Eliyah était une femme plutôt jolie sans pour autant pouvoir prétendre à une carrière dans le mannequinat. Mais ça, c'était avant le décès de son enfant et le divorce qui en a suivi. Elle mesure environ 1 mètre 65 pour une soixantaine de kilos, elle est donc assez mince et elle maigrit à vue d’œil. Il faut dire qu'elle ne mange pas beaucoup et, végétalienne dans l'âme, elle a banni de son alimentation tout ce qui provient des animaux : la viande bien entendu mais également le lait, les œufs, le beurre et tout ce qui provient de prêt ou de loin d'un animal. Avant, son alimentation ne lui posait aucun souci sauf depuis quelques mois : elle ne mange plus suffisamment et a donc de nombreuses carences qui commencent à être visibles : sa peau est pâle, ses cheveux sont cassants et ses ongles ne poussent plus correctement. Ses yeux sont en permanence cernés, preuve d'un manque de sommeil évident et d'un état de fatigue quasi constant. Il n'est pas rare que ses mains soient agitées de légers tremblements. Elle avait arrêté de fumer à la naissance de Kyra, sa fille, mais elle a reprit depuis sa mort. Elle se shoote aux boissons énergisantes et au café bien corsé. Son poignet gauche pour un tatouage, il s'agit de la lette « K » ainsi qu'une date en dessous : 10/09/2005. Il s'agit de la date de naissance de son enfant. Maintenant, elle cache ce tatouage avec un large bracelet en cuir, elle ne veut plus le voir et n'a pas eu le courage de le faire enlever ou modifier. Elle s'habille de manière très simple : chemisier blanc, jean slim noir et ballerines noires. Rien de bien transcendant. Côté caractère, Eliyah est quelqu'un de discret, presque effacé. Ce n'est pas le genre de femme sur laquelle les hommes se retournent, elle n'est plus ce genre de femme du moins. Elle ne fait pas d'éclat, sa voix est fluette et assez douce. Elle marche la tête baissée, comme si elle avait peur de croiser les regards des autres. Et c'est un peu vrai. Elle a l'impression que ce qu'elle pense être une agoraphobie est inscrite sur son visage et qu'elle va faire l'objet de railleries et de moqueries. Dans le passé, Eliyah était une personne souriante et avenante, qui adorait l'ambiance feutrée des bars, l'agitation des fast-food et le calme des balades en nature. Maintenant, il n'en reste plus grand chose : elle ne peut plus rester bien longtemps dans une foule, aller manger au restaurant ou boire un verre lui est impossible sous peine de faire un malaise ou d'être prise d'une crise de vomissements. Par la force des choses, elle se coupe du monde et s'enfonce dans sa névrose. Elle en devient aigrie et jalouse, bien qu'elle soit trop gentille et trop altruiste pour s'en prendre à qui que ce soit. Elle est également curieuse, dans le mauvais sens du terme. Il lui arrive de fourrer son nez dans des affaires qui ne la regarde pas, de poser des questions parfois dérangeantes et déstabilisantes. Bien sur, elle met cela sur le compte de son métier pour les justifier. Elle n'est plus aussi souriante qu'avant bien que son caractère d'antan face surface de temps à autre. Chasser le naturel, il revient au galop n'est-ce pas ?

Empathie :
Eliyah est ce qu'on pourrait appeler un réceptacle à émotion. Pour faire plus claire, du temps qu'elle ne maîtrisera pas sa capacité,  son corps fonctionnera de la même manière face aux émotions que celui d'une personne sensible aux ondes face à un relais téléphonique. Si elle se trouve face à une personne (ou un groupe de personnes) ressentant de fortes émotions similaires (peur, stress, joie, panique...), elle en est affectée elle aussi. Son corps en subi directement les conséquences : Bombardé d’émotions, celui ci se manifeste par des maux de têtes, des saignements de nez voire des nausées et des vomissements. Plus rare, elle peut également être victime de vertige allant jusqu'à l'évanouissement. Sans compter un état de fatigue qui suivra, l'obligeant à rester cloîtrée chez elle quelques heures, voire quelques jours, selon l'intensité des émotions. Eliyah n'est pas du tout consciente de son état, elle pense que cela est dû à l'agoraphobie dont elle souffre depuis le décès de sa fille. Elle est incapable de faire le tri dans ses propres émotions et celles des autres. Elle ne sait pas qu'elle est mutante et que, si elle arrivait à maîtriser sa capacité, elle pourrait aider les personnes dans le besoin et surtout elle pourrait fermer son esprit à l'assaut des émotions. Pour le moment, elle se contente de subir. Elle évite donc de sortir aux heures de pointe (bien que cela soit compliqué à Los Angeles), elle ne prend pas le métro, lui préférant le bus. Elle ne peut pas rester bien longtemps entourée de monde : les cinq premières minutes, cela va aller. Durant les dix suivantes la migraine va apparaître crescendo. Les dix d'après, ses oreilles vont commencer à bourdonner et si elle passe plus d'une demi-heure dans une foule, elle va être sujette à des étourdissements voire, si vraiment les émotions l'entourant sont fortes, à un évanouissement. Bien sur, tout cela dépend de beaucoup de choses : son propre état de fatigue, la densité de la foule ou la nature de celle ci. Par exemple, elle ne pourrait pas se tenir dans un funérarium un jour de veillée ou dans une salle des fêtes un jour de mariage ou encore dans une rame de métro bondée sous peine d'être victime d'un malaise presque instantané sous le coup d'émotions beaucoup trop violentes et incontrôlables. Ce genre de chose n'arriverait pas à la caisse d'un supermarché ou dans la file d'attente à la poste par exemple. Si les émotions des gens qui l'entourent sont trop diversifiées (sur un marché, dans un centre commercial, dans un bar...), son don ne se déclenchera pas bien qu'Eliyah ressentira une légère gêne (sentiment d'oppression, oreilles qui bourdonnent...) due à son agoraphobie. Sa capacité la titille uniquement si les émotions sont : soit très fortes si elle a à faire à un seul individu, soit de la même nature si elle se trouve dans une foule (mariage, enterrement, salle de concert, métro...).  

Chapitre I : No warning sign, no Alibi

9 juin 1979. Les cris d'un nouveau né résonnent dans l'hôpital de Pittsburgh. C'est une petite fille qui vient de naître, l'enfant unique de la famille O'Brian. Les parents ont longtemps hésité avant de donner naissance, parce qu'ils ne sont pas comme tout le monde. Mutants, et conscients de leur état, ils ne savaient pas vraiment s'ils devaient ou non infliger ça à un petit être. Et puis, leur désir d'enfant a été bien plus fort que tout le reste. C'est ainsi qu'Eliyah est née.

« Est-ce qu'on va lui dire un jour? » demande la maman, inquiète de l'avenir de sa fille.
« Un jour, peut être. Mais c'est mieux pour elle qu'elle ne le sache jamais. » répond le père, qui n'a jamais accepté d'être en dehors des clous.

Les années passent, Eliyah grandit bien et est une fillette heureuse, enjouée par tout ce qu'elle voit. Devant l'absence de signes avant coureur d'une quelconque capacité, ses parents se persuadent que la génétique a épargné leur enfant. Ils ne sont pas très doués en biologie, ni en sciences en général, et ils ne savent pas qu'étant eux mêmes mutants, Eliyah l'est aussi. Forcément. Elle continue de pousser, dans l'ignorance de son état.

Chapitre II : Somewhere only we know

Eliyah n'est pas une élève très douée, elle est même plutôt indisciplinée et dissipée. Les longues heures assises sur une chaise à écouter des professeurs parler, ce n'est vraiment pas son truc. Mais alors pas du tout. Elle a vingt et un ans quand elle décide d'abandonner les études. Elle travaille dans un fast food, elle subvient à ses besoins quand elle rencontre celui qui deviendra son mari. C'est lors d'un match de hockey sur glace, opposant les Penguins de Pittsburgh aux Maple Leafs de Toronto. Le match est plutôt serré, agrémenté d'un Mario Lemieux dans le meilleur de sa forme. Eliyah est appuyée contre une rambarde de la patinoire, son maillot griffé du nom de goal de l'équipe de Pittsburgh sur le dos. Elle se retourne quand quelqu'un lui tape sur l'épaule.

« Je ne savais pas que les jolies filles aimaient aussi le hockey. »

Eliyah arque un sourcil, dévisage le type qui lui fait face. Il n'est pas moche, loin de là mais il est un piètre dragueur. Elle esquisse un sourire, hoche doucement la tête.

« Cela vous étonne ? Monsieur... ? »
« Ian. Ian Umsey. A qui ai-je l'honneur ? »
« Eliyah. Eliyah O'Brian. »
« Puis-je t’appeler Eli ? »

Les deux jeunes gens se serrent la main et elle accepte le surnom d'un signe de tête. Ils ne se sont plus quittés depuis ce jour. Ils ont emménagés ensemble dans une maison cossue de la banlieue dortoir de Pittsburgh.

Chapitre III : Ashes falling like snow

« Kyra, dépêche toi ! Tu vas être en retard à l'école bon sang ! »

Eliyah grogne après sa fille, comme tout les matins depuis que l'enfant est en âge d'être scolarisée. A l'image de son père, Kyra n'est pas ponctuelle et a du mal à quitter son lit. Au bout de la troisième remontrance, une gamine âgée de 4 ans et haute comme trois pommes décide enfin à montrer le bout de son nez dans la cuisine.

« Voulais encore faire dodo... Aime pas l'école. »

Eliyah ne peut s'empêcher de sourire, elle embrasse affectueusement son enfant sur le front avant de lui servir un chocolat bien chaud et une tartine généreusement couverte de confiture de fraise. Depuis quelques jours, la petite fille se plaint constamment d'être fatiguée mais les parents mettent ça sur le compte d'une scolarité toute nouvelle. Sans se méfier outre mesure, Eliyah et Ian envoient leur enfant à l'école. Pourtant, ils se rappelleront toute leur vie de ce jour : nous sommes le 10 décembre 2009.

Eliyah est en train de ranger sa boutique, elle est propriétaire d'une épicerie fine spécialisée dans les produits bio et végétaliens. Les affaires marchent bien pour elle et son magasin ne désemplit pas. L'horloge de l'église toute proche vient de sonner quatorze heures quand son téléphone se met à vibre. Elle décroche, reconnaissant le numéro de l'école de Kyra.

« Madame Umsey, vous devriez venir chercher Kyra. Elle ne se sent pas bien du tout. »
« Ah... Heu... Oui. J'arrive. »

Eli laisse la boutique aux mains de sa vendeuse et se dépêche de se rendre à l'école. En chemin, elle prévient Ian qui décide lui aussi de quitter son travail pour aller chercher sa fille. Les époux Umsey embarquent la petite Kyra et rentrent tout les deux à la maison. Ils mettent leur fille au lit parce qu'elle a un peu de fièvre. Elle s'endort alors ils vaquent à leurs occupations. Ian retourne travailler, il est journaliste sportif pour le journal local et Eliyah reste à la maison. L'état de la petite ne s'arrangeant pas, ils décident de l'emmener voir un médecin qui les orientent vers les urgences pédiatriques.

Les deux époux attendent patiemment dans le couloir. Eliyah n'aime pas du tout l'ambiance qui règne ici. L'agitation, le bruit et les blouses blanches qui s'affolent dans tout les coins. C'est surtout qu'elle a un très mauvais pressentiment. Elle se lève, tremblante quand le médecin vient les chercher.

« J'ai une très mauvaise nouvelle... » Commence t-il alors qu'Eliyah sent la terre se dérober sous ses pieds.

Les examens ont permis de diagnostiquer une leucémie à leur petite fille, la fièvre en est souvent l'un des premiers symptômes. Les époux s'en veulent bien que le médecin leur explique que cela n'aurait pas changé grand chose s'ils avaient amené Kyra plus tôt.

La fillette survivra cinq mois avant que la maladie ne l'emporte. Eliyah se souvient de ce jour comme ci c'était hier, un funeste 21 mai 2010. Elle se rappelle avoir vu brièvement les images d'un gymnase en feu, quelque part dans Los Angeles. Elle se rappelle ne pas avoir éprouvé grand chose pour les étudiants, bien trop anéantie par sa propre peine.

Chapitre IV : I'm friend with the Monster that's under my bed

Il fait beau en ce 25 juin 2010, le soleil rayonne et les oiseaux chantent. Pourtant, chez les Umsey, il fait froid et il fait sombre. Les volets n'ont pas été ouverts depuis plusieurs jours, Eliyah n'a pas quitté son lit depuis le décès de sa petite fille. Non seulement, elle ne veut plus sortir mais elle n'y arrive plus. Elle se sent oppressée et nauséeuse dès qu'elle met le nez dehors, ses oreilles bourdonnent et sa tête lui fait mal. Le psychologue que son mari la force à aller voir lui a dit qu'il s'agissait d'une sorte d'agoraphobie qui partirait d'elle même une fois qu'elle aurait fait son deuil. Mais Eliyah ne veut pas faire son deuil, elle ne veut pas oublier son enfant et les quatre années passées avec elle. Les tensions dans  le couple sont palpables. Ian continue à vivre alors qu'Eliyah se laisse aller.

Le Noël de l'année 2010 est triste et morose. Ian est allé le passer en famille alors qu'elle s'est contentée de faire ce qu'elle fait le mieux depuis plusieurs mois déjà : dormir et pleurer. La fin du couple est proche mais Eliyah s'en fiche, la seule personne en qui elle tenait vraiment s'en est allée.
« Je crois que nous ferions mieux de divorcer. J'en peux plus de vivre comme ça. » Annonce Ian, un jour de février 2011, en rentrant du boulot.

« Pars alors. Je ne te retiens pas. » Rétorque la jeune femme, d'une voix blanche.

Le divorce est prononcé début mars 2011 et les cartons sont faits dans la précipitation. Tout ce qui appartenait à Kyra est donné aux bonnes œuvres, ni le père ni la mère ne souhaitant conserver ces souvenirs douloureux. La maison est vendue, le fond de commerce d'Eliyah également. Luttant contre son malaise, elle part refaire sa vie à l'autre bout du pays, à Los Angeles. Prendre l'avion ne fut pas une mince affaire, elle dut faire avec des vomissements, des maux de tête à n'en plus finir et des étourdissements. Avec bien du mal, elle a rejoint le logement qu'elle loue désormais. Un petit studio vétuste, à l'ouest du centre ville. A la télévision, un jour d'avril 2011, elle assiste à l'explosion d'un bâtiment se situant à l'autre bout de la ville mais elle s'en fiche un peu. Plus rien ne l'atteint réellement.

Elle espère pouvoir reconstruire quelque chose, si son agoraphobie décide de la laisser tranquille. A l'heure actuelle, elle ignore encore qu'elle subit les affres d'une capacité capricieuse et elle est bien trop enfoncée dans son mal être pour se poser les bonnes questions.

Eliyah n'en a plus énormément, n'ayant plus grand chose à perdre. Elle aimerait juste vivre un peu mieux, trouver un médecin qui la soigne de cette peur panique de la foule dont elle s'imagine victime. Elle voudrait être capable de retravailler à temps complet, de rouvrir une boutique semblable à celle qu'elle avait à Pittsburgh. Elle voudrait pouvoir sortir comme avant, elle en a besoin pour chasser le fantôme de Kyra et l'échec de son mariage de son esprit. Elle voudrait pouvoir retourner voir un match de hockey sur glace. Pourquoi pas essayer de refaire sa vie avec quelqu'un d'autre, si le hasard fait bien les choses ? Vivre en ermite (ou presque) lui pèse et, malgré ses efforts, l'enfonce un peu plus. Elle ne sait pas, qu'en plus d'être agoraphobe, elle est une mutante et qu'elle ne maîtrise absolument pas sa capacité. Comment maîtriser ce qu'on ignore ? Peut être que ses projets seraient tout autres si jamais quelqu'un lui apprenait sa véritable nature ?