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 Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]

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Maira MP
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MessageSujet: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeMer 18 Mai - 12:59

Le soleil était encore chaud et la fraicheur avait déjà quitté depuis bien longtemps les murs des bâtisses. On avait parfois l'impression de passer dans une étuve, mais par bonheur un petit vent frais faisait courant-d'air à chaque allée transversale à la rue que remontait Maïra. Les pires heures étaient tout de même passées et la chaleur était nettement moins écrasante. La jeune femme revenait d'une séance avec un jeune, mais c'était assez spécial en comparaison avec ce qu'elle faisait d'ordinaire. Un jeune muet de quinze ans très renfermé sur lui ne parlait plus avec son psychologue et complexait visiblement sur son "handicap". On lui avait demandé de rencontrer cet adolescent pour parler avec lui parce qu'elle était la plus jeune de l'équipe pédagogique et que même sans être diplômée en psychologie comme l'était un médecin du domaine, elle serait à même de le comprendre mieux. Dans un sens, ça la faisait rire de savoir que certains étaient qualifiés pour sortir ce genre de choses. Mais si ça pouvait aider ce gosse, pourquoi pas ? Les rayons du soleil piquaient la peau de ses bras déjà bien dorés à cause des longues journées à l'extérieur. Elle espérait ne pas attraper de coup de soleil avant d'arriver chez elle, en cette saison cela arrivait vite et on ne le voyait souvent pas venir.

D'un coup, son pied manqua de glisser sur quelque chose, mais voyant que cette chose avait quand même une consistance, elle fut soulagée de ne pas avoir mis les pieds dans une déjection canine. Elle baissa les yeux et vit un porte-feuille sous sa chaussure. Face à ce genre de situation, il existe plusieurs types de réactions. On peut simplement aller aux objets trouvés et le donner en l'état, au risque qu'un policier peu scrupuleux n'en fasse le tour avant de le rendre à son propriétaire. D'autres le videraient eux-mêmes avant de le donner à ce même service. Il y en a qui le garderaient simplement pour eux-mêmes, en n'oubliant pas de jeter à la poubelle ce qui n'est pas intéressant. Il existe aussi des gens qui en profiterait pour voler l'identité de la personne à qui appartient le porte-feuille, mais là, c'est encore une autre histoire. Non, Maïra se contenta de l'ouvrir pour regarder le nom et la photo du propriétaire, histoire de pouvoir le lui remettre en mains propres, vu que le prévenir par téléphone était un peu difficile. A moins de demander à Léo ou à Dylan de passer le coup de fil à sa place ? C'était faisable.

La jeune femme glissa donc sa trouvaille dans son sac à mains et reprit son chemin, certaine qu'elle trouverait le numéro de Ross MacGregor dans l'annuaire ou une autre manière de le contacter. Elle pressa un peu le pas, n'ayant envie que d'une bonne douche et de se mettre à l'aise pour terminer de lire un thriller sur son canapé. Ce n'est pas la peine de sourire, on a tous nos petits plaisirs dans la vie ! La légère brise et ses mouvements faisaient s'enrouler autour de ses chevilles les bords de sa longue robe bleue marine rehaussée d'arabesques plus claires. Par cette chaleur, elle aurait sans doute mis plus court pour être plus à l'aise, mais pour rencontrer un adolescent, elle avait préféré jouer la carte de la décence. Elle parcourait d'un œil rêveur les étals le long du trottoir, laissant ses idées vagabonder d'un sujet à l'autre sans réelle logique ni transition. Puis, son esprit s'arrêta net dans sa réflexion. Il lui fut impossible de retrouver la conclusion qu'elle venait de tirer à propos d'un sujet quelconque, mais en revanche elle venait de retrouver le propriétaire du porte-feuille qu'elle avait ramassé peut-être une minute plus tôt. Fallait-il encore que ce soit vraiment lui et pas seulement un homme qui lui ressemblait vaguement. Après tout, elle n'avait vu de lui qu'une photo d'identité et on sait tous à quel point c'est une excellente référence visuelle.

Préférant une vérification au lieu d'une certitude instinctive dans laquelle il valait mieux ne pas avoir confiance, elle sortit l'objet de tant d'hésitation et l'ouvrit pour revoir les papiers de l'homme. C'était assez difficile étant donné qu'il n'était pas face à elle, mais elle avait bien l'impression que c'était lui. La couleur des cheveux, déjà. Celle des yeux avait l'air de correspondre aussi. Le nez et la bouche, elle en était moins sûre. Maïra avait une piètre imagination quant à ce genre de choses, et elle ne pouvait reconnaître vraiment une personne qu'après l'avoir vue au moins une fois pendant plus de dix minutes. Les rencontres insignifiantes des amis des amis sur un bord de trottoir à la sortie d'un pub ne lui laissait jamais une grande emprunte et tant mieux car cela lui permettait d'éviter pas mal de gros lourds. Presque sûre d'avoir trouvé le propriétaire de sa trouvaille, elle résolut finalement de l'approcher pour le lui demander. Il serait beaucoup plus simple de lui montrer le porte-feuille et lui demander s'il était à lui, mais le problème restait que si ce n'était pas le sien et qu'il l'embarquait quand même, elle aurait l'air fin. En même temps, elle se disait qu'il n'y avait pas une si grande frange de gens malhonnêtes mais pour cet infime pourcentage de la population, elle préférait ne pas prendre de risques pour celui qui serait bien embêté s'il ne revoyait pas ses papiers. Maïni eut un sourire en se disant qu'il était attablé à un bar et qu'il aurait eu une sacrée surprise au moment de l'addition.

Se décidant enfin pour une solution plus prudente, elle remit l'objet dans son sac et en sortit son calepin et son crayon. Elle nota d'une écriture lisible et régulière un petit mot dessus puis arracha la feuille avant de s'avancer entre les tables jusqu'à celle du dénommé Ross MacGregor et se demandant comment il allait le prendre, elle lui tendit la feuille. Tout en le dévisageant, elle se dit qu'elle n'avait pas pu se tromper pour le coup, mais opta tout de même pour une expression avenante pour qu'il ne se sente pas agressé par une inconnue qui lui donnait un bout de papier pour communiquer.


N'auriez pas perdu un porte-feuille, par hasard?
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Ross F. McGregor

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MessageSujet: Re: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeDim 29 Mai - 19:03

[Avec mes excuses pour le temps apporté à te répondre ^^"]

Il faisait beau, il faisait chaud. Ross aurait pu profiter de sa piscine mais il avait préféré aller faire un tour en ville. L’air ambiant de la maison était pesant depuis la catastrophe du gymnase. L’écossais et son neveu n’en étaient pas sortis indemnes. Si les blessures physiques étaient guéries, il n’en était pas de même pour les blessures morales. Ce fut lors de cette malheureuse soirée que Wyatt découvrit la capacité de son oncle alors qu’il lui avait toujours caché. Il apprit également qu’il oeuvrait pour une organisation secrète, Genome. L’adolescent vécut cette découverte comme une trahison. Il en voulait à son oncle et ne lui adressait plus la parole depuis. Le silence instauré entre eux était insupportable pour l’écossais ; et encore, le jeune homme ne savait pas tout ! Pour tenter de renouer le dialogue, Ross emmena Wyatt en terrain neutre, au Blue Lake. Il lui expliqua encore une fois les raisons de ses non-dits. Il prit également la décision de dévoiler le secret de sa naissance. En avouant à Wyatt qu’il était son père biologique, il avait trahis la promesse faite à sa meilleure amie décédée, Nicole, mère du jeune homme. Cette révélation fit l’effet d’une bombe et fut saluée par une belle insulte accompagnée d’un coup de poing dans la figure. L’écossais fut blessé mais ce n’était rien comparé à son fils. Ce dernier n’acceptait pas les mensonges de son père qu’il croyait être son oncle. La discussion fut extrêmement pénible. Le métier exercé par l’homme ne lui fut d’aucune utilité Trop affecté par la situation, il s’était retrouvé démuni devant la souffrance infligée à son fils. Les deux hommes repartirent sans même profiter du pique nique qu’ils avaient emporté. Ils n’avaient plus faim, tous les deux. Malgré tout, l’abcès fut percé mais il n’en demeurait pas moins que l’atmosphère familiale était toujours très tendue. Wyatt avait besoin de temps pour intégrer les nouvelles données. Ross devait se montrer patient.

Cela faisait seulement deux ou trois jours que l’écossais avait tout avoué à son fils mais il avait l’impression que cela faisait une éternité. La joie de vivre de Wyatt n’était plus qu’un souvenir lointain. Le jeune homme était malheureux par sa faute. La culpabilité rongeait petit à petit le cœur de l’écossais qui n’arrivait pas à dépasser ce sentiment destructeur. Il était impuissant et devait compter uniquement sur le temps qui passait pour panser les blessures infligées au fruit de ses entrailles. Et encore… avec une tête de mule comme Wyatt, Ross n’avait aucune certitude ; il espérait de toute son âme que son fils lui pardonne… un jour… peut-être. Si seulement il avait été moins idiot, il n’aurait pas fait cette promesse à Nicole ! Il était bien placé pour savoir qu’il ne fallait jamais mentir à un enfant sur ses origines, quelque soit son histoire. Comme quoi, quand les sentiments intervenaient, la raison ne faisait plus vraiment le poids.

A la terrasse d’un café, devant un verre de jus de fruits frais se réchauffant au fur et à mesure de ses pensées divagantes, Ross était en mode « dépression ». Ah, il était beau le l’homme accoudé à une table, avec sa barbe de trois jours et les yeux dans le vague ! Le monde aurait pu s’écrouler, il n’aurait pas réagi. Il était trop occupé à pleurer sur son sort ! Pourtant, le psychologue n’était pas un homme à se laisser abattre facilement. Il avait de la ressource habituellement. A la mort de sa meilleure amie Nicole, il fut très affligé mais les responsabilités l’avaient poussé à se surpasser. Il avait fait passer le bien-être de son fils avant ses états d’âme. En analysant la situation passée, il s’avérait que Wyatt avait eu besoin de Ross autant que Ross avait eu besoin de Wyatt pour retrouver le sourire.

Un bout de papier glissant sur la table le sortit de ses tergiversations mentales. Pensant qu’il s’agissait encore d’un mendiant quémandant une pièce, il ne leva pas le regard sur la personne qui tenait le petit feuillet, espérant ainsi qu’elle passerait son chemin. Ce ne fut pas le cas, le papier resta sur la table fermement tenu par une main délicate. Il prit alors connaissance des quelques mots inscrits et vérifia dans sa poche. Effectivement il avait perdu son portefeuille !

- Si, je crois. Pourquoi ? Vous l’avez retrouvé ? Demanda-t-il avant de laisser glisser ses yeux hagards sur une longue robe bleue marine jusqu’à rencontrer le regard d’une jeune femme.

Il fut surpris par cette prise de contact inhabituelle. Son esprit d’analyse se mit en route aussitôt. Si cette personne communiquait par écrit, c'était qu’elle n’avait pas l’usage de la parole. Il était donc fort possible qu’elle soit également sourde. Dans ce cas, elle n’avait pas pu entendre sa voix.

- Vous avez retrouvé mon portefeuille ? Répéta-t-il confus, en articulant clairement afin de lui permettre de lire sur ses lèvres.
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MessageSujet: Re: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeSam 4 Juin - 14:21

[Pas de souci, on a le temps Wink]

Il n'avait d'abord presque pas fait attention à son papier ou faisait exprès de ne pas le voir. Ce n'était peut-être pas le propriétaire du porte-feuille, après tout ? Les sosies existent de par le monde et après tout, elle aurait très bien pu avoir la malchance de tomber sur...Eh bien non, c'était lui. Comme quoi, elle qui était si sûre moins d'une minute plus tôt avait réussi à douter à cause d'un léger entêtement à ne pas la voir. Maïra remarqua alors qu'il avait répété sa question, la deuxième fois en détachant bien les syllabes. Deux solutions : soit il parlait toujours de cette manière -ce qui l'aurait grandement étonnée vu la facilité avec laquelle il avait prononcé la première phrase- soit il avait compris qu'elle était muette et pensait qu'elle était aussi sourde. Dans un sens, c'était très délicat de sa part d'y avoir pensé sans passer par la case "énervement". Elle lui signalerait le plus tôt possible qu'elle entendait parfaitement bien, histoire de lui éviter de se tordre le cou et assécher sa gorge.

Avant qu'il ne repose une autre fois sa question, elle acquiesça d'un signe de tête et fouilla dans son sac pour retrouver l'objet. La jeune femme écrivit d'abord un petit mot en dessous du premier sur son papier et lui tendit le tout. Dans la foulée, elle lui montra son oreille en faisant rebondir son doigt deux fois dessus puis lui fit un nouveau signe en joignant le pouce et l'index pour former un cercle. S'il comprenait, il ne se fatiguerait plus à parler aussi distinctement et l'échange serait un peu plus facile pour eux deux. Enfin, elle lui tendit l'objet de la conversation avec le même petit bout de papier.


Je l'ai juste ouvert pour regarder à qui il appartenait, mais je l'ai laissé tel que je l'ai ramassé.

C'était peut-être une précision inutile, il se doutait bien que si elle l'avait reconnu et qu'elle venait lui rendre le tout, c'est qu'elle avait ouvert pour jeter un œil en toute honnêteté. Mais comme beaucoup, elle ressentait le besoin de se décharger de toute responsabilité d'entrée de jeu. Après tout, rien ne disait qu'elle avait bien trouvé le porte-feuille à l'endroit exact où cet homme l'avait perdu. Quelqu'un d'autre avait pu le vider entre temps et par respect, Maïra n'avait pas vérifié s'il y avait de l'argent ou non à l'intérieur. Personne n'est obligé de se déplacer avec de la monnaie sur soi. Bref, il y avait une multitude de solutions quant au contenu de sa trouvaille et la jeune femme ne voulait surtout pas être accusée de quoique ce soit, bien que cet homme semblait tout sauf médisant. Il dégageait quelque chose qui signifiait bien qu'on pouvait lui faire confiance, un peu comme certaines personnes qu'elle avait croisées dans son travail, qui travaillaient soit dans l'assistance sociale ou les cellules psychologiques. Même quelques un des éducateurs ou infirmiers avaient cette même aura rassurante et bienveillante sans qu'on puisse savoir quoi. Parfois ce sont leur sourire et leurs attentions, d'autre fois leur délicatesse et leur mise en retrait ou tout simplement leur neutralité. Elle ne connaissait pas cet homme qui n'avait prononcé que quelques mots et tout juste levé les yeux vers elle, mais rien que pour la rapidité à laquelle il avait pensé à être compris dans tous les cas, elle pensait qu'il avait l'habitude de s'occuper des autres et de bien le faire. Ce n'était bien entendu qu'une simple première impression et elle était dans l'impossibilité de vérifier si elle était juste ou non.

Le temps qu'il lui réponde, elle le considéra d'un œil le plus neutre possible. Il fallait reconnaître que la photo d'identité n'avait pas grand chose à envier à l'homme assis en face d'elle. Il n'était pas mal, environ la quarantaine, mais il avait l'œil triste et morne et une barbe de quelques jours mangeait son visage. Maïni ne savait pas de combien de temps datait la photo, mais elle se demandait ce qui avait bien pu se passer pour qu'il en soit tellement différent ce jour-là. A moins qu'il n'ait fait un effort exceptionnel pour ce cliché? Là aussi, il y avait quantité de solutions possibles. Et puis, ça ne la regardait pas. Mais au-delà de ce dont elle ne pouvait pas se mêler, elle était en quelque sorte touchée par l'attitude de cet homme.

Dans un sens, il lui rappelait son père quand elle avait eu son accident. C'était certes son père, mais malgré son jugement altéré par l'affectif, il était plutôt bel homme, quoique ni grand ni costaud. Il était toujours fort et souriant face à toutes les situations, mais celle-là l'avait rendu presque malade. Il essayait de ne pas le montrer mais Maïra se souvenait suffisamment de son regard et de son attitude en général ces deux semaines qui avaient suivi l'annonce des médecins comme quoi elle ne parlerait plus. Jamais Maïni n'aurait pensé que ça lui mettrait un tel coup au moral, surtout au point de le rendre désagréable. Sa mère en était venue à le faire dormir sur le canapé pour avoir la paix. A bien y réfléchir, la jeune femme ne savait pas comment elle aurait réagi à sa place, mais elle ne considérait pas à ce jour que c'était quelque chose de si grave que ça. A moins qu'il ne considérait le fait que ça aurait pu être plus grave ? C'était une question à laquelle elle ne préférait pas avoir la réponse. Son père allait bien mieux et ils s'entendaient très bien, autant ne pas rouvrir la plaie.

La muette attendait la réaction de l'homme en face d'elle. Un simple "merci" suffisait amplement, mais elle ne voulait pas partir comme une voleuse. Peut-être que si elle avait été pressée, oui, elle se serait excusée et serait partie en courant, mais puisque ce n'était pas le cas, elle préférait s'assurer que tout allait bien avant de lui souhaiter la bonne journée.
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Ross F. McGregor

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MessageSujet: Re: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeSam 4 Juin - 23:34

- Oh désolé. Je pensais que vous étiez sourde. Constata-t-il confus.

En montrant son oreille et en faisant un petit signe signifiant ok, Ross comprit que la jeune fille ne souffrait pas de déficience auditive. Il avait du passé pour une personne pleine de préjugés mais à son corps défendant, il n’était pas courant qu’une personne muette entende normalement ; la surdité en était généralement la cause première. Si ce n’était pas le cas, le mutisme survenait souvent après un grave traumatisme psychologique ou un accident. Il n’avait pas prononcé le terme malentendant car il trouvait hypocrite d’employer des mots jugés politiquement corrects simplement pour ne pas heurter les susceptibilités des gens, soit disant, bien pensants. Le psychologue préférait appeler un chat, un chat ; un malentendant ou un malvoyant n’avait pas complètement perdu l’usage de l’ouïe ou de la vue. Il trouvait ridicule de ne pas utiliser le vocabulaire approprié.

Après avoir lu le petit mot écrit par la jeune femme, il prit son portefeuille et y jeta un rapide coup d’œil. Il fut surpris de constater que rien ne manquait.

- Merci beaucoup. J’aurais eu l’air fin en voulant payer mon verre. Dit-il dans un demi-sourire.

En fait, il n’aurait pas été embêté plus que ça. Au pire, il se serait fait embarquer par les flics si le propriétaire de l’établissement n’avait pas voulu lui faire crédit. Par contre, il aurait été contrarié par la perte de ses papiers. Il aurait été obligé de faire opposition, de faire une déclaration pour ensuite pouvoir faire refaire sa carte d’identité et obtenir une nouvelle carte de paiement. Actuellement il avait bien d’autres chats à fouetter que de s’occuper de ce genre de paperasseries.

- Si vous avez le temps, puis-je me permettre de vous offrir quelque chose ? Proposa-t-il en désignant d’une main la chaise qui se trouvait face à lui.

Il lui devait bien ça, ne serait-ce que pour lui prouver sa reconnaissance de lui avoir évité un problème supplémentaire. Et puis, discuter avec une jeune femme qui ne le harcellerait pas de questions verbales serait peut-être une bonne chose. Depuis quelques temps Ross n’avait pas beaucoup l’occasion de communiquer. Seule sa profession l’obligeait à parler et, à vrai dire, il s’en serait bien passé. C’était ce qu’on appelait communément de la conscience professionnelle.

En songeant au comportement inhabituel du psychologue, le silence imposé par son fils l’avait indéniablement perturbé. Il n’éprouvait plus le besoin d’aller vers les autres, il n’avait plus envie de sauver la veuve et l’orphelin, il se sentait vidé et n’essayait même pas de surmonter ses faiblesses. La seule chose à laquelle il se rattachait était l’espoir de renouer une relation normale avec son fils. Cet espoir était tellement infime qu’il lui était difficile de garder le moral. Il s’y attelait comme il pouvait mais ce n’était pas simple. Sa vie, jusqu’à la soirée du gymnase n’avait pas été des plus faciles mais l’écossais ne s’en était jamais plaint car il y avait des vies bien plus difficiles et compliquées que la sienne. Il disait même qu’il était heureux, et il l’était. A l’heure actuelle, il était dans l’incapacité de relativiser, de prendre du recul, de se faire une raison. En fait, il était capable de pas grand-chose.

Comme quoi Lamartine avait raison : "un seul être vous manque et tout est dépeuplé."

Il était temps de repeupler son petit monde. Cette jeune fille était peut-être une envoyée du hasard ? Une petite étoile filante dans la nuit noire ? Encore fallait-il qu’elle ne file pas trop vite et accepte de partager sa table ! Elle avait sans doute tout un tas de choses à faire et n’avait certainement pas envie de s’attarder avec un homme à moitié dépressif et de surcroît étourdi.

- Si vous n’avez pas le temps, je comprendrais. Un autre jour peut-être… Dit-il d’une voix monocorde en s’accoudant de nouveau à la table.
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MessageSujet: Re: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeLun 6 Juin - 20:38

Elle répondit à son excuse par un sourire avenant, levant la main au niveau de son plexus en signe que ce n'était pas grave. Après tout c'aurait très bien pu être le cas et quand bien même ça ne l'était pas, Maïra ne se vexait pas pour une bonne intention. La jeune femme ne releva pas non plus le terme qu'il avait employé. On donnait des qualificatifs spéciaux pour les sourds et les aveugles, mais pas aux muets, juste pour une histoire de politiquement correct. Rien que le fait de vouloir atténuer une appellation prouve que ceux qu'elle désigne dérangent, dans le fond. La jeune femme partait du principe que si l'on changeait un mot par un autre, c'était à la limite du pire car on démontrait ainsi son intention de ne pas être péjoratif et dans ce cas, c'est qu'on avait quelque chose à se reprocher, non ? Comme si le qualificatif sourd était réservé aux personnes âgées et aveugle à des infirmes qui font la manche au coin de la rue...

Mais il ne servait à rien de s'étendre sur le sujet. Il était en train de vérifier le contenu de son porte-feuille et inconsciemment, Maïni retenait son souffle. C'est fou comme on peut se sentir concerné par quelque chose qui nous est complètement externe. Dans le cas de la jeune muette, c'était surtout parce qu'elle aimait bien faire les choses et sans doute que son métier l'influençait aussi dans le fait de toujours vouloir apporter son aide aux autres. Peut-être est-ce dans la nature humaine de vouloir se rendre utile ? Elle se souvenait que quand elle était allée au Brésil, sa grand-mère lui avait expliqué qu'à l'époque où elle était encore une enfant, elle vivait dans une tribu comme on en voit plus. C'était certes bien différent d'avant l'arrivée des colons, mais l'aïeule lui avait raconté que dans ces tribus il n'y avait pas la place pour des tâches inutiles au bon déroulement d'une vie ordinaire. De nos jours, cela ne veut plus rien dire. Nous sommes dépendants de choses qui n'existaient même pas au début du siècle alors que d'autres personnes cherchent encore à subvenir à des besoins primaires. Il en résulte tout de même que la notion d'utilité est présente depuis longtemps chez l'être humain et il est difficile de l'en dépêtrer.

Il lui proposait un verre ? Une expression surprise passa sur le visage de la jeune femme. Non pas que la générosité ne se voyait plus de nos jours, mais la spontanéité avec laquelle il avait sorti cette phrase était agréablement étonnante. Elle comprenait tout à fait qu'il ait envie de la remercier, elle aurait fait la même chose à sa place. Perdre ce genre de documents n'avait rien de drôle. Autant l'argent n'était pas ce qu'il y avait de plus grave. Les procédures pour faire opposition aux cartes de paiement et celles pour refaire les papiers d'identité étaient déjà une toute autre paire de manches. Sans parler des risques de vol d'identité qui ne sont pas aussi rares qu'on veut bien le croire. Mais en deçà de la paranoïa, il restait tout de même les démarches administratives longues et parfois coûteuses, sans parler de la déclaration de vol. Oui, sans aucun doute, Maïra aurait fait la même chose à sa place : proposer un petit dédommagement, même si ce n'était que pour se donner la conscience tranquille et aussi un peu pour faire plaisir à quelqu'un qui vient de vous soulager d'un poids plutôt conséquent. Elle se souvenait d'une petite fille qui lui avait retrouvé ses clés quand elle habitait encore chez ses parents. Une petite bouille adorable avec de grandes billes noires et des boucles brunes à en rendre jalouse plus d'une. Elle avait été heureuse comme une reine quand Maïni lui avait donné un sachet de bonbons pour la remercier. Rien que pour son sourire ravi, la jeune femme avait été contente de son geste.

Cependant, elle avait l'impression qu'il n'y avait pas que ça. Cet homme semblait...un peu seul mais surtout triste. Peut-être qu'il avait besoin d'un peu de compagnie ? Celle d'une muette n'était sans doute pas la meilleure, mais elle était bien placée pour savoir que le silence est parfois ce qu'il y a de plus appréciable quand ça ne va pas. Les gens ne comprennent pas toujours la valeur du silence. C'est un moment de partage comme les autres, peut-être parfois plus profond que les longs discours. C'est quand on peut rester longtemps sans parler avec quelqu'un sans se sentir mal à l'aise que l'on peut apprécier la qualité d'une relation, il paraît. Dans le cas de Maïra, ça pouvait paraître simple, mais pas tant que ça. Les autres pouvaient parler, eux, et ne s'en privaient pas, souvent bien contents d'avoir une personne pour les écouter sans les couper. Elle ne savait pas si c'était ce dont avait besoin cet inconnu, du moins pas avant qu'il ne prononce sa dernière phrase. Son ton morne trahissait quelque chose, mais la jeune femme était incapable de dire quoi. Elle savait simplement qu'elle pouvait lui sacrifier du temps, puisqu'il avait l'air de le vouloir. Après tout, que risquait-elle dans un lieu public ? Et ce n'était pas comme si quelqu'un l'attendait à la maison. Pour passer la soirée seule, autant qu'elle ait employé sa journée utilement avant. C'était dans le fond une déformation professionnelle de vouloir voir sa propre utilité partout mais se dire que des gens avaient besoin d'elle quelque part la réconfortait intérieurement. De l'égoïsme ? Peut-être, mais au moins faisait-elle quelque chose qui n'était pas toujours vain ni malhonnête. Pendant qu'elle avait l'impression d'aider une personne, elle oubliait qu'avec son handicap elle pourrait être dans une belle galère.

Avec un sourire, elle acquiesça d'un petit signe de tête et prit place sur la chaise naturellement, comme si elle était venue voir un ami selon un rendez-vous prévu. Elle posa son sac juste derrière son dos, sachant que si elle s'asseyait au fond de la chaise, ses pieds ne toucheraient de toute manière pas le sol. Rapidement, Maïni écrivit une petite réponse sur une nouvelle feuille de son calepin.


Proposé si gentiment, je ne peux pas refuser ! Merci.

C'était peut-être un peu maladroit, mais elle ne voyait pas comment faire autrement sans lui faire comprendre qu'elle restait plus pour sa mine abattue que pour profiter de l'offre. Lui adressant un sourire doux, elle referma son carnet et posa son crayon dessus, les repoussant de quelques centimètres sur le côté en signe qu'elle ne les utiliserait pas avant un moment, qu'elle se mettait en retrait. Le langage corporel est quelque chose d'inné que l'on comprend parfois sans faire vraiment attention aux gestes des autres. C'était pour cette raison que la jeune femme jouait beaucoup dessus. Le serveur vint prendre commande et sans chercher midi à quatorze heures, elle lui fit signe qu'elle prenait la même chose que son interlocuteur. Si c'était sans alcool, elle aimait tout et si c'était chargé, elle rentrait de toute manière à pieds. Reposant ses yeux clairs sur le dénommé Ross, elle lui sourit et reprit la petite feuille volante pour s'y présenter.

Maïra-Maïni Peterson, mais appelez-moi Maïra. Enchantée.
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Ross F. McGregor

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MessageSujet: Re: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeVen 10 Juin - 23:29

Ross amorça une esquisse de sourire en voyant la jeune femme s’installer à sa table. Il se redressa pour paraître moins pitoyable et lire ce qui était écrit sur le feuillet. Ce n’était que quelques mots de politesse mais ils avaient leur importance. Par les temps qui courraient, il était malheureusement trop courant de rencontrer des gens mal élevés pour ne pas dire imbuvables. Les pressions de la société avaient fait de certains être humains, des robots ou des bulldozers, écrasant tout sur leur passage sans se soucier des conséquences, ne pensant qu’à leur petite personne. Lorsqu’un individu relevait leur comportement irrespectueux, ils ne semblaient pas comprendre ; ils dévisageaient le moraliste comme s’il était un martien ou l’ignorait royalement, persuadés d’avoir raison. Ces individus profitaient de leurs droits mais oubliaient qu’ils avaient aussi des devoirs.

Ce n’était pas le cas de cette jeune femme, assurément. Elle s’était montrée serviable en rapportant le portefeuille, honnête car rien ne manquait, polie et aimable. Elle avait accepté de boire un verre en compagnie d’un homme qui ne respirait pas la joie de vivre tout en le remerciant. Elle avait sans doute un million de choses plus intéressantes et plus alléchantes à faire que de tenir compagnie à un quadragénaire déprimé. Cependant, elle avait accepté courtoisement de partager sa table. C’était à l’écossais de lui rendre grâce de lui octroyer un peu de son temps.

- Merci à vous Maïra. Enchanté également.

La sincérité de Ross ne se lisait pas sur son visage. Il n’avait pas spécialement envie de parler mais il n’était pas mécontent de se retrouver en si charmante compagnie. Il devait faire un effort pour ne pas se montrer trop taciturne s’il ne voulait pas qu’elle s’éclipse au bout de deux minutes. En avait-il la force ? Il n’en savait rien mais il ferait son possible pour dissimuler son désarroi et son sentiment de solitude. Il était bien placé pour savoir que ces sentiments négatifs faisaient fuir la plupart des gens alors que ceux qui les ressentaient avaient besoin de soutien. C’était dans de telles circonstances que les amis étaient reconnaissables.

Maïra était une inconnue mais semblait avoir toutes les qualités pour devenir une amie. Ross planta son regard dans celui de la jeune femme comme s’il cherchait la confirmation de ses hypothèses. Il sentit naître un courant de sympathie pour la personne qui se tenait en face de lui. Cependant, il n’avait rien à lui dire, ou trop. Le psychologue n’était pas homme à s’épancher sur son cas même s’il savait que ça lui ferait le plus grand bien, encore que... Il ne dit mot jusqu’à ce que le serveur ramène la commande de son invitée.

- Une bière écossaise. Vous m’en direz des nouvelles. Dit-il pour rompre le silence et signifier ce qu’elle avait commandé.

C’était d’un banal ! Habituellement, le psychologue n’était pas le dernier à lancer un sujet de conversation mais pour le moment c’était le vide intellectuel. Il baissa la tête et passa la main sur sa nuque comme si ce geste pouvait faire surgir une brillante idée. Rien n’y fit, son cerveau était en marmelade. Il releva la tête et reposa son regard sur la jeune fille, un sourire gêné sur ses lèvres pincées.

- Excusez-moi Maïra, je ne suis pas trop dans mon assiette aujourd’hui. Indiqua-t-il maladroitement.

Il serait peut-être salutaire de parler un peu de ce qui le tracassait mais il n’avait pas à imposer ses histoires moroses à une personne, même si cette personne était très aimable. Ross ne se confiait pas à n’importe qui ; il ne se confiait à personne en fait. Il aimerait bien penser à autre chose qu’à ses fichus problèmes mais il n’y arrivait pas. Il but une gorgée de bière et reposa son verre, n’appréciant même pas la saveur du breuvage vanté deux minutes auparavant.
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MessageSujet: Re: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeJeu 16 Juin - 11:18

[Désolée pour le temps de réponse, j'ai été un peu longue =/]

Il ne respirait en effet pas la joie de vivre, mais pouvait-on le lui reprocher ? Assurément, non. Il y a toujours pire que son propre cas, nous nous le répétons suffisamment chaque jour pour le savoir, mais personne ne prend en compte le poids que l'on se met soi-même à cause de certaines raisons plus ou moins définies et justifiées. L'être humain des sociétés occidentales ne sait plus vivre simplement, respirer une grande bouffée d'air en se disant qu'il a quand même de la chance d'être en vie et en bonne santé, loin de la misère et entouré de ses semblables. En dehors de cette faute qui n'en est pas vraiment une, il existe une pression que certains ne sont pas aptes à subir, et quand bien même ils la subissent, il arrive toujours un moment où l'on finit par laisser tout s'évacuer. Souvent d'un coup. Maïra savait très bien qu'il était parfois dur de tenir la distance et les exigences. Les années de compétition où les performances n'étaient jamais assez bonnes, les parents qui faisaient pression pour qu'elle ait de bonnes notes, la perte de la parole...Elle avait de nombreuses fois lâché prise, avec honte, mais à ce jour elle avait au moins de la compassion pour les autres.

Elle gratifia le serveur d'un sourire puis reposa ses yeux clairs sur son interlocuteur qui lui vantait les mérites de ce qu'elle venait de commander. Elle aurait au moins découvert quelque chose dans la journée ! La jeune femme conserva un léger sourire, ne voulant se montrer ni fermée ni hypocrite. Il avait l'air vraiment gêné... Ou quelque chose d'approchant. Peut-être que le manque de sujet de conversation ou le fait qu'elle soit muette enlevait le naturel et n'aidait pas son interlocuteur mais malheureusement elle aussi aurait aimé pouvoir faire autrement et ça n'était pas possible. A force d'écouter et de ne pas trop pouvoir communiquer, Maïni avait pris l'habitude que ce soient les autres qui engagent la conversation et elle de s'adapter. Aussi, elle ne savait pas trop comment procéder. Sociable, oui mais difficile de l'être complètement en étant muette. Le problème venait surtout du fait qu'elle faisait rarement une rencontre aussi accidentée. Si c'était pour le travail, elle savait ce qu'elle avait à dire ou à faire ; quand elle sortait, elle avait toujours des amis pour l'aider ou la sortir de mauvais pas mais là elle était seule face à un inconnu qui n'était pas au meilleur de sa forme.

Voyant qu'il ne disait rien, elle porta le verre à ses lèvres et prit une petite gorgée du breuvage pour d'abord tester le goût. La consommation d'alcool n'était pas du tout le fort de Maïra. En tant sportive, elle n'en buvait que très peu et dans des occasions très rares. C'était une hygiène de vie à laquelle elle s'était habituée et qui lui convenait très bien. Le goût cependant ne la dérangeait pas plus que ça, même si elle faisait très attention aux doses qu'elle prenait pour ne pas être ivre morte en deux deux. Et puis, elle devait avouer qu'elle avait soif avec cette chaleur.

Il prononça alors une phrase d'excuse, conscient qu'il n'était pas bavard. Si elle l'avait mieux connu, elle l'aurait gentiment charrié sur le fait qu'il n'avait pas bonne mine, mais elle s'en tint à la compassion qu'elle aurait servi à tout le monde. Il lui était sympathique. Il ne s'épanchait pas, ne larmoyait pas sur son sort et pourtant il semblait contenir du mieux qu'il pouvait quelque chose qu'il voulait extérioriser. Elle ne savait pas trop si elle devait l'inciter à se confier ou au contraire le laisser venir de lui-même. Certaines personnes n'aiment pas trop s'ouvrir, et aller les chercher pour les faire parler n'était pas la solution pour les aider.

Tout en le regardant faire, elle se demandait bien comment agir, quoi lui dire pour ne pas avoir l'impression de le forcer sans pour autant s'en moquer complètement. Maïni ne voulait surtout pas qu'il se sente comme face à un mur, même si elle se disait que peut-être l'entendre parler de ses problèmes l'impliquerait ou qu'ele entendrait quelque chose qu'elle ne voulait pas entendre. Après tout, elle ne s'engageait à rien en l'écoutant, c'était ce qu'elle se disait. Maintenant, il fallait trouver les bons mots et ça n'était vraiment pas évident. Elle savait que par déformation professionnelle, elle arriverait bien à composer une petite phrase correcte -et en ça, le temps que lui prenait l'écriture de ses messages l'aidait- mais en même temps, elle ne le connaissait pas du tout et elle pouvait se montrer très maladroit sans le vouloir. Alors, être neutre ou essayer d'être un peu plus compatissante au risque de se jeter dans le vide sans parachute ?

Elle reprit son carnet et l'ouvrit, mais le temps qu'elle se saisisse de son crayon, elle avait déjà oublié ce qu'elle voulait dire. C'était trop commun, sans doute, pas assez élaboré ou pas assez simple. De toute manière elle ne s'en souvenait plus, alors à quoi bon tergiverser sur la question ? Prenant une décision rapide, peu fière d'elle, elle opta pour la première chose qui lui passait par la tête. Après tout, la spontanéité était aussi bien que les phrases toutes faites. Même si elles allaient parfois de paire.


Ne vous inquiétez pas, ça arrive à tout le monde d'avoir des hauts et des bas. Je ne vais pas vous en tenir rigueur, bien au contraire.
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MessageSujet: Re: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeLun 27 Juin - 21:44

- C’est gentil. Murmura-t-il simplement après avoir lu les quelques mots de la jeune fille, pour la remercier de sa compassion.

Maïra avait raison : ça arrivait à tout le monde d’avoir des hauts et des bas. De par son métier, le psychologue ne le savait que trop ! Cela dit, ce n’était pas habituel chez lui. Certes, il avait traversé des épreuves tout au long de sa vie mais il s’en était toujours sorti, sans personne. Il était conscient qu’il y avait plus malheureux que lui mais là, il s’apitoyait sur son sort. S’il en était là, c’était uniquement de sa faute. La culpabilité était un sentiment difficile à surmonter et il ne voyait pas comment le dépasser. Jusqu’à présent, l’amour porté à son fils lui avait fait battre des montagnes ; il n’avait jamais baissé les bras. Désormais, c’était différent. Son fils n’était plus là et il ne trouvait pas la motivation suffisante pour remonter la pente. Il se demandait s’il n’était pas temps pour lui de consulter afin de trouver le soutien dont il avait besoin ou du moins une oreille attentive pour écouter ses jérémiades. Extérioriser ses ressentis aidait souvent à se sentir mieux ou moins mal.

Maïra faisait preuve d’une patience sans nom. Elle était trop charmante pour qu’il lui déballe ses états d’âme. De plus, ne la connaissait pas, il ne pouvait pas savoir comment elle réagirait

*Allez Ross, donne-toi un bon coup de pied au cul ! Tu ne vas pas rester là à sans rien dire comme une larve ? Ce n’est pas digne de toi !*

La fierté aidant, il but une autre gorgée de bière écossaise pour se donner du courage. Du courage, en avait-il encore ? Rien n’était moins sûr, mais il allait faire un effort, ne serait-ce que pour remercier cette jeune femme de bien vouloir perdre son temps avec lui.

- A défaut de parler de moi, si vous me parliez un peu de vous ? Lança-t-il gentiment.

Ecouter, l'écossais savait très bien faire sauf qu’il venait d’omettre un détail important : Maïra ne parlait pas. Il ne pouvait donc pas lui demander de longs discours. De plus, elle n’avait peut-être pas envie de parler d’elle à un inconnu. Décidément, Ross faisait encore preuve de maladresse. Il s’en mordit les lèvres intérieurement.

- Vous faites quoi dans la vie, à part rapporter des objets trouvés à des étourdis? Demanda-t-il en esquissant un léger sourire moqueur.

*Tu fais des progrès Ross ! A cette allure, tu vas la faire mourir de rire !*

L’autodérision était une façon de se sortir d’un mauvais pas. Elle ne réglait rien mais permettait de penser momentanément à autre chose. Ross en avait bien besoin ! Avoir l’esprit léger, ne penser à rien ou à si peu, c’était ce qu’il lui fallait.
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MessageSujet: Re: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeMar 28 Juin - 18:29

C'était peut-être méchant à dire, mais Maïra avait l'impression d'être en plein travail. Ça n'était pas désagréable pour autant, mais la situation lui rappelait étrangement certains épisodes de communication parfois difficiles avec des enfants, à la différence que cette fois-ci était beaucoup plus simple parce qu'il s'agissait d'un adulte. Elle aimait écouter les autres et ça n'était pas une simple résignation, même si au fil des années, son mutisme l'avait sans doute poussée à apprécier plus encore la voix humaine que la majeure partie des gens qui l'entouraient. C'était un mystère qui restait pour elle entier et insondable, mais elle ne voulait aucune explication scientifique qui gâcherait ce don qu'elle ne pouvait plus employer comme il lui aurait plu. Bien sûr, les points communs avec son travail s'arrêtaient simplement à ce petit statuquo ou personne ne savait quoi dire. Elle n'était pas pour le faire parler s'il ne le souhaitait pas et ne le ferait de toute manière pas. On ne sait jamais comment peuvent réagir les personnes que nous ne connaissons pas.

Maïra avait profité de son silence pour boire une gorgée supplémentaire, trouvant que pour une bière, le breuvage n'avait pas un goût si amer. Un point positif de plus avec sa fraicheur qui faisait du bien compte tenu du temps chaud de la saison. Elle eut un léger sursaut à sa question à laquelle elle ne s'attendait pas, mais heureusement elle avait déjà reposé son verre. C'était lancé sans malice, simplement pour combler le vide -car le silence ne demeurerait pas moins même si elle lui répondait- et quand bien même ce ne serait pas le cas, la jeune femme le prit comme tel. Elle entreprit alors de réfléchir à quoi lui dire. C'était quand même vague et il y avait à la fois tout et rien à dire, le genre de demande à laquelle on a une réponse complète une ou deux heures après, quand on a plus la personne intéressée sous la main. Mais sur le moment, il est toujours difficile de répondre. On ne sait pas si l'interlocuteur parle de passe-temps, d'emploi, de son identité, de sa famille, de sa vie en général...C'était tellement large et à la fois tellement simple.

Elle était encore en train de chercher quand il précisa son idée. C'était une tournure déjà nettement plus rassurante. Cette question n'était pas trop personnelle et restait dans les banalités d'usage quand l'on rencontre quelqu'un, preuve que c'était un homme délicat et fin qui ne cherchait rien de plus que de la discussion. Maïni en connaissait plus d'un qui avait la mention "dragueur du dimanche" inscrite sur le front avant même qu'ils n'ouvrent la bouche. La muette sentait bien que ce n'était pas du tout ce qui le préoccupait en ce moment. Dans le fond, elle aurait pu être un jeune homme, c'aurait été exactement la même chose et c'était ce qu'elle appréciait dans cette rencontre inattendue.

Lui adressant un sourire légèrement amusé à sa plaisanterie en demie-teinte, elle prit une nouvelle page de son carnet et son crayon. Maintenant restait à savoir comment elle allait tourner ça. A force de converser de la sorte, elle s'était rendue compte qu'elle réfléchissait plus vite et avait moins de problème avec ses tournures de phrases que certains de ses collègues très bavards. Cependant, expliquer ce qu'elle faisait comme métier avec précision et sans donner de fausse piste lui semblait plus difficile. C'est fou le nombre de choses que l'on a envie de dire quand on aime ce que l'on fait. On voudrait tout dire, mais on s'y perd... La jeune femme parlerait de son travail pendant des heures si elle avait la parole. Elle trouvait ce qu'elle faisait intéressant et utile -sinon elle ne l'aurait sans doute jamais fait- et elle y prenait beaucoup de plaisir. Le contact avec les enfants était surtout génial. Ils étaient une mine d'or de force morale et de bonne humeur. Ils étaient taquins et toujours gentils mais aussi très volontaires. Un régal, il n'y avait pas d'autre mot.

Cette fois, elle pensait avoir trouvé les mots pour définir ce qu'elle faisait. Avec application, elle écrivit les quelques phrases tournées du mieux qu'elle pouvait. Elle n'oublia pas de conclure par une petite question de retour, ne serait-ce que pour l'entendre répondre ou enchainer sur autre chose. Il avait une voix agréable qui lui faisait penser à celle de son propre père. Une fois qu'elle eut fini, elle fit doucement glisser son calepin sur la table et attendit qu'il lise.


Je suis éducatrice spécialisée. Je m'occupe des enfants qui ont le même problème que moi en ce qui concerne la communication, donc soit sourds, soit muets. Ce n'est pas grand chose mais je leur fais faire des activités sportives, de l'expression corporelle... Parfois j'essaie de parler -si l'on peut dire- avec eux pour les aider à se sentir mieux. Ce n'est pas toujours facile, mais ça me plait vraiment.
Et vous, qu'est-ce que vous faites dans la vie ?
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MessageSujet: Re: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeDim 10 Juil - 19:40

Ross fut maladroit en lançant une question ouverte mais il se rattrapa de justesse. Il évitait ainsi à la jeune fille de se perdre dans une réflexion intense pour trouver quoi répondre. Pendant qu’elle écrivait, il finit de siroter sa bière écossaise et en commanda deux autres au serveur qui passa à proximité. L’écossais s’appliqua à lire les mots de Maïra. Un léger sourire éclaira son visage morose. Même s’il était très léger, c’était un premier vrai sourire qu’il adressait à la jeune femme. Il la voyait un peu comme une bonne fée qui se penchait sur le berceau d’un nouveau né. Ross était né depuis longtemps, mais cela faisait peu de temps qu’il vivait une situation difficile. La rencontre avec Maîra illuminait quelque peu la période sombre et douloureuse de ces dernières semaines. Ross s’emballait peut-être un peu vite mais il avait envie d’y croire. Il y avait une chance pour que cette journée soit moins mauvaise que les précédentes. La profession de la jeune femme pouvait les rapprocher.

- Je comprends bien. C’est un très beau métier que vous faites là Maïra. Faut croire que le hasard fait bien les choses.

Tout comme lui, elle semblait passionnée par ce qu’elle faisait. Malgré son handicap, elle avait trouvé sa voie. Elle faisait plaisir à voir. Habituellement, Ross évitait de parler de sa profession. Les psychologues et tout ce qui commençait par « psy » étaient souvent mal perçus. Certaines personnes pensaient que c’était des charlatans, d’autres s’en méfiaient comme de la peste de peur de se voir analyser sur le champ, et d’autres estimaient qu’ils étaient tout simplement fous. Trop de gens pensaient encore que ceux qui suivaient une psychothérapie ou une psychanalyse étaient dingues, et ceux qui s’en occupaient encore plus. Là, il n’avait rien à craindre, ils travaillaient dans le même secteur d’activités.

- Je suis psychologue. C’est vrai que ce n’est pas facile tous les jours… Mais quand on aime, on ne compte pas, comme on dit. Répondit-il dans un sourire plus franc que le précédent.

Sourire qui s’estompa à la pensée que son métier ne lui fut d’aucune utilité le jour où il annonça à son fils adoptif qu’il était en réalité son fils biologique.

- Malheureusement, il y a des situations où je me demande si cette profession est bien utile ou si je ne devrais pas carrément changer de métier.

Cependant, l’aura positive de la jeune femme incitait l’écossais à ne pas se laisser aller à de tristes tergiversations mentales.

- D’ailleurs, je fais moins de consultations désormais; et j’enseigne à l’Ucla. Les étudiants sont plutôt sympathiques et ils sont curieux de tout. C’est très intéressant d’échanger des points de vue avec eux. J’en apprends beaucoup à leur contact. Je crois que c’est un métier, tout comme le vôtre Maïra, où l’on ne cesse jamais d’apprendre. La psychologie humaine varie en fonction de l’environnement et évolue sans cesse avec le temps. C’est ça qui est intéressant même si c’est parfois déstabilisant !

Le contact avec des personnes plus jeunes avait permis à l’écossais de remettre en question quelques belles théories apprises lorsqu’il était étudiant. Peut-être que le contact avec son interlocutrice lui permettrait d’y voir plus clair ? Il l’espérait fortement. Pour cela, il devait faire l’effort de parler de son cas. Il allait ouvrir la bouche pour commencer à s’étendre sur le sujet mais il se ravisa. Ross n’aimait pas parler de lui. Autant il pouvait soutenir une conversation, pendant des heures, sur son métier, autant il évitait de parler de ses problèmes à quiconque. Par pudeur sans doute.


Dernière édition par Ross F. McGregor le Lun 18 Juil - 12:42, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeDim 17 Juil - 22:21

Son compliment lui alla droit au cœur. En règle générale, les gens trouvaient que c'était soit difficile soit impossible qu'une personne "comme elle" puisse exercer ce métier. On lui demandait même parfois si ça existait vraiment ou si c'était une structure exceptionnelle créée par l’État de Californie. Bon, certes, on finissait toujours par lui dire que ce qu'elle faisait était bien, mais jamais avec autant de sincérité et de spontanéité. Elle était surtout contente de le voir sourire. Ce n'était pas un immense sourire d'une oreille à l'autre, mais tout son visage avait changé. Maïra aurait été bien incapable de dire pourquoi mais ça lui faisait plaisir. Elle ne s'en attribuerait cependant pas le mérite car elle n'avait dit que des mots simples sans aucun autre but qu'engager la conversation. Il avait lui-même trouvé l'envie de sourire dans son petit message sans arrière-pensée.

Et puis, sa dernière phrase n'était pas anodine. Est-ce que lui-même travaillait avec des enfants ou des gens avec des difficultés ? Malgré son air plutôt abattu, il avait cette aura apaisante des personnes qui ont l'habitude de se voir confier des problèmes quelconques. Maïni pouvait parler en connaissance de cause : elle travaillait avec ces personnes toute la journée et même toute l'année. Bien sûr, il y avait des exceptions partout et cet homme pouvait simplement être quelqu'un en qui les autres se confient sans avoir de jolie plaque accrochée à la porte de son bureau. Elle attendait sa réponse avec impatience.

Psychologue. Elle ne s'était donc pas trompé. Dans un sens, elle était contente de voir qu'elle avait vu juste, mais elle n'aurait pas été déçue de s'être trompée. C'était un petit pari interne qui n'avait aucune importance de base. Et son sourire plus franc élargit le sien. Il faisait plaisir à voir. Si elle avait pu parler et être plus spontanée, elle lui aurait dit que ça lui allait mieux que son petit air morne, mais elle devrait se contenter de lui rendre son expression... Et elle failli perdre son entrain en le voyant de nouveau replonger dans les affres des pensées d'avant son arrivée. Elle avait l'impression d'avoir attrapé une petite ficelle ou allumé un tout petit feu dans l'espoir que quelque chose se passe, puis que tout venait de se faire happer par un coup de vent et qu'elle devrait redoubler d'efforts pour revenir au résultat obtenu.

Elle ne tarda pas à savoir la raison d'un retour à une si petite mine. Changer de métier était certes une idée qu'elle avait de nombreuses fois entendue venant de praticiens, mais les plus âgés lui avaient dit qu'au final, ils n'arrivaient pas à vraiment changer de profession. A la rigueur ils dérivaient sur autre chose, mais il était difficile de se refaire après avoir exercé pendant longtemps, a fortiori avec un emploi aussi intéressant et diversifiant. On pouvait se demander si c'était une fatalité. Est-ce que quelqu'un qui a commencé dans le psychologique ne peut pas s'en défaire ? Pour peu, on aurait presque dit une punition. A vouloir fouiller dans la tête des autres, tu ne pourra plus jamais rien faire d'autre ! C'était un peu caricaturé, mais Maïra ne parvenait pas vraiment elle-même à expliquer pourquoi elle-même ne pourrait pas changer de métier, et ce n'était même pas par commodité.

Elle allait tenter de répondre quelque chose, hésitant même à poser sa main sur la sienne, ne voyant pas comment lui montrer une volonté de réconfort, mais il reprit la parole. Poliment, elle ne bougea pas et l'écouta attentivement. Ainsi donc, il donnait aussi des cours à l'université ? Quelques années plus tôt, elle l'aurait peut-être eu comme professeur mais la muette ne se souvenait pas l'avoir déjà croisé. En même temps, elle travaillait depuis déjà près de trois ans et elle était consciente qu'il pouvait se passer énormément de choses en trois petites années. Une seule journée lui avait suffi à la faire changer de vie, comme sans doute beaucoup d'autres personnes. Cependant elle voulait bien le croire quant au fait que ce soit intéressant et une source constante d'enseignements. Déjà avec des enfants, c'était réellement enrichissant alors avec des étudiants qui réfléchissent sur les mêmes choses que soi. Quoiqu'elle devait avouer que les plus petits étaient aussi plein de surprises. Ils faisaient parfois des réflexions très justes sur la vie et les relations humaines. Ils voyaient les choses simplement là où un adulte se les complique jusqu'à ne plus pouvoir se sortir d'une situation. Il fallait tout de même dire qu'ils étaient plus simples entre eux, moins prise de tête. Ils se disaient les choses et se pardonnaient simplement parce qu'ils s'appréciaient, ou alors ne se parlaient plus mais sans en faire tout un flan. Du moins, c'était ce qu'elle voyait elle avec ses yeux d'adulte. Et souvent ils lui disaient : "Mais pourquoi c'est si compliqué quand on est grand ?". Quand on dit que la vérité sort de la bouche des enfants... Elle devait avouer s'être surprise à plusieurs reprises à demander "conseil" aux enfants dont elle s'occupait pour voir comment ils réagiraient -pure test psychologique- mais parfois de suivre leur avis quand il semblait judicieux.

Il y eut un moment de latence pendant lequel elle chercha quoi dire, puis elle se remit à écrire. Elle était soulagée de savoir qu'elle avait en face quelqu'un d'apriori patient qui ne lui tiendrait pas rigueur du rythme entrecoupé de la conversation. C'était assez difficile avec les gens qu'elle rencontrait en général et qui étaient toujours pressés de savoir ce qu'elle avait à dire. Même si elle devait avouer qu'elle était plutôt entourée de personnes compréhensives.


Vous avez raison, on en apprend tous les jours. C'est intéressant de voir le point de vue des autres, leur façon d'être. Je pense qu'échanger est l'une des choses les plus importantes pour avancer. Quand j'étais étudiante, j'aimais beaucoup "parler" avec certains de mes professeurs, j'avais vraiment l'impression de progresser. Mais pas dans les études, progresser moi-même.
Et en ce qui concerne votre doute sur l'utilité de votre emploi, je le comprends parfaitement. Mon petit-frère a fait sa crise d'adolescence pendant mes études et je me sentais vraiment nulle de ne pas pouvoir l'aider à se sentir mieux. Un moment, je me suis dit que ce que je faisais ne servirait à rien ni personne, puis j'ai persévéré. Je crois que quand on a commencé à toucher à la psychologie, de toute manière, on est voué à ne pas changer de vocation. Enfin, je dis peut-être ça parce que je suis jeune, mais on m'a souvent répété que c'est difficile de changer de voie quand on travaille dans ce domaine.
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MessageSujet: Re: Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé]   Voir le verre à moitié vide ou à moitié plein [Terminé] Icon_minitimeVen 22 Juil - 20:34

Ross et ses états d’âme pas folichons. Il en résultait un homme ayant des difficultés à exposer clairement ce qu’il pensait. Pour ce qui était de son métier, en fait, il ne remettait pas en cause l’utilité. Bon nombre de ses patients s’en étaient bien sortis, tout comme une bonne partie des consultants de ses collègues rencontrés jusqu’à présent. Par contre, les connaissances acquises au fil du temps ne lui avaient pas été d’une grande utilité dans les rapports avec son fils. Il regrettait fortement de ne pas avoir été capable de prendre de la distance pour agir différemment. Même s’il y avait pensé, aurait-il pu ? Rien n’était moins sûr puisqu’il était directement concerné, d’autant plus qu’il était le seul et l’unique responsable de cette situation très houleuse. Il savait désormais qu’il avait fait la plus grande erreur de sa vie : mentir à son enfant. Même si la raison première partait d’un bon sentiment, c’était la dernière chose à faire ; non, ce n’était pas à faire du tout ! Les adultes avaient tendance à sous-estimer les enfants qui possédaient pourtant des ressources incroyables. Il n’était pas rare de voir des jeunes réagir de façon impressionnante et donner ainsi une leçon de vie aux adultes pourtant plus expérimentés, inversant implicitement les fondements établis.

Le psychologue secoua la tête comme s’il voulait remettre ses neurones en place en se traitant d’idiot. De part son mutisme, la « conversation » originale, entrecoupée de pause laissant le temps à la jeune fille d’écrire, convenait parfaitement au psychologue. N’étant pas dans son assiette, il avait besoin d’un laps de temps pour que les informations montent à son cerveau ralentit. Tout en lisant les mots écrits par Maïra, il sirotait doucement sa deuxième bière.

La muette était d’accord avec lui et pour cause, elle oeuvrait plus ou moins dans le même domaine. C’était agréable de tomber sur une personne qui comprenait les difficultés du métier et ses spécificités. L’échange de ces deux individus rencontrés par hasard était bénéfique, pour Ross en tout cas. Certes, il ne sautait pas au plafond de contentement mais appréciait sincèrement la présence de Maïra. Quelque part, elle lui apportait un peu de la quiétude nécessaire à son équilibre psychologique. Comme quoi, il y existait des rencontres improbables mais positivement surprenantes.

- Vous avez raison Maïra, je ne dois pas baisser les bras et persister pour éviter que la relation ne se dégrade. Garder le contact est primordial. Une rupture définitive serait, pour moi, insupportable. Je vous avoue que je ne préfère même pas y penser car je crois que je n’y survivrais pas. J’ai fait une connerie monumentale mais j’ai toujours l’infime espoir que l’amour finira par avoir le dernier mot.

Ross avait répondu à son interlocutrice sur un ton grave mais une lueur d’espoir naissait dans son regard.

- Je ne peux accepter cette fatalité, même si j’en suis à l’origine. William Shakespeare a dit que le pouvoir de tout modifier souverainement était dans notre volonté. Je pense posséder cette volonté mais ce n’est pas évident. Dit-il en plongeant son regard clair dans celui de Maïra.

L’écossais n’était pas un homme à se confier facilement, D’ailleurs, il n’avait pas encore précisé qu’il s’agissait de son fils. A l’entendre, le problème pouvait être en rapport avec un parent, une femme ou un ami. Il fallait soit bien le connaître, soit être un très fin observateur pour deviner ses pensées profondes. Le regard insistant de l’homme était comme un appel à l’aide mais jamais il ne se permettrait de demander de l’aide à une inconnue, même si cette inconnue semblait le comprendre. Question de fierté ? Peut-être….

Epilogue : Ce n’était pas dans la nature de Ross d’avoir recours à une tierce personne pour régler ses problèmes mais cette jeune femme était tellement à l’écoute qu’elle lui inspirait confiance. Son handicap avait certainement développé son sens critique, ce qui lui permettait de détecter et d’interpréter les mots, les silences, les intonations, les gestes et tout ce qui entrait dans le domaine de l’analyse comportementale. Se sentant à découvert et parce qu’il n’avait pas grand-chose à perdre, l’écossais finit par expliquer à Maïra qu’il s’agissait de son fils, qu’il était le seul coupable et qu’il était complètement paumé. La jeune femme se montra extrêmement compréhensive ; même si elle n’en pensait pas moins, elle n’accabla pas Ross de reproches. Au contraire, elle lui fit admettre qu’il avait des circonstances atténuantes et qu’il ne devait surtout pas baisser les bras. Son fils finirait un jour par comprendre et par lui pardonner. Le psychologue avait envie d’y croire. Du fond du cœur, il remercia le destin de cette belle rencontre et promit à Maïra de se rendre disponible si elle avait besoin de lui un jour.
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