuante à mes yeux.

« Ta petite lettre de merde tu comptes vraiment l'envoyer à une organisation qui n'existe plus ? Tu n'es vraiment au courant de rien et pourtant tu piailles comme une dinde ! Peut être que tes copains de Genome et ton cher O'Hara ne te disent pas tout. Ça semble même très clair tu n'es plus à la page.  »

Il y'a eu des attentats très peu de temps après mon départ pour l'Angleterre j'ai même eu très peur pour Keat et Tammy à l'époque, peur qu'ils tombent avec les autres. Le cercle a été balayé en quelques jours, quelques semaines et j'ai alors compris que j'avais pris la bonne décision. Je n'aime pas repenser à cette époque, la peur me guettait à chaque instant, je craignais qu'on nous attaque qu'on me l'enlève... Dunney avait alors décidé de dissoudre Genetic, je l'avais su par Keaton, sa position à l'époque faisait qu'il ne pouvait louper ce genre d'info, même si le cercle avait été dissout. Je ne sais même pas pourquoi elle est dans tous ses états à ce point et pour tout dire je m'en tamponne elle peut brûler en enfer que je ne lèverai pas le petit doigt pour l'aider. J’enchaîne rapidement les phrases mais ma colère ne transparaît pas par des cris seulement par le ton métallique de ma voix et mon regard mauvais. Qu'elle fasse un seul geste pouvant porter préjudice à ma fille et je mettrais mes menaces à exécution quoi qu'il m'en coûte. On m'a déjà trop pris pour que je la laisse faire du mal à ma fille. Je tente de me calmer en me disant qu'elle n'a pas le début du commencement de l'idée de quoi faire et puis je la lâche et me recule.

« Je suis d'accord sur un point, on va en rester là, ça vaudra mieux. »

J'ai envie de rajouter, pour toi mais je m'abstiens. Elle peut lire dans ma tête à quel point je la déteste et quel point je suis sérieuse. Je plante de nouveau mon regard dans le sien et je lui souris dédaigneusement. Je suis froide et mauvaise comme un serpent qui attend son heure pour fondre sur sa proie. Elle vient de réveiller une part de moi qui était soigneusement enfouie, cette personne que je croyais avoir laissé derrière moi, la reine de glace est finalement toujours en moi.

Mettre de l'huile sur le feu. Qui sème le vent récolte la tempête. La violence engendre la violence. Emy connaissait pourtant bien les proverbes, elle les collectionnait avec passion. Elle aurait donc dû savoir que ce n'était point une bonne idée de sortir de ses gonds et de provoquer ainsi Kate Reynolds. Mais, comme à son habitude, elle s'était emballée, n'avait su gérer ses émotions, avait explosé avec pertes et fracas. La réponse ne se fit pas attendre. A peine eut-elle le dos tourné qu'elle se retrouva plaquée contre le mur, le bras coincé dans le dos. Sa pommette heurta violemment le mur et elle laissa échapper un cri sourd, de douleur et de surprise.

« Je n'ai rien à foutre de tes états d'âme pauvre conne mais tu vas arrêter de menacer ma fille ou sur ma vie je jure que je vais te tuer. Tu es jalouse? Ton petit Irlandais ne voulait plus de ton petit cul?»

Effaçant la colère, Emy sentit la peur s'insinuer en elle. Cette femme n'avait donc aucunes limites pour s'attaquer ainsi à elle dans un lieu public, lieu public dans lequel elle travaillait d'ailleurs. Cette absence de limites prouvaient aussi à Emy qu'elle n'allait pas se sortir de cette situation si facilement. Si seulement elle avait pu se contrôler dix minutes de plus. Quoi qu'en dise Reynolds, ce n'était pas la jalousie qui l'avait poussée dans ses retranchements. C'était le goût amer de la trahison. L'impression de s'être investie corps et âme dans une organisation qui l'avait flouée. Elle y avait laissé une partie de son corps. Une partie de sa famille. Une partie d'elle-même.

Kate continua à la remettre à sa place, en la menaçant si doucement que sa voix n'était qu'un murmure. Elle tapait juste, il fallait le lui reconnaitre. Elle n'était pas mère et ne le serait peut-être jamais d'ailleurs. Les larmes qui commencèrent à perler à ses yeux avaient autant pour origine la douleur que la honte et la tristesse.

« Ta petite lettre de merde tu comptes vraiment l'envoyer à une organisation qui n'existe plus ? Tu n'es vraiment au courant de rien et pourtant tu piailles comme une dinde ! Peut être que tes copains de Genome et ton cher O'Hara ne te disent pas tout. Ça semble même très clair tu n'es plus à la page.  »

Touché. Encore. Elle ne savait pas. Personne ne lui avait dit. Elle n'avait pas non plus abordé le sujet. Comme pour empêcher le mauvais sort. Et pourtant, cela n'avait rien changé. Ainsi, il n'y avait plus de Genetic. Emy ne put s'empêcher de se demander ce qui poussait ses amis à rester terrés dans les bois si plus rien ne les menaçait. Tout lui échappait. Rien n'avait de sens. Comment avait-elle pu se mettre dans une telle situation ? Pendant une fraction de seconde, elle tenta de se souvenir de ce qu'Adam lui avait enseigné lors de son unique cours d'auto-défense. Elle envisagea d'enfoncer le talon de son escarpin dans le pied de Kate mais elle savait que le retour de flamme serait encore plus brûlant.
Finalement, Kate la lâcha. Emy se retourna en tentant de réprimer ses larmes et elle secoua vigoureusement son bras endolori. Après un sourire venimeux, Kate tourna les talons et disparut. C'était comme si rien ne s'était produit. Et pourtant, tout avait changé.

Emy se laissa lentement glisser sur le sol et se mit à sangloter. Du maquillage noir macula son visage et elle mit de longues minutes à se calmer, sans parvenir à effacer la colère, la honte, la tristesse. Envers eux. Envers elle. Envers elle-même. Elle avait mis douze ans à le comprendre, mais c'était fait désormais. Elle n'avait été qu'un pion. Elle avait été utilisée, manipulée, amoindrie.

Ils l'avaient aidée. Et maintenant, elle devait rentrer. Les retrouver. Sourire. Et partir vite.