Après la tempête, l'ouragan

Avec Jeremiah Stenson

Ses oreilles bourdonnent, pendant que Méira déambule dans les couloirs des Urgences. Tout autour d'elle, c'est la cohue. L'explosion a fait plusieurs blessés - certains gravement, d'autres moins, mais bouleversés. Il y a ceux qui accompagnent les victimes, encore sous le choc de ce qui vient de se produire. Personne ne comprend. Les infirmières et les médecins se pressent autour de ces corps. Les ambulanciers arrivent par groupe, amenant d'autres brancards, avec d'autres blessés. Ca parle fort, ça crie même parfois. Les gémissements se mêlent aux larmes. Personne ne comprend. Méira, si.

Elle sait que des membres de Genetic ont mis au point une stratégie pour atteindre les portes de Genome, et qu'ils ont pu pénétrer comme dans du beurre dans les édifices. Elle sait qu'elle a été prise en otage avec sa collègue Addison - dont elle a perdu sa trace depuis plusieurs heures maintenant. Elle sait qu'un flic est mort sous ses yeux, d'une balle en pleine tête. Elle sait qu'une folle furieuse, Dakota, en voulait à sa vie. Elle sait que les dossiers ont été mis en danger. Elle sait qu'elle a fait son devoir en protégeant au mieux la salle des machines.

Après... C'est un peu brouillon. Il y a eu cette seconde explosion, et ce silence. Et puis cette téléportation, dehors, au milieu d'un tas de gens tout aussi désorientés. Méira avait fui, sans même se poser de questions. Elle a couru jusqu'à en perdre haleine. Ses pas l'ont dirigé directement à l'hôpital. Se rendre utile, c'était son unique objectif maintenant. Laisser ses doutes de côté, sa colère, son propre choc. Rassurer, calmer les victimes, elle pouvait faire.

La blondinette déambule dans les couloirs, le regard un peu perdu. Elle vient de s'occuper de ses coupures au visage et aux bras. Elle a enfilé sa blouse, et se dirige maintenant vers les admissions. Quelqu'un se met alors à hurler. "Quelqu'un, s'il vous plaît! Aidez-moi!"
Méira s'approche du jeune homme. Il tente comme il peut de traîner un autre homme à bout de bras. "Je l'ai trouvé dans la rue, il ne m'a pas répondu! Je crois qu'il respire encore, mais p'tet même pas, il est mort ? Hein ? Il est mort ?" La panique se lit sur son visage, il parle très vite et laisse peu de place aux réponses. Méira fini tout de même par en placer une. "Calmez-vous, je vais m'occuper de lui, d'accord ?" Rapidement, elle place ses doigts au niveau du cou de la victime pour sentir son poul. Elle hoche la tête, esquissant un faible sourire. "Il est vivant. Venez, nous allons l'allonger". La jeune femme aide l'homme à porter l'inconnu. Alors qu'ils arrivent à le poser sur un brancard, Méira peut enfin découvrir le visage de cet inconnu. Et c'est alors que tout s'arrête. C'est comme s'il n'y avait plus aucun bruit autour d'eux. Tout fonctionne au ralenti, tandis que Méira pâlie à vue d'oeil. Ce n'est pas possible, ses yeux lui mentent. Et pourtant que c'est son visage, son nez, ses cheveux. Et pourtant qu'elle le connaît par coeur, ce visage. Il a du sang un peu partout, des plaies et des ecchymoses, mais si, c'est bien lui. Dans un murmure à peine palpable, la jeune femme arrive à prononcer son prénom. "Jeremiah..."

Méira retrouve en quelques secondes ses esprits. Elle ne peut pas flancher, pas maintenant. Il a besoins d'elle, elle doit tenir. Rapidement, elle le met sous scop. Sa tension est basse, mais les battements sont forts. Jeremiah a perdu connaissance, mais il vit. La jeune femme fait une pression sur son thorax pour vérifier les réflexes de douleurs. OK. Elle retire le vêtement du jeune homme pour voir l'étendu des dégâts. Une balle l'a touché dans l'épaule. Elle le soulève pour regarder si la balle est ressortie et grimace. Pas de plaie de sortie. Elle se tourne, regardant tout autour d'elle, cette foule qui grouille de partout. "J'ai besoin d'aide par ici ! Appelez-moi tout de suite un chirurgien et libérez-moi une salle de trauma!"

Pendant que des infirmières s'affairent à pousser le brancard, Méira se penche vers Jeremiah. "Tiens bon, je t'en supplie, ne m'abandonne pas. Je suis là, je vais te soigner, mais toi tu dois t'accrocher, c'est compris ?"

HRP:

L'équipe médicale s'affaire autour du brancard. Une infirmière branche le tensiomètre, une autre lui fait une prise de sang, pendant que Méira lui injecte 10mg de Morphine pour la douleur. Très vite, elle s'approche de nouveau de sa blessure. Le sang coule peu, il s'agit sûrement d'une hémorragie interne. Son boulot est de maintenir Jeremiah en vie. Son boulot est toujours de maintenir en vie les patients, jusqu'à l'arrivée du chirurgien - quand il y a en a besoin. Aujourd'hui. Bien sûr, il fallait que ça arrive aujourd'hui. Après les explosions, il y avait des blessés partout et peu de chirurgiens disponibles. Il fallait redoubler d'effort pour garder les blessés en vie. Et il ne fallait surtout pas le perdre lui ...

Elle se penche vers Jeremiah, qui semble peiner à ouvrir les yeux. Elle l'entend demander de l'eau. "Je ne peux rien te donner Jer, tu vas devoir te faire opérer très bientôt... Il faut que tu tienne le coup, ok ?" Elle lui caresse doucement le front avant de se tourner vers une infirmière. "Passez-moi le masque à oxygène, il a du mal à respirer." Méira pose le masque contre la bouche de Jeremiah et le fixe. Il faut que le chirurgien se dépêche ... "Jonson arrive dans 15 min" Méira se tourne vers l'aide-soignante venue pour la prévenir et la fusille du regard "Tu te fous de moi ? 15 min ?!" elle souffle et regarde la plaie, grimaçant. "Apportez-moi un échographe portable tout de suite !" elle marque une pause, éponge son front de son avant-bras.

Une fois la machine rapportée, Méira démarre l'échographe et passe le tube au niveau de l'épaule de Jeremiah, à la recherche de l'hémorragie. "Où est-ce que tu te caches, saleté ...." la balle s'était déplacée et il y avait bien une hémorragie, au niveau du thorax. Tout ce que pouvait redouter la blondinette était en train de se passer à l'instant, sous ses yeux. Elle se mord la lèvre inférieure au point presque de la faire saigner. On le dit souvent. Il n'est pas bon de prendre soin des gens qu'on aime. Les médecins sont aussi des être humains, qui aiment. Méira avait l'homme qu'elle aime juste au-dessus d'elle. Sa vie entre ses mains, pour encore 15 minutes. Et ça peut être bien long... Juste une minute...

Elle s'empêche de flancher. Elle doit encore tenir un quart d'heure. Et Jeremiah ne la laissera pas tomber. Elle prend le temps de se pencher de nouveau vers lui. "Si tu ne t'accroches pas, j'te tue !" Elle se redresse et reprend ses esprit. "Kit de thoracotomie"

Méira est assise dans un couloir, sa blouse couverte de sang. Elle a ramené ses genoux près de sa poitrine, son menton posé sur les genoux. Les larmes roulent sans qu'elle n'arrête quoique ce soit. Elle pleure, en plein milieu d'un couloir vide. Jeremiah a été emmené d'urgence en chirurgie. Son coeur s'était arrêté dans ascenseur. Il a été relancé rapidement. Il est entré dans le bloc opératoire, et depuis rien. Méira attend, seule, dans ce couloir froid. Elle a fait son maximum. Nous avons fait tout ce qu'on a pu. C'est une phrase qu'on vous enseigne à l'école de médecine. Les gens la répète sans qu'elle ne fasse rien. On sait pourtant qu'en disant cette phrase, c'est que la personne n'a pas survécu. Mais on sait aussi qu'on a fait tout notre possible ... Et pourtant. Méira se répète cette phrase depuis pas loin d'une bonne demie-heure, et ça ne l'aide pas. Elle a tout fait, plus encore. Elle s'est acharnée. Et de savoir qu'elle a fait tout ce qu'elle a pu ne suffit pas. Elle est assise, seule avec elle-même, sa peine, ses craintes, qui lui tordent l'estomac. Les larmes coulent. Elle n'a même pas la force de se relever. Elle a peur. Peur de perdre la personne qui compte.

Jeremiah est dans sa chambre. Tout s'est bien passé dans la salle de réveil. Il a survécu. Son coeur s'est arrêté une autre fois dans le bloc. La balle avait atteint le coeur. Mais les chirurgiens l'avaient relancé. Il a survécu. Méira est assise près de lui, la tête posé sur le lit. Elle est épuisée, mais surveille. Elle jette un oeil très souvent sur le moniteur, contrôle sa tension toutes les 10min. Elle attend qu'il se réveille ...

Alors qu'elle prend encore une fois sa tension, son coeur se soulève tout à coup. Il a ouvert la bouche. Il a parlé. Elle le fixe, encore incrédule. Il est bien là, les yeux ouverts. Elle se rapproche, esquissant un très faible sourire. "Hey ..." elle soulève délicatement son masque à oxygène. "Tu nous a fait une belle frayeur tu sais ..." De nouveau, la jeune femme ressent les larmes couler le long de ses joues. Elle sait qu'elle n'était pas loin de le perdre. A un fil ... "N'essaye pas de trop bouger, tu as subit une lourde opération ... Tu te rappelles ce qu'il s'est passé ? réflexes de médecin. S'assurer qu'il n'a aucun problème cérébral...

Méira reprend peu à peu sa respiration. Jeremiah est là, bien vivant devant elle. Il n'est pas dans une forme olympique, mais son cœur bat, il parle, la regarde. Il y a encore quelques heures, elle n'était plus sûre de revoir un jour la couleur de ses yeux. Elle avait peu qu'ils restent clos à jamais. Jamais elle n'avait eu aussi peur de sa vie - et pourtant qu'elle en a vécu des choses, sa chute étant adolescente par exemple. C'est sûrement ça, d'aimer quelqu'un. On finit par l'aimer bien plus que soi-même. Il compte tout à coup plus qu'autre chose, plus que sa propre vie. Elle ose à peine penser au pire. S'il n'avait pas survécu ... Elle n'aurait sans doute pas tenu davantage le coup. Elle est à lui, il n'y a plus moyen de faire machine arrière. Et puis de toute façon, elle n'en a pas envie.

La jeune femme remarque que la bouche de Jer est très sèche. Elle se rappelle que déjà aux urgences il avait demandé à boire. Elle se relève pour aller récupérer un glaçon dans un petit sceau, qu'elle avait mis près de son lit - au cas où il se réveillerait. Elle retourne s’asseoir à ses côté et passe doucement la glace sur ses lèvres, le faisant fondre lentement. "C'est la seule façon de boire pour l'instant."

Elle le regarde, l'écoute en hochant la tête. Son teint pâlit encore un peu - comme si cela était vraiment possible ! Un morceau du bâtiment tombé sur la tête et le dos. Il n'était pas en plein milieu de la foule, dehors. Il était ... "Alors tu étais dans ... Tu étais dans le bâtiment de Genome, c'est ça ?" Pourquoi il était là-bas ? Que s’était-il passé exactement ? Le flash du flic tué d'une balle dans la tête réapparaît à la jeune femme tout à coup. Elle frissonne. Toute cete agitation autour de Jeremiah lui avait presque fait oublié le reste. Presque. Maintenant que le jeune homme est hors de danger, tout revient à la mémoire de Méira, avec la force d'un boomerang.

Jeremiah la tire de ses pensées. La blondinette se tourne vers lui, tâchant d'esquisser un sourire de circonstance, qui se veut rassurant. Ca ne marche pas vraiment très bien, mais elle ne peut pas le bombarder de questions après ce qu'il venait de vivre. Elle ne pouvait sûrement pas lui raconter non plus les épreuves qu'elle avait elle-même vécu à Genome. Bref, elle doit garder le sourire. "Oui ?" Méira lui prend doucement la main pour l'empêcher de s'agiter.

Méira comprend aux regard interrogateurs de Jeremiah qu'il ne connaissait même pas le bâtiment dans lequel il se trouvait. C'est donc bien ce qu'elle commençait à comprendre, alors qu'elle était coincée dans cette pièce avec cette chère Dakota, folle de la gâchette. Genetic avait eu un plan, mais tout ne s'était sûrement pas passé comme prévu, ils avaient embarqués avec eux des innocents, des gens qui ne connaissaient peut-être même pas tout ça, projetés au milieu de cette guerre sans en comprendre le sens. Des innocents sur lesquels on n'hésitait même pas à tirer. La blondinette fixe le bandage qui entoure l'épaule de Jeremiah, s'étendant jusqu'à son torse. Il avait failli mourir là-bas, sans même savoir pourquoi. Ils auraient été capables de l'abattre, comme on abat un animal. Méira empoigne alors la couverture et la serre fort.

Elle relève la tête, alors que le jeune homme lui demande si elle était elle aussi dans l'immeuble. Méira hoche doucement de la tête. "Oui, j'y étais moi aussi..." Elle n'a pas envie d'en dire plus. Elle ne veut pas l'inquiéter, l'embêter avec des détails. Tout ce qui compte, maintenant, c'est lui. Il est là, il a survécu, il respire et lui parle. Il est là, et rien de plus ne doit avoir d'importance. Et pourtant, au fond d'elle, Méira ressent une colère énorme. Elle ne sait toujours pas comment ces enflures ont pu pénétrer si facilement dans Genome. Comment ils avaient pu être si peu préparés face à cette éventualité. Elle ne comprend pas ... Et ce manque de réponse la ronge, petit à petit.

Alors que Jeremiah écarte les bras pour lui faire de la place, la jeune femme vient s'allonger à ses côtés, contre lui, en prenant soin de ne pas lui faire mal. Elle pose sa tête sur un bout d'oreiller et ferme les yeux, essayant de chasser de sa tête cette multitudes de questions qui ne trouvent aucune réponse. Elle tâche de vivre ce moment présent. Il est vivant. Elle peut entendre les battements de son cœur, ces même battements qui la calment. "Je suis tellement contente que tu ailles bien ... et désolée aussi que tu te sois fais piégé et tiré dessus. On trouvera les coupables ... On les trouvera."