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 De pierre et de poussière

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Aaron O'Hara

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MessageSujet: De pierre et de poussière   De pierre et de poussière Icon_minitimeMer 30 Déc - 19:49

Automne 2020

Un gobelet de café dans chaque main, je me dirige vers les urgences. Le cri d’une sirène retentit, m’arrache une grimace tandis que le son strident heurte sans douceur mes tympans.
C’est un son auquel je ne me ferai jamais. Il y a une grande différence entre les sirènes passant dans les rues d’une grande ville, dans l’indifférence générale et en fond sonore, et les sirènes pilant net à nos pieds, signe que la catastrophe nous concerne et que le drame n’est pas encore terminée.
Je me souviens trop bien de ces sirènes, du gymnase de l’UCLA jusqu’à la destruction du QG de Genome, sans oublier tous les drames ayant pris une trop grande place dans ma vie entre ces deux événements, puis même après. Et, clairement, ces souvenirs n’ont rien d’agréables, ils sont tous marqués par des pertes, de trop nombreuses pertes.

Le temps fait son œuvre mais plus difficilement pour moi. Ma culpabilité chronique n’aide pas mais c’est surtout lorsque je retrouve des visages de cette époque que les souvenirs viennent claquer avec violence mon esprit quand il a le malheur de croire que la vie peut s’avérer douce. Elle est bien plus cruelle que l’inverse pour moi, et c’est sûrement de ma faute.
Depuis la fin de Genome, depuis le choix de sa dissolution, les choses ne s’estompent pas vraiment, elles prennent des distances mais reviennent toujours, comme le ressac. Et c’est aussi pour ça que je me sens obligé de poursuivre une partie du travail engagé des années plus tôt, obligé d’aider ceux qui viennent frapper à notre porte. Je ne souhaite ça à personne et, pourtant, je vais aussi frapper à certaines portes…

Un nouvel élan de culpabilité me secoue tandis que la sirène s’arrête. Je suis là, devant les urgences, avec deux gobelets de café et je m’apprête sûrement à demander de l’aide à Addison après toutes ces années. Je m’apprête à lui demander de redonner de sa personne pour une cause déjà perdu il y a dix ans. Les choses ne sont plus les mêmes : nous ne luttons pas, nous nous terrons, les plus optimistes attendent même des jours meilleurs. Mais nous sommes ensemble, nous aidons toujours des gens, nous vivons entre mutants, nous travaillons à nos capacités, nous nous renseignons toujours sur les actualités nous concernant… Les choses ont-elles vraiment changé en fin de compte ? Je ne sais pas. Et je suis là, prêt à demander une nouvelle fois à Addison de nous épauler de temps en temps grâce à ses compétences.

Savoir qu’elle est revenue m’a mis du baume au cœur, des années après avoir quitté la Cité des Anges, Addison revient, comme certains ont réussi à le faire. Ils sont bien plus nombreux à être partis définitivement, à avoir tout plaqué pour changer de vie. Et je les envie. Les nouvelles nous parviennent de façon sporadique, certains n’ont pas donné signe de vie depuis des années. Les retours sont une fête mais, passés les premiers moments d’euphorie, la réalité nous rattrape : revenir vers la source de la plupart de nos malheurs n’est jamais signe de guérison mentale, loin de là. Je sais que je ne serai jamais capable d’autre chose mais j’avais espoir pour ceux qui avaient réussi à partir.
Revoir Addison me fait plaisir mais qu’est-ce que cela signifie pour elle, pour sa vie ? Elle qui avait mis de la distance et qui m’a contacté une fois revenue à la case départ ?

Et c’est au milieu de toutes ces réflexions qu’elle apparaît, finissant sûrement un service trop long de plusieurs heures. Lorsqu’elle arrive à ma hauteur, je lui tends un gobelet, souriant. « Noir, sans sucre. Si tes goûts n’ont pas changé. Bon, il est sûrement plus tiède que brûlant… » La faute à mon manque d’anticipation sur la durée du trajet entre le kiosque à café et l’hôpital.
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Addison Atkins

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MessageSujet: Re: De pierre et de poussière   De pierre et de poussière Icon_minitimeJeu 31 Déc - 10:05

L’avantage lorsqu’on travaille aux urgences, c’est qu’on voit rarement le temps passé. Il y a bien sûr de maigres périodes d’accalmies, mais dans une grande ville comme Los Angeles, les arrivées de blessés graves sont quasiment en flux continu. Cela fait quelques mois que j’ai réintégré l’établissement. Je ne travaille pas dans le même service qu’avant, ni au même poste. J’ai quand même retrouvé quelques connaissances, notamment un médecin qui faisait son internat en même temps que moi. L’avantage est que l’hôpital offre une garderie de nuit comme de jour. Trouver une place en crèche ou une nourrice pour Amelia qui accepte mes horaires de dingue aurait été mission impossible. C’est rassurant de la savoir quelques étages plus haut avec des pédiatres capables d’intervenir au moindre problème. Sans compter que cela lui fait du bien de sociabiliser avec d’autres enfants, des adultes. Jusqu’ici il n’y a eu quasiment que nous deux. J’espère bien que les choses vont changer, j’aimerais que ma fille ait du monde pour l’entourer. Surtout que je me suis demandée quelques fois qui pourrait s’occuper d’elle s’il m’arrivait quelque chose. Il est hors de question qu’on la confie à mes parents. Sans doute que j’ai un peu cela en tête en renouant avec les anciens de Genome. S’ils ont la foutue manie de se mettre dans les ennuis, ce sont des gens bien. Et je n’en connais pas beaucoup d’autres.

Enfin sonne l’heure de raccrocher ma blouse, de récupérer mes affaires au vestiaire. Habituellement je passerai directement chercher la mini humaine qui joue sûrement à cette heure à la garderie. Sauf que quelqu’un m’attend. Je quitte le bâtiment, cherchant des yeux Aarron que, rappelons-le, je n’ai pas vu depuis une décennie plus ou moins. Une chance qu’il n’ait pas trop changé. Bon le temps a bien laissé quelques marques sur son visage comme sur le mien. Il a toujours ce regard particulier, cet air un peu sombre ou triste, comme s’il portait le poids de la misère du monde sur ses épaules. Cela fait bizarre de me trouver face à lui après tout ce temps et sachant ce qu’il s’est passé. Je lui souris, un genre de réflexe que je ne peux pas retenir. Pourtant à l’époque je souriais peu. Je suis contente de le voir, n’allez pas le lui dire !


« Salut O’Hara. –dis-je en préambule, marquant un temps d’arrêt avant de récupérer le gobelet de café qu’il me tend. Je bois plus de café, c’est mauvais pour mon cœur. Je me fends d’un sourire malicieux avant d’attraper la boisson et d’en prendre une gorgée. Merci pour l’attention, je salue ta mémoire. Tu t’es fait des fiches ? Je serai bien incapable de me rappeler comment tu bois le tien.

Au moins comme ça il va voir que je n’ai pas énormément changé malgré les années. J’ai toujours la même grande gueule et le même humour particulier. A priori si cela ne l’a pas incité à me détester à l’époque, cela devrait passer aujourd’hui. Je l’invite à marcher d’un geste. Il y a un banc un peu à l’écart devant l’hôpital où on devrait pouvoir parler au calme.

- Alors qu’est-ce qui t’a poussé à sortir de ta grotte pour venir me voir ? Tu as eu peur que je me perde dans la forêt en venant te rendre visite ou bien c’est une façon de vérifier que je n’ai pas changé d’allégeance, que je ne suis pas un piège sur pattes ?
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Aaron O'Hara

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MessageSujet: Re: De pierre et de poussière   De pierre et de poussière Icon_minitimeSam 2 Jan - 8:49

Et dire que j’ai passé tout le trajet à chercher comment construire une phrase d’accroche pas trop agressive pour mettre les pieds dans le plat en douceur… J’ai oublié à qui je m’adresse. Mes lèvres esquissent un léger sourire alors que je me retiens de dire que la Gorgone n’a pas changé. Les pieds dans le plat… C’est toujours sa spécialité à elle et quelque part c’est tout ce que j’ai espéré parce que demander de l’aide n’est pas ce que j’aime le plus au monde.
Assis sur le banc, je la regarde et avale une gorgée de café. Au lait cette fois-ci, parce que si je ne change pas, si la constance de mes défauts est tout le drame de ma vie, je suis joueur au moins sur ce que je bois.

« Allégeance est un bien trop grand mot, Atkins. » Un mot que je n’aime pas, un mot qui évoque le conflit, le choix, le point de non-retour aussi. Un mot que j’ai dû bien trop employer à une époque où j’étais persuadé que notre engagement était beau et grand. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. « Ce temps-là est révolu. La forêt, ce n’est pas Genome… » Genome n’est plus et ne sera plus jamais. Genome était une période d’espoir, une croyance erronée de maîtrise de nos vies, persuadés que nous étions de pouvoir changer les choses et œuvrer pour quelque chose de meilleur. Depuis, tout est bien pire. « Aujourd’hui tout est une question de survie. » Et vlan. Pour des retrouvailles en douceur, c’est raté.

« Je te faisais confiance avant Addison, et c’est toujours le cas aujourd’hui. » Gorgone et son caractère fâcheusement irritable mais à la loyauté sans faille, même lorsqu’elle prenait ses distances à l’époque elle savait faire en sorte qu’on puisse compter sur elle au besoin. « Même si je ne sais plus rien de ta vie. Alors que dirais-tu de me faire un rapide résumé de ce qui te semble important ? Comme les raisons de ton retour ici, dans cette ville qui rassemble nos pires souvenirs ? » Dans ce merdier sans fin, cet épicentre de nos malheurs, nos doutes, nos erreurs. Je ne suis jamais parti parce que je n’ai jamais su quoi faire d’autre que d’être là pour ceux qui en ont éventuellement besoin. Je suis de ces gens irrécupérables, de ceux qui pourraient s’en sortir s’ils décidaient de tout stopper et d’enfin accepter de laisser entrer la lumière. Mais la peur de l’éblouissement m’a toujours fait reculer. La peur de ne pas savoir quoi en faire, ensuite, de cette lumière. Et une certaine accommodation à l’obscurité. Rester coincé dans ce qu’on connaît est bien plus rassurant que courageux en réalité, c’est même une entière lâcheté.

Écrasé par le poids de la culpabilité, par la peur de ne pas savoir quoi faire ensuite, par ce besoin quasi addictif d’aider les autres à défaut de savoir m’aider moi, je n’ai jamais su tout plaquer et recommencer. J’avais cette idée en tête en partant m’installer au fin fond des bois mais je me suis royalement fourvoyé : comment ai-je pu croire que me terrer était un moyen d’avancer ? Je ne sais plus mettre un pied devant l’autre depuis longtemps.
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MessageSujet: Re: De pierre et de poussière   De pierre et de poussière Icon_minitimeDim 3 Jan - 8:44

Il n’a pas changé non plus O’Hara, ou du moins pas complètement. Il ne me faut pas longtemps pour le constater, il est déjà en train de chipoter sur les mots. Je hausse légèrement les sourcils en l’entendant parler de survie. C’en était déjà à l’époque en quelque sorte. La grosse différence étant qu’ils avaient décidé de se battre, là ils sont plutôt dans l’optique de se faire oublier. Ils ont fini par comprendre ce que j’ai toujours pensé : que le combat était trop déloyal pour qu’on ait une chance de l’emporter. En vérité, je trouve ça triste. Même si j’étais la première à penser qu’ils étaient carrément à la masse de vouloir se battre avec des cuillères en bois face à des professionnels armés de bazookas. En secret j’admirais leur optimisme, leur espoir, leur combattivité. Et comme je n’ai pas envie de m’appesantir sur ce qu’on a perdu, à quoi on a renoncé, eux plus que moi d’ailleurs, je réplique sur un ton léger :

-  Après, c’est un concept. J’espère que tu l’as breveté. T’es presque le précurseur du village écolo dans les bois.

Je lui souris avant de plonger mon nez dans le gobelet pour en prendre une gorgée. Quand il parle de confiance, cela me réchauffe davantage le cœur que ces quelques centilitres de café tiède. J’ai toujours respecté et sûrement un peu admiré Aaron. Probablement parce qu’il est bien différent de moi à s’en faire pour les autres. Mon expérience à Genome m’a fait évoluer sur ce sujet, même si je ne suis pas devenue pour autant la première des altruistes. Je me garde de le dire, par fierté et parce que je suis mal à l’aise quand on me fait un genre de compliments. Par chance il enchaine sur des questions me concernant, sans attendre de réaction de ma part. Bon, cela ne me facilite pas beaucoup la tâche. Comment résumer dix années en quelques mots ? Je choisis de passer le cancer sous silence, étant donné qu’il me laisse tranquille ces dernières années. Inutile d’inquiéter O’Hara, sans compter que ça génèrerait soit de l’apitoiement soit de l’admiration, que je ne tiens à provoquer ni l’un ni l’autre.

-  Que je te résume ma vie ? Pauvre de toi, tu aurais dû opter pour le whisky au lieu du lait dans ton café si tu dois m’écouter bavasser sur mes aventures. –que j’ironise. J’ai pas mal voyagé et j’ai filé un coup de main à une ONG en Afrique. Cela m’a permis de voir qu’il y a des vies bien plus merdiques que les nôtres. Ensuite j’ai fait le combo deux secondes d’inconscience, cinq minutes de plaisir. Après neuf mois passés à nourrir un alien directement dans mon ventre j’ai signé pour au moins vingt années de galère en la mettant au monde. Elle s’appelle Amelia, elle a fêté un an il y a quelques semaines. Je l’élève seule.

Ok, ça se pose là aussi comme nouvelle. Surtout que je ne la présente pas de façon édulcorée comme n’importe quelle jeune maman ravie de sa nouvelle condition. Je reste fidèle à mon tempérament. Une enfant, surtout en bas-âge, ce serait plus compliqué à cacher qu’une tumeur qu’on m’a retiré y a quelques années. Si Aaron compte m’embaucher auprès de sa communauté, il va de soi qu’avec une braillarde aussi adorable soit-elle dans les pattes je serai moins libre qu’avant.

-  En quelque sorte ça répond à ta dernière question. Même si je fais ma maline, la maternité m’a fait prendre conscience de certaines choses. A commencer par le fait que malgré les épreuves et les pertes, Genome mettait en avant des valeurs importantes que je voudrais inculquer à ma fille. Alors même si le groupe est mort et qu’aujourd’hui son big boss vit comme un ours dans la forêt en oubliant de se raser, je pense que l’esprit de groupe lui est encore bien vivant. Je n’ai pas vraiment retrouvé ça ailleurs. Et puis la situation a l’air plus calme aujourd’hui non ?

Ma question n’est pas là que pour me rassurer. Si je suis prête à me mouiller à nouveau en gravitant dans leur sillage, je dois quand même savoir un minimum où je mets les pieds. Parce qu’aujourd’hui la moindre de mes décisions a un impact sur la petite chose en couche culotte qui n’a rien demandé à personne et qui dépend entièrement de moi.
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MessageSujet: Re: De pierre et de poussière   De pierre et de poussière Icon_minitimeLun 4 Jan - 17:47

Barouder aux quatre coins du monde pour trouver de bonnes raisons de ne pas s’apitoyer sur son sort, c’est bien le genre d’Addison. Mettre la main à la pâte tout en sachant garder une distance émotionnelle nécessaire pour se préserver aussi. Certains la voyaient froide à l’époque, trop mécanique, mais j’ai toujours trouvé que c’était une force cette capacité à élever des barrières mentales pour bloquer les émotions trop violentes et réussir à se concentrer sur l’urgence. Tout ce que j’ai toujours eu du mal à faire.

Je ne peux m’empêcher d’afficher un sourire marquant l’agréable surprise que provoque l’annonce de sa maternité chez moi. J’admire ces gens capables de transmettre une partie de ce qu’ils sont, mutation comprise pour nous, à une toute nouvelle génération de petits gnomes. Je crois même que j’aurais aimé avoir des enfants biologiques dans un autre monde, une autre vie. Dans cet univers, je ne m’en sens pas capable : trop peur de transmettre les cataclysmes que la mutation engendre à des êtres innocents, bien plus peur encore de me sentir obligé d’abandonner des enfants qui n’auraient pas le gène, pour les préserver de la vie que je mène. Dans un cas comme dans l’autre, je me sens incapable de gérer la culpabilité que ça génèrerait chez moi alors que je trouve ça merveilleux chez les autres. Je suis peut-être persuadé d’avoir aussi récupéré le gène de la connerie de mes parents, celui qui a fait qu’ils ont mené une double vie qui nous a coûté bien trop cher à Aby et moi.

La suite, je ne m’y attends pas. Est-ce qu’elle se rend compte que, sortant de sa bouche, ses mots sonnent comme une déclaration d’amour ? Mieux vaut ne pas éclairer sa lanterne à ce sujet parce que je sais qu’elle pourrait se renfrogner d’un coup, s’arrêter net et me transformer en statue en un battement de cils assassin. Et je ne fais pas plus le malin qu’elle, parce ses mots me touchent, parce que les années n’ont pas su améliorer ma capacité à accepter les compliments.
Machinalement, je passe ma main libre sur ma mâchoire, comme une façon de lui concéder son point sur mes problèmes de rasoir. C’est vrai que, sans m’en rendre compte, j’alimente le cliché du vieil ermite dans son trou, barbe trop fournie, cheveux un peu trop longs, chemises en flanelles bien trop nombreuses dans mes placards. Et ce n’est même pas volontaire, juste une bonne grosse flemme de passer du temps à élaguer tout ça, puis ça colle bien au personnage que j’incarne depuis dix ans… Je l’admets.
Mais ces valeurs, celles dont elle parle, elles existent mais elles se confrontent sans cesse aux souvenirs douloureux, à la peur de l’avenir proche comme lointain, de la minute suivante même. Comme l’impression de marcher sur le fil du rasoir en retenant sans cesse le souffle. Je ne suis pas en apnée depuis dix ans, mais c’est tout comme : rallonger le temps en vivant au rythme des saisons, loin de l’effervescence de la vile, mais en ayant toujours l’angoisse que ça dérape, que ça s’accélère et que le tourbillon de drames recommence.

« Des valeurs, peut-être, mais saines ? Je n’en suis pas certain. On a passé des années à se battre contre un géant sans se rendre compte qu’il cachait simplement une montagne plus imposante encore… » D’abord Genetic, puis la découverte du Cercle, puis l’anéantissement de tout ça par quelque chose de plus pernicieux, discret mais surtout virulent… Quelles valeurs ? « On était des idéalistes trop mal préparés pour le baptême du feu et on y a laissé quelques plumes. » Voire des ailes entières pour certains. L’odeur de brûlé colle toujours à la peau, même des années après. « Ce que tu dis c’est… » J’peux pas lui dire que c’est émouvant, pourtant ça secoue pas mal de choses en moi, ça remue des tonnes d’émotions. « Merci Addison. Pour ce qui est du calme… J’ai l’impression que les nuages s’accumulent sans être menaçants pour le moment mais qu’ils n’attendent que le premier coup de tonnerre pour tout inonder. C’est pas évident de rester optimiste avec tout ce qu’on a vécu. » Je souris tristement en me rappelant que c’est son aide que je suis venue chercher et que, maintenant qu’elle semble me la tendre sur un plateau, je ne suis même plus sûr d’être capable de la lui demander. Elle a une fille, un bébé qui a besoin d’elle maintenant. Ça rebat toutes les cartes du jeu pour moi.

« Dans les bois, on se cache principalement. On ouvre la porte à ceux qui ont besoin d’un refuge, d’un lieu où se planquer. Certains sont là pour apprendre à se maîtriser. C’est un peu une sorte de sas qu’on offre quand on y arrive. » On est loin du joli tableau qu’on pensait avoir peint avec Genome à l’époque. C’est plutôt un pansement, une transfusion de fortune alors qu’on a toujours pas trouvé le moyen de stopper l’hémorragie.
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MessageSujet: Re: De pierre et de poussière   De pierre et de poussière Icon_minitimeSam 9 Jan - 10:00

Le qualificatif « saines » m’arrache un sourire, pour autant je continue de l’écouter sans l’interrompre. J’ai beau être une grande gueule j’ai appris à me taire pour laisser parler les autres, leur prêter de l’attention. Encore une bonne chose que je tiens de mon expérience à Genome. Au moins je constate qu’on a la même analyse a posteriori du combat mené. Je sens une certaine résignation chez O’Hara, ou bien c’est juste une impression. Après tout je ne sais pas lire dans les pensées, ça doit être un don bien pratique d’ailleurs. Et curieusement, dès qu’il parle de nuages et de tonnerre, j’ai comme une tension qui se manifeste juste là, derrière ma nuque. J’ai cette curieuse sensation depuis mon retour dans la cité des anges. Je me suis dit que c’était lié aux souvenirs que j’ai ici. Je me suis sentie sur la brèche en revenant. J’ai même repris les vieilles habitudes assez facilement. Cela devrait me pousser à une certaine réserve, pourtant c’est l’inverse. Me dire que les anciens du groupe et des nouveaux encore plus déboussolés pourraient avoir besoin d’aide, ça me donne envie de me mouiller avec eux. Et c’est là que je me rends compte que je ne suis plus tout à fait la même personne aujourd’hui. Le seul problème reste que je ne suis plus seule désormais, il faut aussi que je pense à ma fille. D’un autre côté, quelle image je lui donnerais si je tourne le dos à ceux qui comptent pour moi dès la première difficulté ? Et si elle a hérité du gêne mutant de sa mère, autant me battre pour la cause dès maintenant.

-  Je vois assez bien le tableau oui. Si tu es venu pour que je signe à nouveau, je suis partante. J’imagine que vous avez besoin de matériel médical. J’ai peur de voir à quoi ressemble votre trousse de secours. –que j’ajoute en lui faisant un clin d’œil. Bon y a juste une chose… Dis-moi que vous avez de vraies commodités. Faire pipi accroupi au milieu des champignons, ça n’a jamais été mon fantasme inavoué. Là-dessus vous avez quand même un gros avantage sur nous, avec votre tuyauterie externe.

Je reprends une gorgée de mon café de plus en plus froid. Des tas de pensées et de souvenirs s’agitent dans ma petite cervelle. Je suis quand même curieuse de découvrir l’endroit où ils sont installés, ainsi que la nouvelle communauté. Je me demande si je retrouverais beaucoup de têtes connues sur place. Mais ce qui m’intrigue en premier lieu ce sont les paroles d’Aaron. C’est pourquoi je me décide à creuser la question.

-  Et c’est quoi ces nuages dont tu parles là ? Y a quand même une chose rassurante, optimisme ou pas, c’est que tu ne changes pas O’Hara. Quand je t’ai rencontré je me disais que tu étais un peu cinglé avec ton groupe. Et y a sûrement encore une petite partie de moi qui pense qu’il faut être ravagé pour continuer malgré ce qui s’est passé. Mais ça redonne aussi confiance en l’être humain à la cynique que je suis. Ces gens n’ont personne d’autre vers qui se tourner et toi, tu sais ce que ça peut coûter de le faire et malgré tout tu continues. J’ai envie d’être un peu plus comme toi et je voudrais que ma fille grandisse dans un monde où les gens ne détournent pas les yeux juste parce que c’est le plus facile à faire.

Je n’ai pas vraiment conscience de lui faire un compliment jusqu’à l’avoir formulé. Je n’ai pas dit ça pour l’encenser, plutôt parce qu’il minimise ce qu’il apporte à ces personnes désemparées. Puis j’ouvre bien assez souvent ma grande bouche pour râler sur ce qui va de travers, il faut bien rééquilibrer en soulignant les bons côtés. Il y a sûrement un juste milieu entre tout peindre en noir et se croire au pays des licornes. Merde, j’ai vraiment changé moi… Espérons que ce soit en bien. Je vais quand même arrêter là avec les compliments où il va prendre la grosse tête le Aaron.
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MessageSujet: Re: De pierre et de poussière   De pierre et de poussière Icon_minitimeVen 15 Jan - 17:45

Elle m’étonne toujours. D’accord, pas besoin d’une perspicacité hors normes pour comprendre que je veux lui demander un coup de main pour le stock médical puisque c’est ce que je faisais déjà avant, mais elle a glissé ça comme si c’était elle qui le proposait, comme si elle faisait semblant de ne pas voir que c’était ma demande. Et je l’en remercie silencieusement.

Je manque de m’étouffer avec ma gorgée de café quand elle parle de faire pipi sur des champignons. Toujours autant de finesse, ça m’a presque manqué. « T’en fais pas pour ça, même pas besoin de pomper manuellement l’eau du puits. Vus de loin, les lieux ressemblent à un village de hippies qui aiment l’écologie autant que le confort. » Les rêves de paix sur le monde en moins, mais je me garde bien de le dire à voix haute, pas besoin.

La suite me frappe bien plus fort que ce à quoi je m’attends. Je n’ai jamais eu l’habitude d’entendre une telle dose d’espoir de la part d’Addison. Ses mots me touchent mais, en même temps, ils remuent les détails qui m’angoissent, ces petits signes qui me font redouter le pire chaque jour un peu plus. Esteban aussi trouve que je noircis le tableau, qu’il faut savoir profiter du calme même s’il annonce une tempête. « Je comprends ta vision des choses Addison, et c’est pour ça que je continue à aider des gens à défaut d’avoir le pouvoir de changer le monde. Seulement, ta fille… » Comment lui expliquer que le problème vient de l’absence de danger ? D’une période un peu trop calme en apparence ? « Ça fait des années que nous pouvons nous contenter de rester discrets : plus besoin de fuir à chaque instant. On regarde toujours par-dessus notre épaule mais les choses sont calmes. Trop à mon goût. » Et je me sens quand même bien con de me plaindre de trouver les choses trop faciles. « Et à côté de ça, des anciens de Genome nous rapportent que des milices spécialisées font disparaître des mutants. Le danger ne vient plus de l’intérieur, il vient des autres. » Et il se tapit dans l’ombre, on ne peut pas encore le palper, l’analyser. C’est angoissant.

J’ai fini mon café mais je cherche à récupérer la mousse de lait qui reste accrochée sur les parois de mon gobelet à l’aide de ma touillette. Certains me disent d’attendre que le danger soit vraiment là avant de m’inquiéter mais je n’y arrive pas. On nous souffle que ce sont les mutants dangereux qui disparaissent mais est-ce seulement vrai ? On en compte quelques dizaines dans le pays d’après nos différentes sources mais je suis certains qu’il y en a plus, parce que nous sommes chaque jour plus nombreux. Mes recherches à l’époque estimaient que nous allions bientôt arriver au pallier déclenchant une explosion exponentielle de la mutation. J’ai tout arrêté mais j’ai encore en tête pas mal de choses, je suis encore les publications toutes fraîches… J’ai peur.

« Je ne voudrais pas que tu mettes ta fille en danger en la faisant venir à Eden si un jour il s’avère que certaines organisations nous surveillent. »
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